thoracotomie

petite encyclopédie de l'urgence

Tamponnade et hémopéricarde

tamponnade hemopericarde

autopsie : volumineux caillot à l’ouverture du péricarde ayant causé la mort par tamponnade

La tamponnade cardiaque est un syndrome clinique d’insuffisance circulatoire aigu causé par l’accumulation de liquide dans l’espace péricardique. Elle résulte de péricardite « humide » avec gros volume d’épanchement ou d’un épanchement péricardiaque de constitution très rapide. C’est le cas des hémopéricardes notamment traumatiques.

L’évolution naturelle d’une tamponnade va vers la dégradation de la fonction cardiaque par écrasement des cavités ventriculaires entrainant un choc par obstruction ou un arrêt cardiaque. Certains épanchements abondants sont relativement tolérés mais peuvent décompenser brutalement tandis que les hémopéricardes, surtout traumatiques entrainent rapidement, sans traitement, une issue fatale. Néanmoins, il peut y avoir une petite phase de latence entre le traumatisme et la décompensation, et l’hémopéricarde permet parfois au blessé d’arriver vivant à l’hôpital.

A noter que la tamponnade française prend 2 n, alors que la « cardiac tamponade » n’en prend qu’ 1. C’était vraiment très interéssant.

Sommaire

Diagnostic clinique

Les symptômes varient en fonction de l’ancienneté et de la vitesse de constitution de l’épanchement : dyspnée à type de polypnée, tachycardie, signes d’hypoperfusion périphérique (extrémités froides). L’orthopnée est un signe très avancé, avec refus du patient de s’allonger. La bradycardie est possible aussi au stade extrême, d’autant plus qu’existent des comorbidités.
La douleur thoracique peut être présente mais n’est pas aussi intense que dans une péricardite sèche. Elle peut exister dans le contexte d’une tamponnade au décours d’un syndrome coronarien aigu (infarctus du myocarde avec rupture de la paroi cardiaque) ou d’une dissection aortique.
La fièvre, l’amaigrissement, les signes d’altération de l’état général ne sont pas spécifiques mais orientent vers un processus infectieux ou néoplasique.
En dehors des traumatismes thoraciques (exceptionnel en cas de traumatisme fermé, mais fréquent dans les plaies du coeur lors des plaies du thorax par arme blanche), le contexte clinique peut orienter puisque la majorité des tamponnades se produisent dans le cadre d’un cancer, d’un traitement anticoagulant ou de trouble de la coagulation, en post intervention coronarienne, cathétérisme cardiaque ou chirurgie cardiovasculaire, chez l’insuffisant rénal.

Sous l’expression « triade de Beck », j’ai pu lire au moins 3 descriptions différentes (et encore sur Wikipedia, vous tombez sur triade cognitive de Beck dans la dépression, et ce n’est pas la dépression du ventricule droit …), soit :

  • une turgescence jugulaire, une hypotension et une diminution des bruits du coeur
  • ou TJ – hTA – poumons clairs à la radio
  • ou encore TJ – hTA et cardiomégalie

Ces descriptions se retrouvent dans une tamponnade de constitution rapide et dans un hémopéricarde traumatique. La turgescence jugulaire peut être majorée en inspiration, c’est le signe de Kussmaul, elle se voit aussi dans les péricardites constrictives. Le pouls paradoxal est une majoration de plus de 12 mmHg de la baisse de la pression artérielle systolique en inspiration (processus physiologique mais de faible différence à l’état normal). L’hypotension d’installation rapide avec pincement de la différentielle est plus évocatrice. Mais en contexte non traumatique il semblerait que des épanchements péricardiques de gros volume ne s’accompagnent pas systématiquement d’une hypotension, en particulier chez les patients hypertendus et qui peuvent donc présenter une normotension voire une hypertension au moment de l’admission.

Il est décrit des tamponnades à basse pression chez des patients hypovolémiques chez qui les signes précédents ne sont pas retrouvés.
Les signes d’insuffisance cardiaque droite, par hépatomégalie (ou à minima cytolyse de foie cardiaque) et oedèmes des membres inférieurs peuvent exister en cas de tableau d’installation progressive.
La tamponnade peut enfin se présenter à l’extrême comme un tableau de choc par obstacle à l’éjection avec troubles de conscience, cyanose, marbrures, oligurie, acidose lactique.

Le diagnostic différentiel se pose avec les autres causes de choc obstructif : embolie pulmonaire massive, pneumothorax ou épanchement pleural sous tension, et le choc cardiogénique par défaillance cardiaque primitive. L’hémopéricarde n’entraine généralement pas à lui seul de choc hémorragique.

ECG

Il ne montre plus le sus-décalage de ST des péricardites sèches, mais une tachycardie sinusale, une diminution d’amplitude de l’ensemble des complexes ou microvoltage < 0,5 mV dans toutes les dérivations.

microvoltage

L’alternance électrique en tachycardie sinusale en 2:1 de complexe de taille normale avec un complexe réduit est évocatrice de tamponnade (liée aux mouvements du coeur dans l’épanchement.) mais peut se voir dans un SCA, l’embolie pulmonaire et des tachy-arythmies.

alternance électrique, épanchement péricardique

Radiographie

La radiographie de thorax dans les épanchements anciens retrouve une cardiomégalie arrondie en bouteille ou water bottle sign, parfois avec des calcifications. Elle peut voir d’autres lésions en contexte de traumatisme thoracique. Ni très sensible ni très spécifique, elle est d’une aide très limitée pour la problématique précise de la tamponnade.

augmentation de la silhouette cardiaque dans une tamponade

tamponade par hémopéricarde spontané chez un patient sous antivitamine K (A), même patient radiographie ancienne (B)

hémopéricarde chez un patient hémophile (B), thorax ancien (A)

Echocardiographie

echographie par voie sous-xihoïdienne : collapsus du ventricule droit et épanchement péricardique

Elle visualise l’épanchement sous forme d’un espace vide d’écho antérieur et postérieur, de façon précoce un collapsus du ventricule droit lors de la diastole (signe le plus précoce), de façon plus tardive une compression de l’oreillette droite, une pseudo hypertrophie du ventricule gauche en comparaison, un septum paradoxal bombant dans le ventricule gauche en inspiration et dans le droit en expiration. Au maximum un swinging heart, l’impression que le coeur nage dans un sac rempli. La veine cave inférieure est remplie voire dilatée avec pas ou très peu de collapsus en inspiration. Ce dernier signe est un signe d’obstacle au retour veineux mais pas spécifique d’un épanchement péricardique compressif même.

signe non spécifique : veine cave inférieure dilatée, non compressible dans une tamponnade

Un épanchement pleural gauche abondant peut simuler  un épanchement péricardique en échographie. Cette échographie, au mieux réalisée par le cardiologue ou le réanimateur, peut déjà être effectuée en salle d’urgence dans le cadre de FAST ou RUSH (Rapid Ultrasound for Shock and Hypotension).
Il peut ne pas exister de collapsus des cavités droites en écho, en présence d’une HTAP ou d’une hypertrophie ventriculaire droite.

échographie en coupe parasternal grand axe : présence concomittante d’un épanchement péricardique et d’un épanchement pleural

signes de tamponnade en coupe 4 cavités puis en parasternale grand axe : collapsus de l’oreillette droite

Autres examens

Le scanner et l’IRM sont plutôt réalisés dans le bilan des épanchements péricardiques subaigus ou chroniques. Le scanner est par contre réalisé en urgence dans le bilan des traumatismes thoraciques, des dissections aortiques et de l’embolie pulmonaire, permettant de visualiser une tamponnade dans des tableaux difficiles d’instabilité hémodynamique.

scanner en coupe sagittale : hémopéricarde massif sur dissection aortique

La biologie n’est pas spécifique du syndrome mais peut retrouver des éléments orientant vers une étiologie particulière : enzymes cardiaques, BNP et NT pro BNP, créatinine, numération formule sanguine, CRP et procalcitonine, bilan de coagulation, sérologie VIH, …

L’oxymétrie de ces patients est généralement variable, ondulante, coïncidant avec le pouls paradoxal.

image peu fréquente d’hémopéricarde en angiographie post coronarographie de reperfusion après échec de thrombolyse dans une suspicion de SCA qui était en fait une dissection aortique

Traitement

Un conditionnement de réanimation doit être fait avec oxygénothérapie, expansion volémique modérée (cristalloïdes ou colloïdes) à effet bénéfique transitoire, repos et jambes surélevées pour favoriser le retour veineux. Des inotropes positifs comme la dobutamine peuvent être utiles pour augmenter le débit cardiaque sans altérer les résistances vasculaires systémiques, mais sont souvent inefficaces.
La ventilation en pression positive doit être évitée car elle peut réduire le retour veineux et aggraver la tamponnade. Les autres médicaments n’ont pas leur place.

La ponction péricardique ou péricardiocentèse (ou péricardocentèse bien que cela semble un abus de langage) est le seul moyen de soustraire rapidement le liquide péricardique responsable de la compression (50 à 100 ml peuvent suffire à restaurer une pression artérielle convenable). Plusieurs méthodes sont possibles : la voie sous-xyphoïdienne, la ponction guidée sous échocardiographie dans l’espace intercostal gauche et la péricardiotomie percutanée au ballon, les 2 dernières se faisant en salle d’intervention cardiologique. L’idéal est de pouvoir laisser un cathéter en place pour aspirer à nouveau l’épanchement en cas de reconstitution rapide.
Théoriquement dans une tamponnade, la compression des cavités droites en aval du poumon empêche le développement d’un oedème pulmonaire. Mais il peut être occasionné lors de la levée de la compression, en cas d’insuffisance cardiaque gauche préexistante ou lors d’une évacuation trop rapide d’un épanchement abondant.

Chez les patients instables hémodynamiquement, dans un hémopéricarde traumatique, dans une péricardite purulente, en post interventionnel ou en cas de tamponnade récidivante, le drainage chirurgical est employé. Il peut utiliser la création d’une fenêtre péricardique pour faire communiquer l’espace péricardique avec l’espace pleural, la sclérose du péricarde, un shunt péricardio-péritonéal ou une péricardiectomie. Les voies d’abord varient entre une ouverture sous-xyphoïdienne ou des thoracotomies ou thoracoscopies vidéo assistées.

Dans le contexte particulier du traumatisme thoracique, la thoracotomie de sauvetage permet l’ouverture du péricarde et l’évacuation d’un hémopéricarde compressif. Le 1er patient guéri d’un hémopéricarde massif sur une plaie du ventricule droit date de 1896 opéré par Ludwig Rehn.

Références

Tamponnade cardiaque , SFAR

Arrêt cardiaque traumatique, SFMU

Cardiac tamponnade, Medscape

Tamponnade cardiaque, echoréa

Tamponnade cardiaque après plaie par arme blanche : optimisation du temps de prise en charge grâce à l’échographie préhospitalière (preview)

Cardiac tamponade & Pericardial effusion, Radiopaedia

Cardiac Tamponade in Dressler’s Syndrome , Malignant pericardial effusion , Swinging heart , NEJM Images in clinical medicine

Search results for Pericardial effusion and Tamponade, EKG tumblr

Point-of-care ultrasound evaluation of pericardial effusions: Does this patient have cardiac tamponade ?

The crashing patient with cardiac tamponade : ED management , EmDocs

 case reports en accès libre via Pubmed :

Pericardial tamponade: a rare complication of sternal bone marrow biopsy

Acute Idiopathic Hemorrhagic Pericarditis with Cardiac Tamponade as the Initial Presentation of Acquired Immune Deficiency Syndrome

Massive Pericardial Effusion in a Case of Acute Pericarditis with Slight ST-Segment Elevation of Short Duration

Hemorrhagic pericarditis with cardiac tamponade after percutaneous coronary intervention associated with the use of abciximab

Bloody pericardial tamponade in a child treated for pneumonia mimicking a lung tumor and infiltration of the heart

Haemopericardium causing cardiac tamponade: a late complication of pectus excavatum repair

Cardiac tamponade secondary to haemopericardium in a patient on warfarin

Cardiac Tamponade Presenting as Refractory Asthma

Neuroendocrine carcinoma presenting as cardiac tamponade and dramatic response to steroids

The role of bedside ultrasound in the diagnosis of pericardial effusion and cardiac tamponade

Cardiac tamponade in a patient with primary hypothyroidism

Cardiac Tamponade and Electrical Alternans

Acute Idiopathic Hemorrhagic Pericarditis with Cardiac Tamponade as the Initial Presentation of Acquired Immune Deficiency Syndrome

Mediastinal mass and pericardial tamponade in a renal transplant recipient: A rare case of nocardia infection

Pericardial Tamponade and Large Pericardial Effusions

A Case of Primary Meningococcal Pericarditis Caused by Neisseria MeningitidisSerotype Y with Rapid Evolution into Cardiac Tamponade

Cardiac tamponade in a patient with moderate hemophilia A and factor VIII inhibitors

Hemorrhagic Cardiac Tamponade: Rare Complication of Radiofrequency Ablation of Hepatocellular Carcinoma

Bedside emergency cardiac ultrasound in children

Delayed cardiac tamponade after open heart surgery – is supplemental CT imaging reasonable?

Bedside Ultrasound in Resuscitation and the Rapid Ultrasound in Shock Protocol

Sur un blog de médecine légale un peu particulier : Sudden Cause of Death: Cardiac Tamponade

Pulsus maradoxus, NEJM Images in clinical medicine

Hypotension is uncommon in patients presenting to the emergency department with non-traumatic cardiac tamponade (abstract)

Médias

Pericardial effusion pre and post drainage , Sonocloud

tamponnade chez un patient sous nutrition parentérale

épanchement péricardique après ponction sternale

échocardiographie de la tamponnade

Vidéo d’Inde, avec un swinging heart en échocardiographie

Péricardiocentèse

de l’écho et un drainage en conditions précaires

drainage péricardique sous thoracoscopie

hémopéricarde

https://twitter.com/ErwanGabiache/status/384768782171770881

https://twitter.com/bedsidesono/status/622764953548759045

Quelque chose à ajouter ?

YouTube