thoracotomie

petite encyclopédie de l'urgence

Hyperkaliémie

hyperkaliemie kayexalate

boîte et cuillère doseuse de polystyrène sulfonate de sodium, résine échangeuse d’ions Kayexalate®, traitement classique mais controversé de l’hyperkaliémie

Le potassium, cation intracellulaire principal, peut à l’occasion d’une libération massive dans la circulation sanguine ou d’un défaut de son excrétion au niveau rénal entrainer un syndrome d’hyperkaliémie. L’hyperkaliémie est plus dangereuse à court terme que l’hypokaliémie et sa correction est donc plus urgente.

Sommaire

Diagnostic

Cliniquement, c’est quasi impossible, aucun signe n’est spécifique. Dans les hyperkaliémies modérées, le patient est asymptômatique. Dans les hyperkaliémies marquées, il s’agit d’une asthénie, une altération de l’état général, de signes cardiaques liés aux troubles du rythme (dyspnée, palpitations, malaise et lipothymies), de signes musculaires (mais on les observe plutôt dans les hypokaliémies) ou paresthésies, parésies flasques. En cas d’hyperkaliémie associée à une insuffisance rénale, le tableau peut se compliquer d’oedème pulmonaire.

Le diagnostic est donc surtout biologique, avec un potassium sérique > 5 mmol/l, avec contrôle sans garrot au moindre doute. Le reste du ionogramme plasmatique, la fonction rénale avec créatinine et urée, calcémie, la gazométrie artérielle pour étude des gaz du sang aident au diagnostic étiologique.

Les signes de gravité sont déterminés par un taux > 7 mmol/l, des signes ECG, une acidose, un état de choc, une hypocalcémie, une hypomagnésémie, la présence d’antiarythmiques, d’une cardiopathie.

Etiologies

Fausses hyperkaliémies : hémolyse du prélèvement (réalisé avec garrot et manoeuvres de pompage, séjour sur la paillasse)

Hémolyse vraie

Lyse cellulaire (rhabdomyolyse, lyse tumorale, brûlures, coup de chaleur) relarguant du potassium en quantité dans le sang

Insuffisance rénale aiguë

Médicaments : anti-inflammatoires non stéroïdiens, digitaliques, diurétiques épargneurs de potassium, bétabloquants, syndrome malin des neuroleptiques

Insuffisance rénale chronique décompensée, insuffisance rénale terminale

Insuffisance surrénalienne aiguë

Hémorragie digestive

on peut aussi classer les causes en fonction de l’excrétion urinaire du potassium :

  • kaliurie basse (stock potassique augmenté) : insuffisance rénale, hypocorticisme, diurétiques épargneurs de K+
  • hyperkaliémie sans augmentation du stock de K+ : iatrogène, acidose, lyse cellulaire, médicaments, paralysie périodique hyperkaliémique

ECG

Bien qu’il n’y ait pas une relation linéaire simple entre le chiffre d’hyperkaliémie et les signes à l’ECG, on observe les plus gros troubles du rythme pour les kaliémies élevées et surtout en contexte d’insuffisance rénale. La présence d’autres anomalies comme hypocalcémie, hyponatrémie sévère, acidose métabolique aggravent les signes ECG.

Hyperkaliémie modérée

L’hyperkaliémie modérée altère la repolarisation : déformation des ondes T, pointues et symétriques « en tente » (différentes des ondes T positives d’ischémie sous-endocardique). Des troubles de conduction à type de bradycardie sinusale puis bloc auriculo-ventriculaire sont possibles, parfois dysfonction sinusale avec rythme jonctionnel d’échappement. Mais généralement en dessous de 7 mmol/l, le risque de troubles du rythme paraît faible. Cependant une bradycardie associée et/ou un allongement du QRS majore le risque d’évènements indésirables à court terme.

hyperkaliémie à 7 mmol/l, ondes T amples pointues symétriques diffuses

Hyperkaliémie sévère

L’hyperkaliémie sévère altère la phase auriculaire avec parfois pause sinusale ou bradycardie extrême, la phase jonctionnelle avec troubles de conduction en BAV variables, et la phase ventriculaire avec bloc intraventriculaire. Ce dernier se manifeste par un élargissement des complexes QRS avec déformation de ST qui englobe T avec au final fusion en « lame de sabre » et QT court. En présence d’un bloc de branche gauche, cette lecture est difficile mais à suspecter devant un BBG trop large. On voit parfois des pseudo élévation du segment ST (pseudo SCA, pseudo Brugada).
L’évolution terminale se fait vers la fibrillation ventriculaire ou l’asystolie.

Traitement

En cas de situation menaçante : K+ > 7 mmol/l, élargissement des QRS : Hypokaliémiants d’action rapide (attention à l’effet rebond –> hypokaliémie)

Gluconate de calcium : 1 ampoule de 10 ml à 10% en IV sur 2 à 5 min, renouvelable après 15 min, agit en 5 min, contre-indiqué en cas de traitement digitalique : dans ce cas utiliser le Sulfate de magnesium IV 2 g en 5 min

Bicarbonate de sodium : 50 ml de HCO3- molaire à 8,4 % ou 100 ml de semi-molaire à 4,2 % en IVL, agit en 15 min (surtout utile en cas d’acidose ou de traitement digitalique), risque théorique d’OAP mais association possible au furosémide

Salbutamol : 5 mg dans 250 ml de G5 %, débit à rêgler à 30-40 gouttes/min, agit en 15-30 min. administration en nébulisation comme dans la crise d’asthme ou le bronchospasme du BPCO, possible de salbutamol ou terbutaline renouvelable jusqu’à 10-20 mg

Glucose + Insuline : 250 ou 500 ml de G10 % + 10 UI d’insuline, ou 250-500 ml de G30 % + 30 UI d’insuline, renouvelable 1 fois, sur 30 min à 1 h, agit en 30 min

Furosémide : 80 à 120 mg IV, agit en 2 h, si diurèse conservée, il faut parfois des doses très fortes en cas d’insuffisance rénale et donc administées lentement

en cas de BAV de haut degré : Isoprenaline 0,2 à 0,4 microg/kg/min

Situation sans urgence immédiate : Traitement d’action retardé

Polystyrène sulfonate de sodium, résine échangeuse d’ions, commercialisée sous le nom de Kayexalate :
Per os : 1 cuillère-dose à 15 g (voire 2) à renouveler 4 fois par jour, agit en 2 à 3 h.
En lavement : 30 g à diluer dans 100 ml de G10 % à renouveler 3 fois, agit en 1 h.
L’efficacité de ce traitement est actuellement débattu, sans doute plus efficace en lavement que per os, notamment en cas d’association au sorbitol pour le risque de nécrose intestinale et de perforation colique.

Traitement étiologique dans tous les cas

Hémodialyse dans les hyperkaliémies sévères et résistantes des insuffisances rénales avancées

Correction des apports oraux et par perfusions et des traitements diurétiques épargneurs de potassium

Correction de l’acidose

Hyperhydratation dans les lyses cellulaires et la rhabdomyolyse

Réhydratation et Corticothérapie dans l’insuffisance surrénale aiguë

Concernant les solutés utilisables en cas de nécessité d’apport intra-veineux, on a conseillé de boycotter les solutés balancés contenant du potassium au profit du sérum salé isotonique 9‰ qui n’en contient pas et ainsi d’éviter le Ringer Lactate. L’apport IV de quelques mEq/l de K+ est trop faible pour influer sur la kaliémie et donc le Ringer Lactate peut être utilisé en remplissage quand il est nécessaire, il est même probablement supérieur au sérum physiologique.

Références

Ellrodt A, Hyperkaliémie, Urgences médicales, éditions Estem

Prudhomme C, Guide de poche des urgences, éditions

Urgences1clic, application iOS (application indisponible)

Hyperkaliémie : intérêt de l’ECG pour stratifier le risque , Medscape fr

E-cardiogram, hyperkaliémie modérée, sévère et traitement

Medscape : Hyperkalemia et Hyperkalemia in emergency medicine

Hyperkalemia , Merck Manual

Hyperkalemia , Amal Mattu’s Emergency ECG Video of the Week

Hyperkalemia and ST elevation , The Effect of Calcium on Severe Hyperkalemia , Dr Smith’s ECG blog

Ion-Exchange Resins for the Treatment of Hyperkalemia: Are They Safe and Effective?

Management of hyperkalemia with ECG changes , BoringEM

Myth-busting: Lactated Ringers is safe in hyperkalemia, and is superior to NS , Pulmcrit

Hyperkalemia Management: Preventing Hypoglycemia From Insulin , ALiEM

Médias

« Electrocardiographic syphilis ? »

Un commentaire sur “Hyperkaliémie

  1. Gaspard
    30 novembre 2013

    Merci pour cette mise au point (ce blog est une bénédiction pour les étudiants), et la vidéo est très intéressante aussi !

Quelque chose à ajouter ?

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