thoracotomie

petite encyclopédie de l'urgence

Péricardite

pericardite

péricardite fibrineuse avec adhérences entre les feuillets, vue d’autopsie

La péricardite est l’inflammation de l’enveloppe du coeur, le péricarde, qui comporte 2 feuillets comme toutes les membranes séreuses de l’organisme, un viscéral collé au coeur et l’autre pariétal. A la différence de la plèvre et du péritoine, le feuillet pariétal n’est pas collé à une structure externe. Le terme n’est pas spécifique d’une affection même si par défaut on entend par péricardite, la péricardite aiguë virale bénigne du sujet jeune.

En urgence on rencontre occasionnellement des péricardites, les problèmes sont les suivants :

  • Est ce bien une péricardite et non pas un syndrome coronarien aigu (éventuellement accompagné d’une réaction péricardique) ?
  • Est ce bien une péricardite virale bénigne ou une étiologie plus rare mais plus complexe à traiter ?
  • Est ce une péricardite sèche ou humide avec épanchement et donc y a t il un risque de tamponnade ?
  • Quels traitement puis je utiliser ?

Sommaire :

Clinique

La description clinique classique de la péricardite comporte une douleur rétrosternale, irradiant au cou, aux épaules mais rarement aux bras. Elle peut être beaucoup plus atypique, précordiale gauche,  épigastrique. C’est une oppression qui peut en imposer pour une douleur angineuse, d’intensité assez sévère.
Les caractéristiques qui la distinguent de l’infarctus sont la modification positionnelle, soulagée le buste penché en avant, augmentant à l’inspiration profonde et à la toux. Les efforts n’ont pas d’effet déclencheur particulier. Classiquement de début brutal dans un contexte fébrile ou succédant à une infection présumée virale, rhume, angine ou syndrome grippal. Cette péricardite aiguë bénigne touche des sujets plus jeunes, en bonne santé et sans gros facteurs de risque vasculaires que les SCA.

L’examen clinique peut retrouver dans les formes sèches, le frottement péricardique, qui est fugace. Bruit assez râpeux qui persiste en apnée, d’apparence superficielle. mieux entendu en position assise ou en decubitus latéral. En cas d’épanchement, les bruits du coeur sont assourdis.

Cette sémiologie ne permet pas toujours, malheureusement, de trancher entre péricardite et douleur thoracique d’autre origine cardiaque, pleuro-pulmonaire voire digestive. D’autant plus que des pleuro-péricardites existent avec un épanchement pleural associé. Certaines pneumopathies en foyers paracardiaques peuvent la mimer également.
Il faut évaluer cliniquement la présence de signes de gravité qui indiquent déjà la présence d’une tamponnade : polypnée, hypotension, signes d’insuffisance cardiaque droite, pouls paradoxal. Ce dernier s’observe aussi dans d’autres états graves. J’avoue qu’en dehors de mes stages d’externe, je ne l’ai plus jamais recherché …

ECG

Lui-aussi de description classique mais pas toujours simple  alétaoire : c’est un Sus-décalage du segment ST concave vers le haut, volontiers en précordial. Il n’y a pas d’organisation en territoire coronarien, pas d’images en miroir, mais on peut parfois voir un sous-décalage en VR et V1. On voit aussi assez souvent une sous-décalage du segment PR qui rend visible le sus-décalage de ST, pas vu au premier coup d’oeil. Il n’est pas totalement spécifique des péricardites et doit être vu sur plusieurs dérivations pour rentrer dans ce syndrome. Les péricardites virales survenant souvent chez des sujets jeunes, on peut voir physiologiquement des grandes ondes T voire de légers sus-décalages de ST en précordial. On peut aussi voir des ESV et une ACFA. Il n’y a pas de tachycardie rapide ou il faut envisager une autre étiologie ou déjà une tamponnade.

péricardite : sus-décalage de ST concave vers le haut

L’aspect ECG peut être moins franc et amener un doute vers un syndrome coronarien aigu. Il est rarement totalement normal mais parfois le tracé ne permet pas de conclure, il y a un intérêt à le recontrôler même si les variations évoluent beaucoup moins vite dans la péricardite que dans le SCA.
Le microvoltage est rare et l’apanage des péricardites avec épanchement conséquent ou des péricardites chroniques (en l’absence d’un mauvais rêglage de l’électrocardiographe ou de positionnement des électrodes). Il est diffus sur toutes les dérivations. avec des QRS < 5 mm. L’alternance électrique (variation de hauteur des différentes ondes, d’un complexe à l’autre) se voit dans les tamponnades.
Un autre signe dont je n’avais jamais entendu parler est le signe de Spodick : abaissement du segment T-P, donc après la repolarisation, et qui serait assez spécifique, bien vu en D2.

péricardite de diagnostic difficile avec un SCA : sous-décalage de PR

Les subtilités ECG pour orienter vers un SCA plutôt qu’une péricardite :

  • dépression du segment ST possible en VR V1 dans la péricardite, tout autre est évocateur de STEMI
  • élévation du segment ST en D3 > D2
  • élévation convexe ou horizontale de ST
  • ondes Q d’apparition récentes
  • présence d’un complexe QR-T ou du « check mark sign« 

Echocardiographie

En cas de forte suspicion clinique ou ECG, la confirmation par l’échographie transthoracique est facile. Si la tolérance est bonne, elle n’est pas forcément extrêmement urgente. Son intérêt dans une péricardite sèche est faible puisqu’elle ne retrouve pas d’épanchement. Elle est plus intéressante dans les tableaux atypiques, en présence de signes de gravité ou chez des patients fragiles. Il n’est pas forcément simple d’obtenir une écho coeur rapidement dans ce contexte, que ce soit en dehors ou au sein même de l’hôpital …
L’idéal est de pouvoir réaliser une échographie rapide aux urgences type FAST pour retrouver (ou non) un épanchement péricardique. Mais malheureusement, ça ne remplace pas l’évaluation précise de la fonction cardiaque et du fonctionnement valvulaire et ça ne donne pas la nature précise du liquide contenu dans le sac péricardique (éventuellement écho liés à des caillots en cas d’hémopéricarde).

La détection d’un épanchement péricardique est facile en échographie cardiaque car elle ne nécessite pas un grand savoir-faire et l’examen est très sensible. Le liquide est visualisé sous forme anéchogène, entourant le coeur, les couches du péricarde viscéral et pariétal étant généralement hyperéchogènes. La plupart des coupes peuvent le mettre en évidence, les plus représentatives étant la coupe 4 cavités à l’apex et la coupe horizontale inclinée par voie sous-xiphoïdienne puisqu’elles permettent la visualisation du retentissement sur la fonction cardiaque. Cette dernière voie permettant le diagnostic d’une tamponnade même avec un échographe classique et une sonde convexe type abdomen. La coupe parasternale grand axe peut être utile dans des épanchements plus modérés ou quand le diagnostic hésite avec un épanchement pleural gauche (les 2 pouvant être associés). Certains épanchements peuvent être très localisés et visibles que sur les coupes parasternales avec une sonde dédiée aux examens échocardiographiques. Une sonde haute fréquence peut montrer un épaississement péricardique.

échographie dans un bilan de fièvre depuis 1 mois, épanchement anéchogène et filets hypoéchogènes correspondant à des septas dans une péricardite cloisonnée

coupe sous-xiphoïdienne, épanchement péricardique d’origine tuberculeuse devant les cavités cardiaques droites

Autres examens

Un bilan biologique standard est intéressant, un syndrome inflammatoire est souvent observé. Son importance avec une CRP très élevée ou une polynucléose majeure éloignent le diagnostic d’une péricardite virale pour se rapprocher d’une péricardite purulente. Un chiffre d’hémoglobine, de plaquettes et un TP INR, sont toujours utiles, surtout chez un patient sous anticoagulants.
Le dosage des Troponine n’est normalement pas indique, mais les formes atypiques étant nombreuses, elles sont souvent réalisées. Normales (et surtout recontrôlées à quelques heures) elles éliminent un syndrome coronarien avec STEMI, mais on peut observer de petites élévations dans certaines péricardites (qui méritent alors d’être surveillées en hospitalisation même brièvement) et des élévations plus franches en cas de myocardite, les 2 étant parfois associées.

épanchement péricardique dans une leucémie lymphoïde chronique

drainage péricardique et pleural dans une tuberculose

La radiographie thoracique est très limitée dans ce diagnostic, normale dans une forme sèche, elle montre une augmentation de la silhouette cardiaque en cas d’épanchement de gros volume, mais ne permet pas réellement de le quantifier. On voit parfois des calcifications péricardiques dans les péricardites constrictives, ou asymptômatiques. Les autres examens morphologiques dépendent de l’étiologie suspectée, des bilans d’extension. On utilise assez souvent le scanner thoracique pour prolonger l’image obtenue en échocardiographie et visualiser d’autres anomalies thoraciques. L’IRM est parfois utilisée dans le bilan secondaire de certaines péricardites.

péricardite avec épanchement au scanner en coupe frontale

Etiologies

La majorité des péricadites diagnostiquée en urgence sont suspectées d’être d’origine virale et faute de preuves (qu’il n’est pas réellement intéressant de rechercher dans un tableau inaugural bénin) restent labellisées idiopathiques. Leur diagnostic différentiel se pose avec les myocardites qui sont vraiment très rares mais peuvent être dangereuses, et surtout avec certains syndromes coronariens aigus, +/- accompagnés d’une réaction péricardique. L’infarctus du myocarde peut se compliquer classiquement à la 3ème semaine, d’une péricardite entrant dans le cadre du syndrome de Dressler.

Les autres causes infectieuses comprennent des péricardites purulentes au décours d’infections respiratoires (bactériennes, tuberculose), mais aussi abdominales, d’endocardite, chez le patient immunodéprimé, en post-opératoire de chirurgie cardio-thoracique. La tuberculose est une cause classique en Afrique subsaharienne, en particulier lors de l’infection à VIH.

Beaucoup plus fréquentes dans nos contrées, sont les péricardites néoplasiques secondaires : cancer du poumon, sein, autres tumeurs solides, hémopathies, mais rarement une tumeur péricardique primitive.

La dissection aortique est pourvoyeuse de péricardites avec un risque de constitution d’un volumineux hémopéricarde et tamponnade.

On voit enfin des péricardites urémique (insuffisance rénale chronique), au cours de maladies auto-immunes associées ou non à des atteintes pleuro-pulmonaires ou hépatiques (lupus, fièvre méditerranéenne familiale ou maladie périodique, TRAPS), métaboliques (hypothyroïdie), et après des mois ou des années d’une radiothérapie thoracique, d’une intervention thoracique, par toxicité médicamenteuse.

Traitement

La forme aiguë virale se traitait généralement à l’aspirine 1 gx 3/j, en hospitalisation ou en laissant sortir le patient si le diagnostic est clair. D’autres schémas sont proposés 300 à 600 mg toutes les 4 à 6 heures. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont une alternative quand on craint le risque hémorragique, ou en cas d’antécédent ulcéreux gastro-duodénal, associé à un inhibiteur de la pompes à protons. Ils calment moins bien la douleur. Ce n’est parfois pas si simple à mettre en place quand le doute diagnostic persiste entre une autre cause de douleur thoracique d’origine infectieuse. La colchicine à 0,5 mg x 2/j est maintenant utilisée pour le traitement de ces péricardites récidivantes (0,5/j si faible poids ou âge élevé et contre indiqué en cas d’insuffisance rénale), en association à un AINS. L’arrêt se fait progressivement, il faut parfois 3 mois de traitement.
Les corticoïdes ne sont pas une alternative dans ce diagnostic, et favorisent les rechutes.

Les autres péricardites seront hospitalisées et traitées en fonction de l’étiologie (antibiothérapie et drainage des épanchements infectieux ou néoplasiques si abondants). En attendant d’avancer dans le diagnostic, c’est le repos et l’utilisation d’analgésiques qui prime.

La ponction péricardique est indiquée dans le bilan des épanchements d’origine inconnue et en urgence cas de mauvaise tolérance clinique, idéalement en réanimation ou USIC, et en extrême urgence en cas de tamponnade, préalablement à un remplissage vasculaire modéré pour « regonfler » les cavités droites souvent écrasées par l’épanchement. La voie sous-xiphoïdienne tend à être abandonnée au profit de voies intercostales sous repérage échocardiographique.

Références

Péricardite et traitement, e-cardiogram

ECN item 274 sur Université de Nantes et Infectiologie

An Audible Case of Acute Pericarditis , NEJM

Uremic pericarditis

Pericarditis, Radiopaedia

Images anatomopathologiques de pericardites

Search results for Pericarditis, EKG tumblr

An Audible Case of Acute Pericarditis , NEJM Images in clinical medicine

Point-of-care ultrasound evaluation of pericardial effusions: Does this patient have cardiac tamponade ?

en accès gratuit via Pubmed :

A Unique Case of Relapsing Polychondritis Presenting with Acute Pericarditis

Acute Recurrent Pericarditis Accompanied by Graves’ Disease

ECG Diagnosis: Acute Pericarditis

Pericardial Disease: Diagnosis and Management

Histoplasmosis: a Clinical and Laboratory Update

Constrictive Pericarditis Accompanied by Swine-Origin Influenza A (H1N1) Infection

Diagnosis and management of pericardial effusion

Cardiovascular magnetic resonance in pericardial diseases

Primary Malignant Pericardial Mesothelioma Presenting as Acute Pericarditis

Pericarditis after Myocardial Infarction

Acute Hemorrhagic Pericarditis in a Child with Pneumonia Due toChlamydophila pneumoniae

Acute pericarditis with transient constriction: surgical impetus must be contained

Brugada‐like early repolarisation pattern associated with acute pericarditis

Acute and recurring pericarditis: More colchicine, less corticosteroids

ACUTE CONSTRICTIVE PERICARDITIS FOLLOWING LUNG TRANSPLANTATION FOR LYMPHANGIOLEIOMYOMATOSIS: A CASE REPORT

Primary right atrial angiosarcoma mimicking acute pericarditis, pulmonary embolism, and tricuspid stenosis

Acute pericarditis during 5-fluorouracil, docetaxel and cisplatin therapy

Purulent pericarditis with concurrent detection of Streptococcus pneumoniae and malignant squamous cells in pericardial fluid

Neoplastic pericarditis as the initial manifestation of a papillary thyroid carcinoma

Pericardial Effusion in a Patient with Non-ST-Elevation Myocardial Infarction: Beware of a Hidden Malefactor

Pericardial Effusion as an Expression of Thyrotoxicosis

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