Chapitre 2 dans la thématique du syndrome coronarien aigu ou SCA. Le premier étant imposant presque indigeste, il est utile de détailler les difficultés dans le diagnostic, les subtilités et les ECG qui ne montrent pas les signes classiques d’ischémie-lésion-nécrose. On va donc aborder « Ce qui est bien un SCA » même si la clinique est atypique (ce qui devient fréquent aux urgences), et prochainement dans un 3ème chapitre « Ce qui n’est pas un SCA », même si ça y ressemble beaucoup.
Sommaire
La lecture du Dr Smith ECG blog m’a aussi beaucoup apporté, je suis plus attentif aux ECG des patients présentant des douleurs thoraciques, et je ne mise pas tout sur le dosage de la Troponine (même ultrasensible). Comme d’habitude, les ECG proviennent du site e-cardiogram que je vous engage à consulter aussi, chaque diapositive menant en lien à la définition correspondante vers le site de Pierre Taboulet.
J’aime assez l’ancienne dénomination : angor stable, angor instable et infarctus du myocarde, mais évidemment c’était imprécis et cela laissait passer beaucoup de situations avec constitution d’une nécrose. La classification en fonction de l’aspect ECG initial elle aussi n’est pas exempt de défaut, et laisse passer des SCA ST – mais Troponine +. Or, pour certains de ces ECG, il fallait clairement un traitement agressif en salle de coronarographie et ce, dès que possible.
À l’inverse, je ne suis pas non plus pour envoyer tout ECG douteux (et même toute troponine faiblement élevée) immédiatement au « cath lab ». Et les anticoaguler massivement (pire les thrombolyser) a amené dans certains cas à des situations particulièrement dramatiques. Dans ces situations les USIC (Unité de Soins Intensifs Cardiologiques), les UDT (Unité Douleur Thoracique) et le coroscanner sont certainement des atouts en plus de la biologie, des ECG répétés et du monitorage.
Ici on ne redécrira pas le ST +, l’onde Pardee, le « Tombstone sign », mais plutôt les ECG pervers, ceux dont les signes ne sautent pas aux yeux, sont balayés d’un « non spécifique » et qui après quelques heures d’évolution font regretter le traitement par le mépris. Parmi eux, certains quand on les réanalyse nous font dire qu’on aurait du y voir des prémices. Je rappelle les territoires classiques inférieur D2 D3 VF, antérieur V1 à V4 et latéral D1 VL / V5 V6 mais je ne m’attarde pas dessus.
On va parler quasi exclusivement d’ECG donc. On n’est pas bornés non plus, les situations suivantes sont à remettre dans le contexte clinique : anamnèse/examen clinique à forte suspicion + un des ECG suivants = SCA jusqu’à preuve du contraire. Tableau clinique pauvre + autre diagnostic aussi probable + un des ECG suivants = on reste vigilant.
On ne parlera pas d’échocardiographie, qui fait pourtant partie de l’évaluation initiale d’un SCA pour apprécier les zones d’hypokinésie et d’akinésie (et aussi dans le diagnostic différentiel d’une embolie pulmonaire massive). Dans un contexte de choc cardiogénique, la connaissance de variations plus subtiles peut être une aide précieuse au diagnostic étiologique mais actuellement beaucoup couplée à l’ETT.
6 entités méritent l’appellation « équivalent ST + » en raison de la gravité potentielle et du coup méritent une revascularisation rapide :
IDM basal avec sus-décalage en dérivations postérieures, sous-décalage en V1V2V3 associé à un SCA inférieur
On parle aussi d’infarctus basal vu qu’il n’existe pas au sens propre de paroi postérieure au ventricule gauche. C’est un IDM par occlusion de l’artère circonflexe ou d’une coronaire droite dominante ou d’une de ses branches. Il peut être isolé mais complique surtout un IDM antérieur ou inférieur. Les dérivations postérieures sont très souvent faites par le SAMU, mais elles ne sont pas très visibles et peuvent faire poser la question d’une nécrose ancienne.
C’est un sous-décalage de ST de V1 à V3 voire V4V5, qui est le miroir d’un sus-décalage en V7 V8 V9
L’infarctus du ventricule droit est lié à une occlusion de l’artère coronaire droite. Il se manifeste sur l’ECG standard par des signes très discrets voire absents, puisqu’on peut ne voir qu’un sus-décalage de ST en V1 (ce qui ne donne pas des critères réels de SCA du coup). Les dérivations droites, symétriques de V3 et V4 du côté droit montrent généralement un sus-décalage discret. Il accompagne souvent un IDM inférieur, rarement antérieur, exceptionnellement isolé. Il peut être associé à un IDM auriculaire avec sus ou sous décalage de PR en inférieur.
À contrario, les dérivations droites faites systématiquement en dehors de l’IDM inférieur, pourraient montrer un sus décalage de ST sans qu’il y ait IDM du VD.
C’est un IDM à risque parce qu’il n’entraine pas les conséquences qu’on pourrait attendre d’un IDM. Il nécessite de maintenir la précharge, et donc de remplir un peu le ventricule droit et de ne pas utiliser les dérivés nitrés or ils sont quasiment toujours utilisés dans les autres SCA quand la TA le permet.
IDM sans élévation de ST avec discret sous-décalage de ST en V3 V4 V5 et ondes T pointues de V2 à V4
C’est un IDM non transmural, devenu très fréquent, dont le pronostic à court terme est bon, mais à long terme plus mauvais car traduit une atteinte coronaire très diffuse.
Le 1er critère est un sous-décalage de ST horizontal ou descendant à partir du point J ≧ 0,05 mV (0,5 mm) dans 2 dérivations contiguës, mais ce critère manque de sensibilité en V2V3 où tout sous-décalage est suspect.
Le 2d critère est une onde T inversée ≧ 0,1 mV (1 mm) dans 2 dérivations contiguës où R est proéminente (ou R/S > 1).
Ces 2 critères ne sont pas spécifiques puisque correspondant aussi à l’angor instable du Wellens ainsi qu’à des affections non coronariennes.
Les autres critères correspondent aux ECG anormaux ou normaux mais à Troponine augmentée.
Chez les patients à très haut risque ischémique (angor réfractaire avec insuffisance cardiaque associée, arythmie ou instabilité hémodynamique) une coronarographie en urgence < 2 h doit être envisagée (classe IIA).
Anomalie de repolarisation qui suggère une occlusion proximale ou subtotale de l’interventriculaire antérieure, sans sus décalage de ST. Il est distinct de l’élévation transitoire de l’onde T aux premières heures de l’infarctus. Rare mais impose une revascularisation en urgence.
Pas évident évident mais restant normalement encore assez visible, puisqu’un bloc de branche droit ne perturbe pas autant la lecture de l’ECG qu’un bloc de branche gauche. Il ne cache pas un sus-décalage de ST, en cas d’IDM avec sous-décalage net, une onde T ample, l’apparition d’une onde Q large, des QRS fragmentés. La présence d’un BBD est rare dans l’IDM mais elle aggrave le pronostic.
cf bradycardie 3 blocs de branche
Le bloc de branche gauche gêne la lecture de l’ECG en cas de syndrome coronarien. La notion d’absence d’antériorité d’un BBG est un critère fort pour un SCA, mais l’antécédent de BBG rend théoriquement le diagnostic impossible.
En réalité des critères ont été établis pour « lire » un SCA en présence d’un BBG, basés sur le non respect de la discordance appropriée.
La lecture est similaire au chapitre du bloc de branche gauche.
A différencier d’une repolarisation précoce en antérieur. Nécessite le QT corrigé (mesuré par la machine), l’amplitude de R en V4 en mm et l’élévation de ST mesuré à 60 millisecondes après le point J : calculateur disponible sur le blog du Dr Smith
occlusion de l’IVA | Repolarisation précoce |
progression de R pauvre | progression normale |
élévation de ST au point J | |
T symétrique | T asymétrique slow upstroke, fast downstroke |
Le point J est l’intersection entre la fin du complexe QRS (fin de la dépolarisation) et le début de ST (début de la repolarisation). Situé physiologiquement dans la prolongation du segment PQ, on recherche un décalage du point J par rapport au segment PQ (la ligne de base).
Il peut cependant être élevé physiologiquement chez l’homme en cas de repolarisation masculine ou de repolarisation précoce (> 4 mm), et chez la femme de façon moindre, en cas de repolarisation de type féminine (> 1mm). Il peut être abaissé aussi physiologiquement jusqu’à 0,5 mm.
Il est utilisé dans les définitions académiques de l’infarctus avec élévation de ST : > 2 mm chez l’homme et 1,5 mm chez la femme en V2-V3 ou > 1mm dans au moins 2 dérivations contiguës.
Dans certains cas l’onde J remplace le point J (hypothermie).
Dans les coronaropathies sévères avec une sténose très serrée du tronc commun de la coronaire gauche, voire une atteinte tritronculaire, on peut voir un sous-décalage de ST diffus et un sus-décalage isolé en aVR. Ceci ne correspond pas à une occlusion au sens strict du terme, mais plutôt à une insuffisance coronaire majeure. La véritable occlusion thrombotique entraine un IDM massif et la plupart des patients n’arriveront pas vivants à l’hôpital. Ces insuffisances coronaires majeures ont une reprise par les branches distales de la coronaire droite ce qui permet d’alimenter un minimum le coeur. Il n’y aura donc pas de nécrose constituée dans ces SCA, et le pic de Troponine est faible voire absent. Ils bénéficient d’une thérapeutique agressive basée sur les anticoagulants et d’une exploration coronarographique rapide, mais pouvant être différée de quelques heures (contrairement à un SCA ST+). Pour plus d’informations :
The difference between Left Main occlusion and Left Main insufficiency
Le microvoltage est la réduction d’amplitude de toutes les ondes, ≤ 5 mm en dérivations frontales et ≤ 10 mm en précordiales. Quand il est diffus, il traduit une difficulté à l’enregistrement des potentiels par un artefact (obésité, anasarque, emphysème) et sur un tableau aigu, correspond avec l’alternance électrique à une tamponnade.
Localisé dans les dérivations frontales, ce microvoltage est fréquent et sans valeur sémiologique particulière sauf s’il s’y associent des signes d’infarctus à l’apex. Il traduit alors la perte des vecteurs électriques dirigés dans le plan frontal. L’apex cardiaque est visualisé sur l’ECG sur les dérivations V3 et V4, et dépend de l’IVA moyenne.
Localisé en précordial gauche, il peut traduire un IDM latéral, mais se voit aussi en cas de volumineux épanchement pleural.
Malheureusement la présence du microvoltage est une gêne à l’identification d’un IDM en phase aiguë, donnant un petit ST puisque toutes les ondes sont petites.
Le syndrome de Wellens est un angor instable associé à une onde T inversée dans les dérivations antérieures, lié à une sténose critique de l’IVA. C’est une variante des ondes T de reperfusion.
Il se présente sous la forme d’une onde T diphasique avec inversion terminale en V2 V3 ou d’ondes T profondément inversées en V2 V3 fines et symétriques. Elles peuvent aussi se voir au-delà en V1 V4, il n’y a pas d’onde de nécrose ni de rabotement de R, et ST ne varie pas. Ces signes s’observent pendant des intervalles sans douleur, d’où l’intérêt de répéter l’ECG s’il apparait normal en per-critique, une fois que la douleur a cédé, car ce syndrome est associé à une incidence élevée d’infarctus et de décès.
Cet aspect de pseudonormalisation des ondes T et de variation de la douleur est bien décrit sur le blog de Smith.
Témoignent d’une ischémie de grade 3 dans la classification de Sclarovsky-Birnbaum. Présentent des modifications dynamiques qui confirment le SCA qu’il y ait ou non une élévation de ST. Ces modifications débutent au point J puis affectent R puis apparait une onde Q de nécrose. Elles s’accompagnent généralement d’une fragmentation des QRS fins ou larges.
Apparaissent en cas d’ischémie sévère sans collatéralité vasculaire pour « reprendre » le flux coronarien. Cette distorsion terminale du QRS est utile au diagnostic d’infarctus quand l’analyse du segment ST est difficile. Elle apparait comme un marqueur indépendant de mauvais pronostic. On peut en rapprocher l’élargissement du complexe QRS qui est fréquemment associé. Il s’agit souvent de patients qui passeront d’un stade d’ischémie sévère à un infarctus.
Suggère une séquelle de nécrose dans le territoire antéro-septal malgré la présence d’un bloc de branche gauche. C’est un crochetage de la branche ascendante de S en V3 ou V4. Spécifique mais peu sensible. C’est une variante des QRS fragmentés.
Suggère une séquelle de nécrose dans le territoire inférieur malgré un BBG. C’est une déflexion négative qui survient au début de la pente ascendante de R en D1, VL et/ou V6 (avec aspect RsR’) correspondant à une onde de nécrose retardée
On verra une prochaine fois, les ECG qui pourraient faire suspecter un SCA mais qui n’en sont pas. En attendant vous pouvez lire, entre autres, cet article Coronaires de fête chez Echocardioblog :
Coronaropathie , Syndrome de Wellens , point J, Tako Tsubo vs SCA antérieur , e-cardiogram
What is Wellens syndrome , Wellens syndrome , Life in the fast lane
Wellens syndrome , Wellens syndrome treatment , Medscape
A stressing situation , EM News
Smith ECG blog :
First ED ECG is Wellens’ (pain free). What do you think the prehospital ECG showed (with pain)?
Wellens’ missed. Then returns with Wellens’ with dynamic T-wave inversion
Classic Evolution of Wellens’ T-waves over 26 hours
Elderly With No Symptoms, Wellens’s Thus Overlooked, Then ST Elevation Doubted
Is this Wellens’ syndrome??? No! It is old MI with persistent ST elevation (LV aneurysm morphology)
Wellens’ syndrome, no culprit, what happened?
Acute Dyspnea in a Middle Aged Male
Pseudonormalization of Wellens’ Waves
Pseudo-Wellens’ Syndrome due to Left Ventricular Hypertrophy (LVH)
Syncope and Flash Pulmonary Edema with T-wave Inversions in V1-V3
Smith-Modified Sgarbossa Rule for Diagnosis of STEMI in the Presence of Left Bundle Branch Block
The equation for differentiating the ST elevation of subtle LAD occlusion from early repolarisation
A Tough ECG, But Learn From It!
All this teaching makes a difference! And a new paper on subtle ST Elevation
Wellens syndrome , Rebel EM
49 years old male : chest pain , EMS12leads
Search results for Wellens syndrome , EKG tumblr
Pubmed :
Red Flags in Electrocardiogram for Emergency Physicians
Pseudo-Wellens’ syndrome after crack cocaine use
A dangerous twist of the ‘T’ wave: A case of Wellens’ Syndrome
A special case of Wellens’ syndrome
Wellen’s syndrome: An ominous EKG pattern