thoracotomie

petite encyclopédie de l'urgence

Insuffisance cardiaque congestive aiguë et oedème pulmonaire cardiogénique

insuffisance cardiaque turgescence jugulaire

turgescence de la veine jugulaire externe à droite, témoin d’insuffisance cardiaque droite ou globale

(Mis à jour le 18/04/2014)

C’est la décompensation d’une insuffisance de la fonction cardiaque, qui se manifeste sous la forme d’une dyspnée, d’un syndrome oedémateux, d’une insuffisance respiratoire aigüe ou d’un état de choc.

Sommaire

La majeure partie des insuffisances cardiaques aigües est dûe à la maladie coronarienne par dépôts d’athérome dans les artères du coeur (syndromes coronariens aigus anciennement classés entre angine de poitrine instable et infarctus). Mais de nombreuses maladies cardiaques avancées peuvent décompenser pour un facteur déclenchant peu important (surcharge sodée alimentaire, mauvaise prise de médicaments de l’insuffisance cardiaque).

La survenue de troubles du rythme, ou d’une poussée d’hypertension artérielle favorise aussi l’épisode aigu sur coeur déjà fragilisé. Le vieillissement entraine à lui seul une forme d’insuffisance cardiaque, et la dégénerescence sénile des valves cardiaques favorise les décompensations également. En fait toutes les maladies cardiaques responsables d’une insuffisance cardiaque chronique peuvent décompenser sous forme d’oedème pulmonaire cardiogénique, avec préférentiellement la coronaropathie et leurs complications (cf Syndrome coronarien aigu , SCA de diagnostic difficile et rupture myocardique), les valvulopathies (Rétrécissement aortique), les troubles du rythme cardiaque (fibrillation auriculaire, …), les cardiomyopathies chroniques décompensées ou aiguës (cardiomyopathie de stress Tako Tsubo). Les décompensations peuvent être mixtes associées à une origine respiratoire au décours d’infection bronchopulmonaire, d’embolie pulmonaire, d’un écart de traitement, …

Diagnostic

Clinique

C’est une dyspnée c’est à dire une gêne respiratoire importante, avec une toux et au pire l’évacuation de crachats non purulents (sauf si une infection respiratoire est la cause du déclenchement de la crise). Dans les états d’insuffisance cardiaque chronique, il existe une orthopnée préalable et des oedèmes des membres inférieurs, les 2 étant majorés lors de la décompensation. Au maximum c’est un tableau de détresse respiratoire aiguë avec cyanose, polypnée, tirage, teint gris, sudation, froideur des extrémités, marbrures voire des signes d’épuisement respiratoire (agitation, coma, bradypnée, expectoration mousseuse). L’insuffisance cardiaque crée une incapacité du coeur à pomper correctement le sang dans les vaisseaux sanguins, et c’est au niveau des vaisseaux pulmonaires que la stagnation fait traverser l’oedème depuis les vaisseaux vers les alvéoles pulmonaires. Le patient se noie de l’intérieur. Les autres signes cliniques témoignent de cet engorgement de la circulation : turgescence des veines jugulaires au cou, reflux hépato-jugulaire traduisant la stase au niveau du foie, les oedèmes des membres inférieurs sont plus souvent un signe chronique qu’aigu, mais ils témoignent du terrain. La présence d’anomalies des bruits du coeur ou d’un souffle traduit aussi une maladie préexistante.
Le déclenchement de la poussée d’insuffisance cardiaque peut être une erreur ou inobservance de traitement, un épisode infectieux intercurrent (pneumopathie), un trouble du rythme (fibrillation auriculaire), une embolie pulmonaire, … mais parfois on ne retrouve pas clairement de facteur déclenchant.

ECG

L’OAP ou l’insuffisance cardiaque stable n’ont pas de traduction sur l’ECG, mais on peut voir des stigmates des maladies cardiaques responsables de la poussée, ou des facteurs précipitants :

  • syndrome coronarien aigu
  • troubles du rythme auriculaire (fibrillation auriculaire, flutter) ou ventriculaires (extrasystoles et tachycardie ventriculaire)
  • hypertrophie ventriculaire gauche des HTA chroniques
  • blocs de branche et troubles de repolarisation non spécifiques
  • tachycardie sinusale par compensation de l’hypoxémie

Biologie

Biologie non spécifique à la recherche d’un syndrome inflammatoire, d’une origine infectieuse associée ou pour le diagnostic différentiel. Néanmoins de faibles hyperleucocytose ou élévation de la CRP sont possibles en l’absence d’atteinte infectieuse pulmonaire. Elevation de la créatinine, en cas d’insuffisance rénale vraie ou fonctionnelle.

BNP et NT Pro-BNP, marqueurs d’insuffisance cardiaque qui permettent de distinguer sur une dyspnée une origine cardiaque d’une origine extra-cardiaque (respiratoire, …). Pour des valeurs très élevées c’est vrai, même si le précurseur le NT Pro-BNP est souvent plus douteux. On voit néanmoins des oedèmes pulmonaires d’installation très rapide avec un BNP pas encore très élevé, et des chiffres élevés mais chroniques qui sur une décompensation aiguë sont difficiles d’interprétation. Les laboratoires définissent généralement des seuils pour lesquels le diagnostic d’insuffisance cardiaque est exclu ou très suspect, en fonction de l’âge, avec une zone intermédiaire pour laquelle le raisonnement clinique et l’imagerie ont toute leur valeur.

La troponine (classique ou ultrasensible) est utile dans les mécanismes ischémiques en sachant qu’elle est souvent perturbée chez un insuffisant cardiaque ou rénal et sa positivité ne traduit pas toujours une ischémie aiguë.

L’étude des gaz du sang artériels n’est pas une priorité dans un OAP sans ambiguité, on sait très bien qu’on a affaire à une hypoxie. La constatation d’une acidose hypercapnique se « sent » déjà cliniquement et va vite faire recourir à la ventilation. Son aide diagnostique est plus faible que dans une décompensation de BPCO.

Imagerie

Radiographie thoracique

Sur une radiographie de thorax on voit de la quasi totalité du temps de façon bilatérale des opacités alvéolaires ou interstitielles multiples, plus concentrées auprès des hiles et des bases pulmonaires, des épanchements pleuraux de faible ou moyenne abondance, des lignes de Kerley B aux bases, indirectement une cardiomégalie.

oedème pulmonaire, épanchement pleural droit, cardiomégalie

dyspnée aiguë chez une femme âgée, opacités périhilaires en ailes de papillon, OAP

oedème pulmonaire unilatéral droit,

Echographie pulmonaire

D’interprétation peu évidente, elle est simple, réalisable au brancard ou au lit du malade, non invasive et reproductible et donc utile pour le guider le traitement. Elle recherche des anomalies pulmonaires évocatrices d’oedème sous forme de lignes B (artefacts en queues de comète ou ring down), majoration d’un artefact naturel avec visualisation de lignes verticales hyperéchogènes partant de la plèvre en fusées pleurales (un peu comme des rayons lumineux). Ces lignes correspondraient aux lignes de Kerley radiologiques. Elles traduisent la présence d’un oedème interstitiel et sont donc assez précoces. Pour être significatives il faut qu’il y ait plus de 3 lignes visibles au sein d’un espace intercostal pris en coupe longitudinale, en cas d’OAP elles sont généralement très nombreuses et visibles en tous points sur les 2 poumons. Leur suivi permet de juger de l’efficacité du traitement. Elle visualise aussi des épanchements pleuraux associés sous forme de zones anéchogènes avec mouvement libre des lobes pulmonaires inférieurs au sein de l’épanchement liquidien.

echographie pulmonaire : présence de 4 ou plus artefacts en queues de comètes au sein du même espace intercostal et sans artefacts horizontaux de réverbération, évocateur d’oedème pulmonaire aigu

autre exemple de lignes B partant de la ligne pleurale dans un oedème pulmonaire

Echocardographie

L’échocardiographie à la phase aiguë est difficile à obtenir, l’état respiratoire ne permettant pas un examen approfondi, et surtout ne pouvant mobiliser le patient en décubitus latéral gauche. Les valeurs qu’une ETT (échocardiographie transthoracique) peut apporter sont résumées souvent par la FE, fraction d’éjection, en % traduisant la fonction pompe ventriculaire (normale 50-75%), mais de très nombreux paramètres peuvent être mesurés (FR ou fraction de raccourcissement normale : 30-45%, étude valvulaire …). L’apport est donc limité sur un OAP sévère parce que cliniquement les éléments sont déjà là pour traduire une dysfonction cardiaque encore compensée ou déjà un choc cardiogénique. Elle est utile pour les états moins sévères ou quand la distinction avec une dyspnée d’origine pleuro-pulmonaire n’a pu être réellement établie. Mais dans cette situation, l’ETT n’est pas réalisée en urgence. Ceci montre que en dehors des USIC, il n’y a quasiment jamais d’étude cardiaque par imagerie pour affiner le diagnostic.

Réalisée en même temps que des coupes pulmonaires dans une échographie d’urgence par les urgentistes, elle permet de définir un profil de dyspnée par défaillance cardiaque aiguë, avec évaluation schématique de la contractilité myocardique et permet la distinction avec une suspicion d’embolie pulmonaire, un sepsis respiratoire etc. Quatre coupes cardiaques sont utilisables, les plus utiles étant la coupe parasternal gauche grand axe et la coupe 4 cavités. L’étude cardiologique habituelle utilise une série de mesures et la machine calcule alors la FE et la FR. En urgence, la contractilité myocardique est souvent évaluée « à l’oeil » et classée de manière subjective en normal/ dysfonction modérée/ sévère/ coeur hyperkinétique. La FE peut être évaluée grossièrement par le e-point ou EPSS (e-point septal separation) qui est la distance entre l’endocarde antérieur du septum ventriculaire et l’ouverture maximale du feuillet antérieur de la valve mitrale, mesuré au mieux en mode M. L’augmentation de cette distance traduit une réduction de la fraction d’éjection par défaut d’ouverture de la valve mitrale (normale à 6 mm ou moins, 6-12 mm : zone de baisse modérée de la FE, > 12 témoin d’une baisse sévère de la FE). Il est aussi intéressant au cours des tachycardies pour repérer un coeur hyperkinétique comme dans les états septiques. Cet élément n’est plus valable en cas de rétrécissement mitral et plus difficile à analyser en cas de cardiomyopathie. L’évaluation sommaire visuelle recherche aussi une hypokinésie ou akinésie des parois ou du septum traduisant souvent un mécanisme ischémique (sans préciser s’il est récent ou ancien). Elle peut visualiser un épanchement péricardique, un épanchement pleural gauche et une dilatation ou mouvement anormal des cavités droites (pouvant rentrer dans le cadre de l’embolie pulmonaire). La mesure de la veine cave inférieure et son comportement à l’inspiration permet aussi de juger d’un état hypercongestif.

mesures échocardiographiques en mode M, avec mesure pour le calcul de la FR à gauche et du E point à droite

Autres examens

Il n’y a généralement pas de place pour le scanner dans l’évaluation d’un OAP cardiogénique. Il peut être utile après phase de stabilisation en cas de suspicion d’embolie pulmonaire associée, ou dans le bilan d’un OAP plus suspect d’être lésionnel. Dans les dyspnées chroniques ou subaiguës, il peut montrer plus finement que la radiographie des signes d’oedème interstitiel.

L’angiographie ou coronarographie (avec ventriculographie) est utile dans un OAP sur SCA où la reperméabilisation est urgente, notamment en cas de choc cardiogénique.

scanner thoracique, épanchements pleuraux, oedème intersititel et élargissement vasculaires des hiles

Formes particulières

Sur le plan de la pression artérielle, on peut tout voir : de la poussée hypertensive à l’origine de la décompensation cardiaque, à un état normotensif, une hypotension avec surcharge hydrosodée voire un choc cardiogénique.

Il peut être moins évident dans des formes plus frustres voire trompeuses (essoufflement « sifflant » mimant un asthme, dû à une répartition de l’oedème des petites bronches rétrecissant leur diamètre).

L’OAP « flash » est une forme d’oedème pulmonaire où l’évolution et surtout l’amélioration sous traitement est rapide avec parfois une normalisation du tableau en +/- 24 heures. La fonction systolique cardiaque est conservée et l’échocardiographie après la crise est souvent normale ou présente des altérations non spécifiques. Il touche volontiers le patient âgé ou hypertendu multitraité et est souvent récidivant. Il existe souvent une altération vasculaire comme une sténose des artères rénales.

L’oedème pulmonaire de réexpansion, a vacuo, peut succéder à une soustraction trop rapide de liquide pleural lors d’une ponction pleurale et un drainage thoracique.

Diagnostic différentiel

  • crise d’asthme et bronchospasme : aspect spastique des OAP interstitiels, mais diagnostic d’insuffisance cardiaque peu probable chez un patient jeune, sans antécédents cardiologiques
  • décompensation de BPCO : le diagnostic peut hésiter longtemps d’autant plus que ces patients partagent les mêmes facteurs de risque. Ne pas prendre une HTA réactionnelle par hypercapnie pour une poussée hypertensive source de l’OAP. Le BNP peut permettre de trancher, encore faut il qu’il soit franchement abaissé (origine respiratoire) ou élevé (insuffisance cardiaque)
  • embolie pulmonaire : théoriquement détresse respiratoire sans signes de surcharge dans l’EP, mais pas toujours aussi évident. Aspect ECG et échographique de coeur pulmonaire aigu dans l’EP. Les patients en insuffisance cardiaque (bien que souvent sous anticoagulants, mais pas forcément efficaces) sont aussi à risque de thrombose veineuse profonde. C’est exceptionnel mais l’EP a pu s’accompagner d’oedème pulmonaire ou d’un tableau très similaire ou d’infarctus pulmonaire imitant un oedème localisé
  • oedème pulmonaire lésionnel, non cardiogénique : tableau réfractaire au traitement de l’OAP cardiaque, patients plus jeunes, contexte évocateur (choc septique, SDRA, toxiques, inhalation de liquide ou de gaz). L’échocardiographie permet la distinction
  • épanchement pleural type transsudat d’autre origine et exsudat
  • tamponnade : tableau de détresse respiratoire et surtout de choc par obstruction, les poumons sont alors clairs
  • pour le syndrome oedémateux : oedèmes généralisés de l’insuffisance rénale, de la cirrhose décompensée, compressions veineuse cave inférieure, syndrome cave supérieur, thrombose veineuse profonde, oedèmes d’origine allergique et angioedèmes

Traitement

Il existe une petite controverse dans la prise en charge des OAP, à savoir quel est réellement le traitement de première ligne. En pratique ça n’a pas tellement de sens, on administre plusieurs médicaments en même temps, peu importe de savoir quel est le médicament qui agit en premier. Le vrai premier traitement c’est l’oxygénation et/ou la ventilation, ensuite viennent les traitements médicamenteux. Il y a 3 niveaux d’action possible sur l’OAP : pré-charge, post-charge, fonction pompe. Ils ont plus ou moins de facilités, le traitement de la précharge étant peut être le plus simple et le plus rapide à mettre en oeuvre. En réutilisant la comparaison présente dans la vidéo en fin d’article du poumon à un seau rempli d’eau, la 1ère action est de couper le robinet d’arrivée d’eau, ensuite on essaiera de vider le sceau, et dans certaines circonstances on essaiera d’agir sur le seau lui même (cf cette conférence américaine sur le traitement de l’OAP).

Oxygénothérapie

L’apport d’oxygène est systématique, a minima par voie nasale dans les subOAP, plus souvent par masque haute concentration. Initialement les patients en OAP sont souvent très hypoxiques, et le risque de détresse respiratoire et d’arrêt cardiaque par anoxie est majeure. Il faut chercher à corriger cette hypoxémie coûte que coûte. Le risque théorique d’augmenter l’hypercapnie est surtout valable dans la décompensation mixte cardiaque et respiratoire du BPCO, mais à la phase initiale les patients sont plutôt en hypocapnie par alcalose respiratoire. L’hypercapnie est un signe d’épuisement respiratoire qui fera recourir à la ventilation assistée. La position initiale du patient est importante à respecter, il se présente généralement assis, les jambes pendantes, il ne faut pas chercher à le rallonger, on est moins bien installés pour le « techniquer » dans un grand bilan complet, mais auscultation/ECG/écho pulmonaire/oxygène/pose de voie veineuse sont faisables et c’est tout ce qui compte.

Ventilation non invasive

Le développement de ventilation non invasive par masque (VNI par CPAP de Boussignac) a permis de réduire considérablement le recours à l’intubation trachéale dans les OAP cardiogéniques, permettant au malade de conserver une respiration spontanée. Il est amusant de voir que bon nombre de cardiologues ne croient pas aux effets de la CPAP (sauf quand ça les arrange de laisser ça sur le nez du patient aux urgences, le temps qu’ils puissent le prendre en service …) autres que comme un masque à oxygène. Cette VNI soulage le travail respiratoire, améliore les échanges oxygène-dioxyde de carbone, réduit la précharge, la postcharge et augmente le débit cardiaque. Son inconvénient principal, elle est bruyante et surtout désgréable et anxiogène au départ chez des patients qui sont en train de s’étouffer, elle est difficile à faire accepter, mais ça vaut le coup de la tenter. En fait dans des OAP sans signes de gravité, elle va être efficace et plutôt bien tolérée, dans des OAP sévères (sans troubles de conscience), elle peut être difficile voire irréalisable, mais elle est capable de renverser une situation dramatique et d’éviter une intubation en contexte de grande hypoxie.

Traitement historique

Historiquement on a utilisé la saignée comme traitement de l’insuffisance cardiaque à la phase aigüe, et on l’a même utilisé en dernière mesure thérapeutique de « sauvetage » (vous trouverez peut être encore des poches à phlébotomie dans les vieux services de cardio). Ca marchait … pas je pense, étant donné qu’on ne contrôle pas réellement la pression artérielle en créant une hypovolémie, le temps que ça agisse sur la précharge, bref c’est très alétaoire.

Morphine

La morphine, curieusement, a été un traitement de 1ère ligne de l’OAP, non pas pour l’effet analgésique puisque généralement l’OAP n’est pas douloureux (hors SCA). Son utilisation s’est basée sur un effet vasodilatateur veineux rapide suivant l’injection, et sur la diminution de la sensation de dyspnée, ce qui finirait par avoir un effet positif sur l’hématose (la diminution de fréquence respiratoire augmenterait le volume courant et améliorerait la diffusion des gaz) et la consommation en oxygène du myocarde. Je n’en ai jamais entendu parler pendant mes études et je n’ai appris son utilisation que dans mes lectures relativement récentes. En fait les 2 effets, vasodilatation directe et effet indésirable dépresseur respiratoire mais à effet paradoxal bénéfique, sont faux. Le 1er est basé sur une étude très ancienne et le 2d est purement théorique. Il faut rester sur l’idée commune que les morphiniques sont dépresseurs respiratoires, ils n’ont pas de place dans la prise en charge d’une dyspnée. Si un état d’agitation était tel qu’il fallait sédater le patient, la morphine le temps de sédater correctement entrainerait une hypoventilation et une hypotension majeures. Mieux vaut utiliser d’autres molécules (voir kétamine et delayed sequence intubation).

Diurétiques

Les diurétiques, de l’anse (pas de place en urgence pour les autres) à savoir furosémide Lasilix® (Lasix® aux USA) et éventuellement bumétanide Burinex® (plus difficile à utiliser, ou en tous cas je n’en ai pas l’habitude), sont LE traitement moderne de l’OAP … mais ça c’était … Avant ! L’effet annoncé est de répartir l’eau « pulmonaire » de l’OAP vers le rein en faisant uriner le patient. C’est pas très joli écrit comme ça, mais c’est comme ça que ça se passe. Sauf que cet effet marche très bien chez un patient normovolémique en bonne santé, mais pas forcément chez un patient en OAP sévère. On ne parle pas des décompensations cardiaques globales sans signes de gravité où effectivement majorer des doses de diurétiques reste la base du traitement pour éviter la rétention hydrosodée. Pour agir au niveau rénal, il faut que le rein soit correctement perfusé, hors dans ces OAP urgents, le diurétique n’arrivera que tardivement au niveau rénal et donc la diurèse forcée ne se fera que plus de 3/4 h après l’administration, délai bien trop long en urgence. Il est possible qu’ils aient également un effet vasodilatateur et agissent ainsi sur la précharge, surtout en utilisation en bolus IV mais il manque clairement de preuves dans les études pour cet effet qui semblent s’appuyer sur une seule étude physiologique d’effet très très local par injection dans le membre supérieur et l’étude de la vasodilatation locale. Les réinjections ne sont pas efficaces et risquent même d’induire une hypovolémie et une insuffisance rénale aiguë ou d’aggraver hyponatrémie et hypokaliémie préexistante, surtout chez le sujet âgé. L’utilisation massive de diurétiques dans l’oedème pulmonaire cardiogénique peut être délétère selon la volémie de base du patient. Les situations de réelle hypervolémie bénéficient d’une réduction rapide de la volémie, mais beaucoup de situations d’OAP (> 50 % selon les données de la vidéo en fin d’article) sont en fait une mauvaise répartition de l’eau et ne sont pas en surcharge diffuse voire sont plutôt hypovolémiques. Les diurétiques n’aident pas à mieux répartir cette eau et pressent encore plus un secteur extra-cellulaire sec ou qui va le devenir. Les études prouvant un effet du furosémide sur les pressions de remplissage ne l’ont montré que chez des patients qui avaient une diurèse conservée. Certaines études ont montré par contre une réduction du débit cardiaque dans les 90 premières minutes avec retour à l’état de base avec le retour de la diurèse, d’autres une augmentation de la post-charge 20 minutes après administration. La seule étude ayant un effet démontré positif sur la pression capillaire pulmonaire de réduction immédiate et maintenue, l’est lors d’une prémédication avec nitrés et captopril.

Dérivés nitrés

Les dérivés nitrés diminuent la précharge ainsi que la post charge du ventricule gauche et diminuent aussi la demande en oxygène du myocarde. Leur effet hypotenseur et vasodilatateur coronarien les rend utile dans l’OAP sur poussée hypertensive et dans les syndromes coronariens aigus. Ils sont contre-indiqués dans l’infarctus du ventricule droit où ils peuvent aggraver l’ischémie, mais cette situation ne devrait pas s’accompagner d’un OAP, puisqu’il est en amont de la circulation pulmonaire. Le temps de la pose de la voie veineuse, ils peuvent être administrés par pulvérisation sublinguale via le Natispray® (ou aux USA via des comprimés à laisser fondre), mais l’effet est moins bien controlé que par des bolus IV successifs. Les dérivés nitrés utilisés en urgence, au premier rang desquels l’isosorbide dinitrate Risordan® (j’ai vu mais beaucoup moins la molsidomine Corvasal®) ont une demi-vie très courte ce qui est un avantage vu l’effet hypotenseur rapide. Les autres situations où il faut faire attention à l’emploi des nitrés sont une hypotension préexistante ou entrant déjà dans le cadre d’un choc cardiogénique, l’insuffisance mitrale aiguë, le rétrécissement aortique, l’hypertension artérielle pulmonaire, … la prise de sildénafil Viagra® !

Traitement de la post-charge

Il est plus difficile à employer en urgence, en tous cas en France, il n’y a vraisemblablement pas d’habitude d’utilisation dans les premiers temps de l’OAP. Son intérêt est d’augmenter le débit cardiaque, et de restaurer la perfusion rénale. Une partie des thérapeutiques précédentes a une action aussi sur la post-charge (nitrés à forte dose, CPAP). Des études ont montré que l’emploi rapide per os ou IV d’inhibiteur de l’enzyme de conversion IEC permettait une réduction rapide et sans danger de la post-charge et même un emploi de première intention chez les patients ne pouvant bénéficier des nitrés. D’autres médicaments ont été décrits dans cette utilisation : nitroprussiate de sodium, hydralazine, …

Inotropes positifs

Troisième centre d’action en complément ou quand les 2 autres (précharge et postcharge ventriculaire) arrivent à saturation de traitement. A ne pas utiliser en première intention car leur action comporte des risques : tachycardie, ischémiant. L’emploi classique de la dobutamine et de la dopamine (pas de la noradrénaline ni de l’adrénaline sauf choc réfractaire), des inhibiteurs de la phosphodiesterase (milnirone) est question d’habitude de réanimation, dans un contexte déjà de choc cardiogénique et non plus d’OAP même sévère. Les études les plus récentes n’ont pas montré d’effet supérieur de l’un ou l’autre sur la mortalité.

Autres traitements

Sont en voie d’étude dans l’insuffisance cardiaque aiguë : rolofylline, ultrafiltration en 2e ligne, nouveaux vasodilatateurs (antagonistes des récepteurs à l’endothéline, néséritide ou BNP de synthèse, sérélaxine). Mais leurs résultats sont encore pour le moment assez décevants.

Contrôle du rythme cardiaque

En cas de trouble du rythme tachycardisant, il était classique d’utiliser la digoxine pour ralentir une ACFA arythmie complète par fibrillation auriculaire, et bénéficier d’un effet inotrope positif, mais il existe un certain nombre de contre-indications (ischémie coronaire, trouble de conduction, tachycardie par réentrée type Wolff Parkinson White, rétrecissement aortique, cardiomyopathie obstructive, patient déjà sous digitaliques, insuffisance rénale). Les  autres anti-arythmiques sont d’usage très délicat dans un contexte d’insuffisance cardiaque voire contre-indiqués (béta-bloquants, inhibiteurs calciques bradycardisants comme le diltiazem et le verapamil) et sont de prescription cardiologique. Seule l’amiodarone peut être utilisée dans les troubles du rythme menaçant, ventriculaire ou supraventriculaire, avec un effet ralentisseur mais aussi un risque de réduction brutale du trouble du rythme. C’est rarement un problème en pratique puisque la tachycardie mal supportée n’a pas eu le temps d’avoir un risque thrombotique et peut donc être réduite dès que possible. La seule situation ambiguë est celle où on ne sait pas s’il s’agit d’une réelle tachy-arythmie nouvelle ou d’une accélération d’une ACFA ancienne, qui elle n’est pas forcément bien anticoagulée pour se permettre une réduction médicamenteuse ou éléctrique en urgence. Dans ces situations le traitement symptômatique de l’OAP est à privilégier et la réduction du rythme sera décidée après. Se méfier, toute tachycardie n’est pas forcément à ralentir et peut être multifactorielle : tachycardie sinusale ou accélération d’une ACFA généralement lente par sepsis, anémie, hypoxie, stress, … Se méfier aussi des faux rythmes normaux chez les patients déjà sous traitement bétabloquant et qui ne peuvent adapter leurs mécanismes de réponse.

Les insuffisance cardiaques aiguës sur bradycardie sévère et bloc auriculoventriculaire complet, bénéficient d’une accélération du rythme, par voie médicamenteuse (atropine, isoprénaline même si elle est parfois décevante) et rapidement entrainement électrosystolique externe puis par voie veineuse.

Schémas thérapeutiques

  • PAS > 90 mm Hg et surcharge hydrosodée : diurétiques IV furosémide 20 à 40 mg ou bumétamide 1 à 2 mg, renouvelable 1 fois. En rêgle générale la posologie ne doit pas dépasser 1 mg/kg de furosémide
  • PAS > 180 et/ou PAD > 110 : isosorbide dinitrate en bolus 1 à 3 mg toutes les 5 min, relayés par voie IVSE 1 à 8 mg/h et si inefficace nicardipine en bolus 1 à 2 mg IV et IVSE 2 mg/h. Adapter les 2 SAP par paliers de 1 mg/h en fonction de la réponse
  • 100 < PAS < 180 : dérivés nitrés IVSE 1 à 8 mg/h avec adaptation par paliers de 1 mg/h
  • PAS < 90 et/ou marbrures/extrémités froides : dobutamine 5 à 10 µg/kg/min

Traitement étiologique

Le traitement du facteur déclenchant et de la maladie sous-jacente est fondamental quand il est possible : anticoagulation et revascularisation de l’infarctus, réduction d’un trouble du rythme, antihypertenseurs en particulier nicardipine Loxen® ou urapidil Eupressyl®, ballon de contre pulsion intra aortique, chirurgie des valvulopathies décompensées.

La mortalité et la morbidité restent importantes malgré les progrès constants en cardiologie. L’avenir est à l’évolution de traitements de fonds palliant les défaillances cardiaques (stimulateurs cardiaques, coeur artificiel, cellules souches pour remplacer le myocarde mort ?).

Références

Insuffisance cardiaque sur le site de l’université de Grenoble (notamment pour les radios d’installation progressive de l’OAP)

ECN item 250 : Insuffisance cardiaque de l’adulte

Insuffisances cardiaques aiguës, SFAR

De la physiologie à la prise en charge thérapeutique en urgence, SFMU 2010

Comment évaluer un insuffisant cardiaque en urgence ?, SFMU 2010

Insuffisance cardiaque aiguë : quelles nouvelles stratégies adopter pour améliorer le pronostic à long terme ? , Medscape

OAP hypertensif

OAP brutal & HTA

HTA secondaires

Faut-il traiter un taux élevé de BNP ? Apport et pièges du dosage des peptides natriurétiques de type B dans la prise en charge des dyspnées aiguës aux urgences, SFMU 2012

Traitement actualisé de l’oedème pulmonaire cardiogénique

Oedème pulmonaire unilatérale, ou pneumopathie sans fièvre? et Hypokinésie globale avec infarctus du ventricule droit chez Echocardioblog

Pulmonary edema, Radiopaedia

Kerley’s A, B and C Lines , Images in clinical medicine New England Journal of Medicine

The pulmonary manifestations of left heart failure , Stanford

10 Steps to Assess Volume Status in Congestive Heart Failure

Furosemide in the Treatment of Acute Pulmonary Edema

Pre-Hospital Furosemide – No, No, Also No

Sudden cardiac shock, Smith ECG blog

EPSS e point septal separation , NYU/Bellevue EM ultrasound

Assessing LV function , ICU sonography

10 Steps to Assess Volume Status in Congestive Heart Failure , Learn the heart

Pubmed :

Lung ultrasound: a new tool for the cardiologist

Chest sonography: a useful tool to differentiate acute cardiogenic pulmonary edema from acute respiratory distress syndrome

Mitral stenosis and cardiogenic shock from an obstructive abscess of the mitral annulus

Cardiogenic Shock From Global Myocardial Ischemia Induced by Simultaneous Multivessel Coronary Spasm

Sustained Ventricular Tachycardia and Cardiogenic Shock due to Scorpion Envenomation

Acute hypertensive pulmonary edema after Cesarean section in a patient with an antepartum myocardial infarction -A case report-

Flash Pulmonary Edema in a Patient With Unilateral Renal Artery Stenosis and Bilateral Functioning Kidneys

‘Flash pulmonary oedema’—a diagnosis for both the cardiologist and the nephrologist?

Flash pulmonary oedema and bilateral renal artery stenosis: the Pickering Syndrome

Unilateral Pulmonary Edema: A Rare Initial Presentation of Cardiogenic Shock due to Acute Myocardial Infarction

Medias

Respiration paradoxale avec balancement thoraco-abdominal dans 2 cas de décompensation cardiaque aiguë

lignes B, artefact en queues de comète en échographie pulmonaire dans un OAP

OAP flash, essai de VNI et intubation trachéale

2 commentaires sur “Insuffisance cardiaque congestive aiguë et oedème pulmonaire cardiogénique

  1. faraboeuf
    23 janvier 2011

    J’aime cette cicatrice de sternotomie qu’il laisse suggérer que le coeur du patient à déjà souffert…

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