thoracotomie

petite encyclopédie de l'urgence

Intoxication, dyskinésies et syndrome malin des neuroleptiques

intoxication syndrome malin neuroleptique

risperidone, neuroleptique atypique, mieux toléré que les neuroleptiques classiques

Les neuroleptiques sont une branche de médicaments dans la famille des psychotropes, qui ont pour principale indication le traitement des psychoses, notamment la schizophrénie. Ils sont parfois utilisés dans les troubles du comportement avec agitation du sujet âgé souffrant de démence en particulier la maladie d’Alzheimer.
Il en existe plusieurs classes de structure chimique différente, mais qui partagent les mêmes effets (mais dans des proportions variables) anti-délirant, anti-déficitaire, sédatif et également leurs effets secondaires extra-pyramidaux et végétatifs.
Les neuroleptiques « classiques » ont été et sont encore responsables d’effets secondaires particulièrement pénibles au quotidien, qui participent souvent (mais pas seulement) aux ruptures thérapeutiques chez le patient schizophrène. Des développements vers des neuroleptiques dits « atypiques » ont permis l’élaboration de molécules avec des profils d’effets secondaires moindres pour une meilleure tolérance.

L’intoxication à proprement parler est rare puisque la majorité des intoxications par psychotropes se fait avec des anxiolytiques ou des antidépresseurs, plus ou moins en association à l’alcool. Il « faut » que l’intoxication volontaire se produise chez quelqu’un qui a accès à ces molécules, et donc concerne avant tout le patient psychotique, avec un risque fort de poly-intoxication.
Plus fréquent sont les surdosages chez un patient agité qu’on a trop sédaté, ou les effets indésirables indépendants de la dose reçue. Le classique syndrome malin des neuroleptiques est une entité très rare mais à la mortalité non négligeable. Il est observé de manière identique en intoxication aiguë qu’en imprégnation neuroleptique chronique. Il a été décrit dans les années 1960, mais son mécanisme n’est toujours pas très bien compris.

Classification

Il existe au moins 10 classes de NLP qui à dose thérapeutique provoquent un syndrome extra-pyramidal (tremblement et raideur similaire à la maladie de Parkinson) et une hypotension.
A dose toxique, le 1er effet n’est pas plus important, ce sont les troubles tensionnels qui deviennent préoccupants, avec risque de troubles du rythme cardiaque. L’effet sédatif entraîne lui un coma avec risque de détresse respiratoire.

  • phénothiazines : lévomépromazine, thioridazine, mésoridazine, fluphénazine, trifluopérazine
  • thioxanthènes : chlorprothixène
  • butyrophénones : halopéridol, pimozide
  • dibenzodiazépines : clozapine
  • dibenzothiazépines : clotiapine
  • autres : rispéridone

Un propriété commune des neuroleptiques est qu’il inhibent de manière plus ou moins forte des récepteurs dopaminergiques (surtout le sous-type D2). Ils ont en général un effet central dépresseur, rarement excitateur, et induisent de manière variable des effets anticholinergiques, extrapyramidaux (spéc. halopéridol) et cardiotoxiques (spéc. thioridazine). Ces derniers ressemblent aux effets „quinidine-like“ des antidépresseurs tricycliques et peuvent se manifester même à partir de doses thérapeutiques par des modifications de l’ECG (p.ex. allongement de QT, abaissement de ST, aplatissement des ondes T).

Symptomatologie

On observe les manifestations d’intoxication plutôt pour les neuroleptiques de première génération, et surtout les phénothiazines. Le toxidrome anticholinergique (sécheresse cutanéo-muqueuse, soif, hyperthermie, mydriase, tachycardie, iléus, rétention urinaire, peau rubéfiée,  délire, hallucinations, hyperventilation, agitation) est variable.

L’altération de la vigilance est le plus souvent une encéphalopathie, mais ce peut être un coma agité avec manifestations extrapyramidales (hypertonie, dyskinésies…), mydriase (phénothiazines) ou myosis (olanzapine). Des comas calmes hypotoniques sont surtout décrits avec les neuroleptiques sédatifs de seconde génération.
Les convulsions sont variables : plus fréquentes avec les phénothiazines, parfois prolongées et complexes avec la loxapine et l’amoxapine voire un état de mal convulsif.
L’olanzapine et la clozapine ont des effets anticholinergiques centraux pouvant expliquer les troubles comportementaux. On observe aussi des réactions paradoxales d’agitation et délire avec des phénothiazines.

Le risque de dépression respiratoire propre aux neuroleptiques est faible, mais il existe s’il y a une association à d’autres psychotropes, l’alcool, aux opiacés.

Les neuroleptiques de première génération ont une cardiotoxicité caractérisée par des troubles de la conduction à type d’effet stabilisant de membrane (phénothiazines), des troubles du rythme ventriculaires malins, avec tachycardies ventriculaires et morts subites.
Pour les antipsychotiques de seconde génération, la tachycardie est généralement sinusale donc régulière. Une hypotension artérielle peut être notée, mais elle est classique dans les traitements neuroleptiques ou seulement une hypotension orthostatique. La rispéridone peut donner au contraire une hypertension relative.

Toutes les formes de réaction extrapyramidale peuvent apparaître déjà à partir de doses thérapeutiques. Dans les intoxications aiguës, on voit en premier lieu des dyskinésies paroxysmales dans la région de la tête et du cou (phénothiazines et butyrophénones). Sous traitement neuroleptique chronique, on rencontre aussi des acathisies (agitation motrice, hyperactivité, troubles du sommeil), des troubles « Parkinson-like » (hypokinésie, rigor et/ou trémor), des dyskinésies tardives.
Les autres symptômes d’imprégnation neuroleptique ou de surdosage associent dans des degrés variables, hypothermie, symptômes anticholinergiques périphériques comme sécheresse de la bouche, mydriase, peau rubéfiée, tachycardie, iléus, rétention urinaire.
Le syndrome malin des neuroleptiques associe une hyperthermie marquée et une rigidité extra-pyramidale avec hypertonie hyperréflexique, parfois des tremblements. Le patient présente généralement un mutisme, une altération marquée de l’état général voire des troubles de conscience, des sueurs, une hyperpnée, une tachycardie et une rhabdomyolyse. Le risque est l’évolution vers une déshydratation, un collapsus circulatoire avec insuffisance rénale fonctionnelle puis par nécrose tubulaire, hyperkaliémie, avec défaillance multiviscérale. Il se constitue rapidement sur 1 à 3 jours et survient pour tout type de neuroleptique y compris les formes retard. Le risque est plus important pour l’utilisation de fortes doses ou l’augmentation rapide des doses, lors du premiers mois de traitement, de l’utilisation de la voie injectable et l’association au lithium.

Les critères de gravité incluent :

  • une ingestion d’antipsychotiques de première génération (phénothiazines)
  • un syndrome anticholinergique marqué
  • une grande agitation, compliquée ou non de convulsions, et/ou d’un état de mal convulsif, ou un coma plus profond
  • une détresse respiratoire, avec hypoxie et/ou hypoventilation, éventuellement un syndrome de détresse respiratoire aiguë
  • une hypotension artérielle réfractaire au remplissage
  • un effet stabilisant de membrane, des troubles du rythme et de la conduction
  • une température extrême : ≥ 40 °C ; ≤ 32 °C
  • des troubles acido-basiques, hydroélectrolytiques significatifs, une rhabdomyolyse
  • un syndrome malin des neuroleptiques

Le diagnostic différentiel se pose pour les convulsions en climat toxicologique avec les intoxications par antidépresseurs tricycliques, lithium, antihistaminiques, théophylline, cocaïne, acide méfénamique, salicylés, inhibiteurs de la cholinestérase, cyanures et hydrocarbures (solvants). En présence d’un coma d’origine douteuse, exclure aussi rapidement que possible d’autres causes médicamenteuses : benzodiazépines, carbamates, analgésiquesopiacés et alcool.
Les affections non toxicologiques : accident vasculaire cérébral, tumeur cérébrale, hypoglycémie, encéphalopathie, méningo-encéphalite, delirium tremens.
Les examens en urgence comprennent la réalisation d’un ECG pour recherche des troubles du rythme et de la conduction sous forme d’élargissement de QRS et allongement de l’espace QT, ce dernier existant déjà pour certains neuroleptiques aux taux thérapeutiques. Une radiographie de thorax en cas d’inhalation ou de SDRA.
Une biologie standard : ionogramme sanguin, urée, créatinine, glycémie, éventuellement des gaz du sang artériel pour vérifier l’état acido-basique et un dosage de lactates. Le dosage des CPK est réalisé dans une suspicion de syndrome malin des neuroleptiques avec des taux souvent très élevés > 1000, mais ils ne sont pas spécifiques de l’affection, puisqu’élevés dans toute rhabdomyolyse, et donc pouvant être perturbés en cas d’agitation psychotique importante avec recours aux contentions et injections intramusculaires. On y observe aussi une hyperleucocytose non spécifique qui n’aide pas au diagnostic différentiel d’avec un état infectieux en particulier neurologique. Parfois élévation des LDH et cytolyse hépatique. Ponction lombaire dans les formes difficiles avec doute sur une méningite, éventuellement avant scanner cérébral si doute sur une hypertension intracrânienne.
Il n’y a pas de dosages de routine des neuroleptiques, la détermination de la concentration sérique n’a pas de conséquences clinico-thérapeutiques.

Traitement

La réanimation porte sur la stabilisation de la fonction ventilatoire, oxygénothérapie facile, intubation et ventilation mécanique en cas de défaillance. Induction classique par association étomidate/célocurine ou thiopental en cas d’état de mal convulsif et sédation par midazolam.
L’agitation sans trouble respiratoire peut être contôlée par les benzodiazépines injectables (diazépam, clorazépate dipotassique).
Remplissage vasculaire par solutés cristalloïdes et amines vasopressives en cas d’instabilité hémodynamique, plutôt par noradrénaline qu’une association dobutamine/dopamine puisqu’il s’agit d’un choc distributif plutôt qu’hypovolémique vrai. Hospitalisation des formes graves en réanimation.

En cas de tachycardie à QRS larges, essai de perfusion de bicarbonate de sodium molaire à 8,4% (1 à 2 mEq/kg IVL en débit libre, à répéter si non affinement des QRS) pour alcalinisation sanguine comme dans l’intoxication aux antidépresseurs tricycliques (mais moins efficace dans cette situation) avec supplémentation potassique car il entraine un transfert du potassium (2 g KCl /250 ml). En cas de tachycardie ventriculaire persistante ou de fibrillation ventriculaire : choc électrique externe. Les anti-arythmiques sont dangereux à utiliser dans ce contexte.

En cas de signes anticholinergiques marqués : pyridostigmine 1 à 2 mg IV.
Pour les dyskinésies aiguës : utilisation d’un correcteur de neuroleptique comme le biperidène 2.5–5 mg lentement IV ou IM ou tropatépine IV lent ou IM 10 mg (contre-indiqué dans les cardiopathies décompensées).

La décontamination fait appel au charbon activé plutôt que lavage gastrique qui devrait être réalisé en cas de dose dangereuse et de patient vu dans la première heure.

Le traitement du syndrome malin des neuroleptiques fait appel aux mesures de réanimation comme précédemment (sauf décontamination et alcalinisation). Il fait intervenir des mesures de baisse de la température centrale par moyens physiques et antipyrétiques (paracetamol). On peut utiliser le dantrolène Dantrium® IV à 0,8 à 2,5 mg/kg toutes les 6 heures (risque de nécrose cutanée si extravasation) +/- associé à la bromocriptine 5 mg toutes les 8h puis à augmenter jusqu’à 20 mg /8h tant que l’hypertonie persiste, et des benzodiazépines.

Références

Urgences1clic, iTunes store

Publicité

Un commentaire sur “Intoxication, dyskinésies et syndrome malin des neuroleptiques

  1. docteurneurone
    9 janvier 2014

    Merci Thoracotomie.

    TOUS les neuroleptiques typiques ET atypiques (sauf la Clozapine mais qui nécessite une surveillance NFS lourde) peuvent donner des syndromes tardifs (akathisie, sd Park, dyskinésies bucco faciales…) extrêmement invalidants, et qui peuvent ne jamais régresser, même après arrêt du traitement.

    Ne pas oublier les NL caches, j’ai suivi une dame âgée qui avait des dyskinésies terribles suite à un traitement prolongé par… Primperan…

    Il faut donc être très vigilant dans ces prescriptions…

Quelque chose à ajouter ?

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

YouTube