La rupture cardiaque ou plutôt rupture myocardique puisque (à l’exclusion de la rupture de cordage qui est un tissu fibreux recouvert d’endocarde), c’est toujours le muscle cardiaque, le myocarde qui va se déchirer et se rompre. Ils constituent des accidents graves où le pronostic vital est engagé très rapidement. Il existe cependant des ruptures contenues avec tableau d’insuffisance cardiaque mais pouvant se rompre totalement secondairement.
On peut distinguer ces ruptures en fonction
Fait partie de lésions possibles dans les traumatismes du thorax avec atteinte cardiaque, soit directe et dans ces cas là la mortalité est importante parce que la brèche occasionne un hémopéricarde traumatique majeure et un collapsus, et on n’a pas le temps de faire le diagnostic précis et de traiter. Soit secondaire, sur une brèche comblée par un caillot avec hémopéricarde limité ou une contusion qui va se rompre dans un 2ème temps. On étudiera les traumatismes du coeur en entité clinique à part sur le site.
Dans les pathologies cardiaque médicales non traumatiques, les ruptures des tissus fibreux ne sont pas dues à un processus ischémique contrairement aux ruptures myocardiques qui font partie des complications mécaniques de l’infarctus. C’est la zone cicatricielle de la nécrose qui va se rompre généralement dans les suites proches de l’IDM.
Les dilatations anévrismales, là aussi post infarctus, peuvent se rompre plus longtemps après, quand la paroi est devenue extrêmement mince.
Les ruptures de cordage peuvent se produire suite à une endocardite infectieuse, compliquer un prolapsus mitral déjà existant, des lésions post rhumatisme articulaire aigu ou être spontanées chez le sujet âgé.
Dans la moitié des cas, la tolérance peut être bonne, puis apparition d’une dyspnée progressivement croissante avec des poussées d’insuffisance cardiaque correspondant à des ruptures itératives. Dans l’autre moitié des cas, le syndrome de rupture est aigu avec dyspnée brutale et oedème aigu du poumon, épanchement pleural, tachyarythmie paroxystique, parfois douleur thoracique.
A l’auscultation, le souffle holosystolique est intense, à maximum mésosystolique, frémissant, irradiant à l’apex et dans le dos si c’est une rupture de la grande valve, latéro sternal gauche si c’est la petite, présence d’un B4. L’ECG est souvent normal.
L’échocardiographie est anormale, avec des échos anormaux dans l’oreillette gauche au cours de la systole par l’éversion de la valve. Les autres anomalies sont fonction de l’étiologie. L’échocardiographie transoesophagienne est souvent nécessaire pour visualiser la rupture.
L’angiographie sert en bilan préopératoire, avec reflux massif de produit de contraste dans l’oreillette gauche et les veines pulmonaires. Le traitement peut être une surveillance dans les formes tolérées sans réelle thérapeutique spécifique. Dans les formes symptomatiques ou avec dilatation de l’oreillette et du ventricule gauche, le traitement cherche à prévenir ou traiter les troubles du rythme (amiodarone, flécaïnide), et les poussées d’insuffisance cardiaque avec inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC), diurétique et digitalique. Le traitement chirurgical est un remplacement valvulaire le plus souvent par prothèse mécanique, parfois par valvuloplastie.
Insuffisance tricuspide avec capotage du feuillet antérieur par atteinte iatrogène après pose de stimulateur cardiaque
Les atteintes de la valve tricuspide sont plus rares et se voient plutôt dans les traumatismes fermés.
Entraine une insuffisance mitrale aiguë, lors d’un infarctus inférieur (rupture du muscle papillaire postéro-médial). Ce dernier n’est alimenté à l’état normal habituel que par l’artère coronaire droite, alors que le muscle papillaire antéro-latéral reçoit un apport double venant de la coronaire gauche par l’artère interventriculaire antérieure et d’autre part par l’artère circonflexe. Ceci explique que les infarctus antérieurs ne se compliquent qu’exceptionnellement de rupture papillaire.
Il existe aussi des insuffisances mitrales modérées par ischémie du pilier postérieur.
La réparation chirurgicale est impérative, car la mortalité sans traitement avoisine les 100%. En appoint de la chirurgie, le ballonnet de contre pulsion aortique peut être utilisé pour réduire la post charge et diminuer l’insuffisance mitrale.
Se voit dans l’endocardite évoluée avec destruction des feuillets valvulaires et la dissection aortique avec désinsertion des feuillets.
Elle concerne le septum interventriculaire, en occasionnant un shunt pathologique gauche droit, après nécrose du septum et amincissement lors du remodelage post-ischémique. Quand le mécanisme se fait lentement, l’adaptation des ventricules peut se faire, mais quand il est brutal, un état de choc va vite se développer.
Le diagnostic peut être difficile à faire si la rupture se produit à bas bruit, avec des symptômes non spécifiques comme douleur thoracique et dyspnée. L’évaluation d’un SCA peut rassurer à tort avec un ECG dans les limites de la normale, des biomarqueurs Troponine et BNP normaux. Cliniquement, un souffle holosystolique au bord gauche du coeur peut parfois être perçu. En cas de doute sur une embolie pulmonaire chez ces patients, l’angioscanner thoracique se focalisant sur la recherche de thrombose, une perforation septale minime ne sera pas visualisée. C’est le cas du patient avec les ECG qui suivent, revenu 10 jours après un 1er bilan « rassurant » en collapsus avec choc cardiogénique.
ECG 10 jours après 1er bilan pour douleur thoracique, revenu normal. Disparition de la douleur thoracique mais dyspnée majeure sur collapsus : seules manifestations ECG : tachycardie sinusale et onde q en D3
Dans d’autres circonstances, l’ECG montre encore les signes du syndrome coronarien, même s’il n’y a pas de signe électrique spécifique de la rupture.
Persistance à J6 d’un SCA, d’un sus-décalage de ST, bloc de branche droit et accélération de la FA + choc dans une rupture septale
Le diagnostic est surtout posé par l’échocardiographie qui peut visualiser directement la rupture et étudie le shunt pathologique du ventricule gauche vers le ventricule droit.
Cette communication interventriculaire doit être réparée chirurgicalement car la mortalité, non traitée, avoisine 90%. Néanmoins les techniques de revascularisation en urgence ont grandement limité la survenue de ces complications.
Elle survient dans la première semaine d’un infarctus étendu à la paroi antérieure ou latérale du ventricule gauche, et arrivant sur un premier épisode d’ischémie. L’artère coronaire est complètement thrombosée et sans collatérales efficaces ce qui explique une ischémie-nécrose étendue. Cette rupture entraine un hémopéricarde brutal avec tableau de tamponnade aiguë et choc cardiogénique, ou arrêt cardiaque par dissociation électro-mécanique.
D’autres étiologies beaucoup plus rares ont pu être décrites comme source de rupture de la paroi libre ventriculaire ou de l’apex mais procédant d’une ischémie prolongée avec SCA secondaire (intoxication au monoxyde de carbone, …).
En post-opératoire de remplacement valvulaire mitral, il existe un risque faible de rupture pariétale postérieure avec hémopéricarde.
Les ruptures limitées de la paroi libre ventriculaire existent cependant et peuvent donner un hémopéricarde de faible abondance, la brèche étant colmatée par un thrombus adhérent à la paroi. Ces ruptures sont évaluées précisément par échocardiographie et par IRM pour les plus stables. Elles peuvent cependant se rompre en 2 temps car la paroi a été le siège d’une nécrose transmurale.
Dans certains cas, l’évolution n’est pas aussi dramatique, et une organisation en faux anévrisme est possible. La paroi comprend alors l’épicarde et les adhérences péricardiques cicatricielles recouvrant un thrombus organisé sans tissu myocardique résiduel. Cette paroi est immobile (akinétique en échographie), très fragile et à risque elle aussi de se rompre.
Il faut impérativement une péricardiocentèse pour soulager le choc obstructif et une intervention de chirurgie cardiaque en urgence.
Si la tamponnade domine le tableau général, il faut maintenir une précharge et une post charge élevées, une stimulation inotrope et chronotrope.
En cas de menace de rupture sans tamponnade, il faut diminuer la post charge et la contractilité pour minimiser le risque de rupture.
La chirurgie consiste en une résection de la zone déchirée, suture sur patch en territoire sain +/_ pontage aorto-coronaire. La mortalité peropératoire est élevée mais les résultats à longs termes sont en général bons. En cas de suspicion de faux anévrisme sur l’ETO préopératoire, la CEC et le clampage de l’aorte doivent être démarrés avant libération des adhérences péricardiques.
Les résultats dépendent de la quantité de muscle fonctionnel restant et du volume de la cavité ventriculaire résiduelle.
En post opératoire, il faut minimiser la tension de la paroi avec un vasodilatateur et soutenir la fonction cardiaque via inotropes ou contrepulsion intra-aortique. La tachycardie en elle même est une adaptation de compensation du petit volume ventriculaire restant.
Est donc la conséquence à long terme d’une rupture ventriculaire limitée et bouchée par un thrombus adhérent. Le traitement idéal est la réparation chirurgicale. Voici quelques illustrations sur cette pathologie, dont la prise en charge spécifique sort un peu du cadre de l’urgence.
Ventriculographie du faux anévrisme du cas précédent, le produit de contraste passe à l’extérieur du ventricule gauche dans le faux anévrisme
Modifications post mortem et pathologies responsables de mort subite, en bas à droite rupture cardiaque en IRM
De manière anecdotique, on citera juste l’intérêt de la réalisation d’imageries en alternative à l’autopsie dans le diagnostic étiologique des décès.
Les insuffisances mitrales , CHU Grenoble
Rupture pariétale de ventricule , Communication interventriculaire , Rupture papillaire et insuffisance mitrale aiguë , Précis d’anesthésie cardiaque
Complications mécaniques de l’infarctus du myocarde , Revue médicale suisse
La rupture du muscle papillaire après un infarctus du myocarde , Cardiologie conférences
La rupture cardiaque après SCA est un évènement dramatique mais rare , Medscape.fr
Chirurgie des complications de l’infarctus du myocarde : rupture de la paroi cardiaque (abstract)
Rupture pariétale du ventricule gauche lors d’un infarctus du myocarde (abstract)
Lésions traumatiques du coeur , SFAR
Parachute woman et Parachute woman, atterrissage forcé , Courroie moteur defectueuse et Courroie moteur défectueuse, arrêt imperatif ! , Le passe muraille –1er épisode et Le passe muraille : suite (et fin!) , Echocardioblog
Myocardial Rupture , Postinfarction Ventricular Septal Rupture , Complications of Myocardial Infarction , Fatal Cardiac Rupture During Stress Exercise Testing: Case Series and Review of the Literature , Medscape.com
Large Transmural STEMI with Myocardial « Rupture » of Ventricular Septum , Cardiac Arrest, hypotension, tachycardia , Dr Smith ECG blog
Rupture of Papillary Muscle during Acute Myocardial Infarction , NEJM Images in clinical medicine
Pubmed : Images search results for myocardial rupture
The role of echocardiography in coronary artery disease and acute myocardial infarction
Successful surgical repair of ventricular septal rupture
Myocardial Rupture following Carbon Monoxide Poisoning
Cardiac rupture caused by Staphylococcus aureus septicaemia and pericarditis: an incidental finding
Extracorporeal Life Support in a Severe Blunt Chest Trauma with Cardiac Rupture
Successful infarct exclusion for postinfarction left ventricular free wall rupture (+ 2 vidéos en supplementary data)
Et un exemple à la fois d’atteinte tricuspide et traumatique : Tricuspid Valve Avulsion after Blunt Chest Trauma
Cas clinique de rupture myocardique avec échocardiographie
échocardiographie transthoracique d’une insuffisance mitrale par rupture de pilier antéro-latéral post IDM
échocardiographie transoesophagienne d’une insuffisance mitrale par rupture de pilier sur endocardite
ventriculographie d’un faux anévrisme ventriculaire gauche
réparation chirurgicale d’une rupture septale ischémique
réparation chirurgicale d’une rupture pariétale myocardique