thoracotomie

petite encyclopédie de l'urgence

Hypothermie accidentelle

onde J d'Osborn en cas d'hypothermie

onde J d’Osborn en cas d’hypothermie sévère avec ACFA lente et allongement des espaces PR et QT

L’hypothermie accidentelle est une situation fréquente en médecine concernant d’une part l’exposition à un froid intense dans les régions de montagne et/ou en hiver mais bien plus encore les personnes fragiles qui ne savent pas réguler correctement leur température interne, au premier plan, enfants et personnes âgées. Elle entraine un syndrome général qui peut être létal, en particulier lors du traitement, mais qui mérite une réanimation prolongée par un effet relativement protecteur du froid.

Contexte

C’est la conjonction d’une exposition au froid et d’une incapacité de l’organisme à maintenir la température centrale par défaillance des mécanismes de thermorégulation.
Ces mécanismes peuvent être dépassés par l’intensité ou la durée de l’exposition (hypothermie d’immersion : alpinistes, naufragés, d’épuisement : victimes incarcérées durablement, sans abris en hiver ou dites urbaines : sujets âgés incapable de se relever).
Ils peuvent être altérés dans une ambiance thermique normale, en présence d’intoxications variées, de perturbations métaboliques, de sepsis sévères, brûlures étendues.

Il n’y a pas de limite à l’hypothermie physique, sa définition étant une température centrale inférieure à 35° Celsius (soit 95° Fahrenheit).
A 34, 35° C (93,2 à 95° F) elle est légère, n’entrainant quasiment jamais la mort sauf complications associées.
De 32 à 34, elle est dite modérée, mais la mortalité apparaît autour de 15%.
En dessous de 32°, elle est grave, la mortalité augmente à 40%.
En dessous de 28°C (82,4°F), c’est une hypothermie majeure, la mort survenant dans plus de la moitié des cas.

Mais hypothermie n’égale pas mort assurée, des températures extrèmement basses de l’ordre de 16° ont été observées chez des malades ayant survécu.
La réanimation cardiaque peut être poursuivie plus longtemps chez un patient hypotherme en cas d’arrêt cardiaque (on envisage d’ailleurs actuellement des protocoles de refroidissement pour créer une hypothermie de préservation cérébrale).
Un sujet hypotherme en arrêt cardiaque doit être réanimé et réchauffé à plus de 32° avant qu’en cas d’inefficacité on puisse le déclarer mort.

L’hypothermie accidentelle est une «maladie» physique quand le malade est exposé à des  températures extérieures particulièrement froides, et un facteur aggravant dans certaines circonstances (sujet âgé ayant chuté et resté au sol sans pouvoir se relever).

Diagnostic

La distinction entre signes purs d’hypothermie et de pathologies associées est difficile.
Jusqu’à 34°, on observe une pâleur générale, une cyanose des extrémités par vasoconstriction, mais la pression artérielle, le débit cardiaque sont conservés, on peut même voir une petite HTA de lutte (des marbrures à ce moment témoignent d’un choc d’origine différente).
La respiration est tachypnéique.
L’examen neurologique est perturbé avec exagération des réflexes.
Des frissons sont présents. Ils perturbent faussement l’ECG qui n’est théoriquement pas modifié (sauf maladie cardiaque préexistante).

Entre 30 et 34°, le coeur décompense, on voit des troubles du rythme type ACFA lente, une hypotension, une bradycardie sinusale.
La respiration se ralentit, l’encombrement est possible, l’hypoxie est constante par mécanismes intriqués. L’oxymétrie digitale n’est plus fiable.
Les mouvements se ralentissent, la parole est altérée en dysarthrie. Une confusion et un myosis apparaîssent.
Les frissons disparaissent, tout au plus laissant des trémulations musculaires fines.

En dessous de 30°, les troubles du rythme sont à risque de dégénérer vers une fibrillation ventriculaire. L’onde J d’Osborn est un crochetage de la fin de l’onde R, on peut voir un allongement de PR, de QT, des QRS.
Les réflexes deviennent abolis vers 30°. Se développe une hypertonie d’opposition qui devient permanente.
La conscience s’altère, obnubilation puis coma réactif en dessous de 28°. Si ce coma devient aréflexique c’est qu’une autre cause s’ajoute.
Le myosis évolue en aréflexie pupillaire et finalement en mydriase aréactive.

Encore en dessous, le rythme cardiaque est parfois tellement lent qu’il en impose pour une asystolie.

hypothermie : bradycardie et onde J d’Osborn

Les thermomètres ne sont pas forcément capable de mesurer ces hypothermies très profondes, il faut des thermomètres hypothermiques ou des sondes de mesure continue.
Et pour ces hypothermies profondes, les sites de mesure externe, axillaire, tympanique ou rectal prennent en défaut les valeurs (envisager température nasopharyngée, oesophagienne voire cathétérisme artériel pulmonaire).

Les examens biologiques peuvent montrer une acidose lactique, une hypoxie, une hypocapnie sur les gaz du sang artériel, une hémoconcentration (qui peut fausser l’interprétation d’un saignement actif chez le polytraumatisé).
D’autres altérations surviennent parfois : hyperglycémie si installation rapide de l’hypothermie mais hypoglycémie en cas d’intoxication associée notamment alcoolique,
hypokaliémie par redistribution cellulaire mais risque d’hyperkaliémie si rhabdomyolyse, hypoxie tissulaire, acidose métabolique, insuffisance rénale aiguë, troubles de la crase sanguine avec thrombopénie et CIVD.

Diagnostic différentiel

Les sepsis sévères à bacilles Gram négatif entrainent classiquement des hypothermies modérées (toutes les bactériémies n’étant pas étiquetées, sans doute d’autres germes voire virus et parasites). Les frissons peuvent aussi correspondre aux décharge de bactériémie.

Des perturbations endocriniennes comme l’hypothyroïdie, l’hypopituitarisme, l’insuffisance surrénalienne peuvent générer une hypothermie, en générale légère. Un état de dénutrition peut expliquer une température centrale basse, en particulier chez le sujet âgé.

La thermorégulation au niveau neurologique central peut être modifiée au cours d’affections très variées (traumatiques, vasculaires, néoplasique).

L’hypoglycémie, l’intoxication alcoolique aigüe, l’intoxication au monoxyde de carbone, certaines intoxications médicamenteuses, le polytraumatisme peuvent entrainer une situation d’hypothermie, mais également être intriqués et compliquer le diagnostic et la prise en charge.

Traitement

Le réchauffement est le traitement de l’hypothermie accidentelle mais il ne doit pas être réalisé de n’importe quelle façon, jamais brutalement, en particulier dans les hypothermies profondes et en cas de maladies associées.
Le réchauffement ne se conçoit qu’à sec dans un environnement cohérent, donc déshabiller le patient, en faisant attention aux traumatismes (et les mobilisations brutales sont à risque de fibrillation ventriculaire), le sécher soigneusement, et l’installer dans un local chauffé.
Dans tous les cas, en attendant de faire mieux, le réchauffement passif externe, avec couvertures classiques et couverture de survie ne peut pas être mauvais, mais il ne fait qu’éviter la déperdition de chaleur supplémentaire.

> 32° on peut utiliser un réchauffement actif externe par couverture chauffante appliquée sur le thorax et l’abdomen. En évitant les membres, on évite la vasodilatation de ces parties du corps ramenant un sang encore froid, source d’hypotension et d’acidose. Objectif, ramener la température de 0,5 à 1° par heure pas plus. Un convecteur d’air chaud pulsé est plus efficace.
Les gelures des extrémités pourront être réchauffées secondairement.

< 32° ou en cas d’encombrement bronchique, d’un cofacteur associé, il faut discuter d’une thérapeutique plus aggressive avec le service de réanimation.
Chez le sujet âgé des hypothermies secondaires aux séjours au sol, entre 28 et 32° peuvent être réchauffées par convecteur sans utiliser un réchauffement interne. Elles doivent toujours être monitorées.

< 28°, le réchauffement actif interne est envisageable en cas de signes de gravité ou d’inefficacité de la première heure de réchauffement actif externe. C’est une indication valable pour le sujet jeune, plus difficile à poser pour un sujet très âgé et polypathologique. On peut réchauffer l’air inspiré, ou les perfusions et transfusions, ce qui a une effiacité limitée mais est simple à mettre en oeuvre. Le réchauffement gastrique chez un patient intubé semble peu efficace, installer un cathéter de dialyse péritonéale l’est sans doute plus (voire une irrigation pleurale mais assez risqué). L’hémodialyse ou l’hémofiltration n’ont pas encore de place définie dans cette pathologie.
La CEC (circulation extra-corporelle) est la technique de référence en cas d’arrêt cardiaque ou d’inefficacité circulatoire des hypothermies majeures.

En simplifiant

> 32°, hémodynamique stable, installation lente de l’hypothermie = réchauffement passif externe
< 32° ou hémodynamique instable ou installation rapide ou inefficacité du 1er = réchauffement actif interne + passif externe du tronc donc en réanimation
arrêt cardiaque hypothermique = CEC dès que possible

Les troubles du rythme sont difficile à prendre en charge car le choc électrique et les antiarythmiques sont inefficaces en dessous de 28° C.

Le remplissage vasculaire des chocs est délicat en cas d’incompétence myocardique dans les hypothermies graves. Les sympathicomimétiques ne sont à utiliser qu’au cours du réchauffement après 30° en cas d’hypotension persistante (défaillance cardiaque globale, vasodilatation trop brutale).
Le cathétérisme veineux central cave supérieur est à risque de FV, utiliser plutôt la voie fémorale.
Chez le polytraumatisé, la chirurgie d’hémostase doit être entreprise très tôt.

La correction de l’hypoxie doit être entreprise à toute étape par oxygénothérapie voire intubation et ventilation assistée sans hyperventiler pour éviter une alcalose respiratoire.

En conclusion :

Les frissons témoignent de la lutte efficace, quand ils disparaissent le malade est soit réchauffé, soit en hypothermie sévère.

Intoxication et traumatisme sont fréquemment associées.

En dehors de l’hôpital il faut extraire le malade du milieu froid, le sécher. A l’hôpital, commencer par le réchauffement le plus prudent et prendre l’avis de la réanimation.

En cas d’arrêt cardiaque il faut tenter longtemps les manoeuvres de ressuscitation.

Références

Urgences médicales, Axel Ellrodt , éditions Estem

Pratique de la réanimation et de la médecine d’urgence, Claude Martin et Jean-Louis Pourriat, éditions Arnette

Hypothermie , conférence de consensus SFAR 1997

Hypothermie , e-cardiogram

Search results for Hypothermia , EKG tumblr

Giant Osborn Waves in Hypothermia NEJM Images in clinical medicine

Osborn Waves: History and Significance   , Indian pacing and electrophysiology journal

A prospective evaluation of the electrocardiographic manifestations of hypothermia

ps : l’hypothermie thérapeutique, dans le cadre des procédures de ressuscitation d’un arrêt cardiaque sort du cadre de cet exposé. Une récente étude dans le NEJM semble d’ailleurs être en défaveur de l’hypothermie thérapeutique profonde à 33°C par rapport à une normothermie ou hypothermie légère à 36°C.

Médias

ECG findings in hypothermia

hypothermie accidentelle (et pneumothorax traumatique)

cas clinique sur séquence d’ECG avec hypothermie thérapeutique

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