Mise à jour le 21/04/2014. L’intubation endotrachéale est la technique privilégiée de sécurisation des voies aériennes qui a succédé historiquement au tubage laryngé. Elle peut se pratiquer par voie nasale ou orale. En situation d’urgence, c’est la voie orale qui est la plus utilisée après une induction en séquence rapide. Il existe des alternatives en cas d’intubation difficile, par différents matériels de ventilation laryngée jusqu’à la trachéotomie. On ne parlera ici que de l’intubation d’urgence et pas de l’intubation rêglée au bloc opératoire avant une intervention chirurgicale.
Sommaire
Si le geste est rapide entre des mains expertes et dans des conditions optimales (intubation anesthesique précédant un geste chirurgical programmé par exemple), il peut devenir facilement laborieux voire dramatique dans les situations d’urgence. On parle alors d’intubation difficile. Elle n’est pas sans risque pour autant, le premier étant l’erreur d’introduction de la sonde dans l’oesophage (toujours ausculter pour vérifier le positionnement), l’intubation sélective d’une bronche (entrainant l’atélectasie de l’autre poumon). A long terme la présence de la sonde crée des ulcérations de la muqueuse laryngée et des sténoses. Certaines situations d’urgence font recourir assez facilement à cette technique, mais d’autres ne feront la proposer qu’en dernier recours à cause d’une morbidité accrue (pneumothorax déclenché lors de l’intubation d’un patient en état d’asthme aigu grave). Il va sans dire que l’intubation est toujours associée à une ventilation artificielle par machine (sauf en cas de défaillance technique passagère où l’on ventile au ballon). La technique la plus couramment utilisée dans les conditions de l’urgence (et notamment en cas d’estomac plein) est une induction en séquence rapide ISR ou crash induction, utilisant l’injection d’un produit anesthésique fort et d’un curare pour « endormir » le malade et le « figer » permettant l’introduction de la sonde plus simplement.
L’administration de certains médicaments par la sonde d’intubation est possible lors de la réanimation cardio-pulmonaire (principalement l’adrénaline à 3 mg au lieu de 1 mg IV) mais la résorption est aléatoire ce qui ne fait plus conseiller cette voie, mais plutôt préférer la pose rapide d’une voie veineuse périphérique, centrale (jugulaire interne, sous-clavière, fémorale) voire d’un accès intra-osseux. L’intubation du patient hors arrêt cardiaque nécessite de toutes façons un accès vasculaire fiable.
Il n’y a pas de réelle contre-indication à la décision de mettre sous assistance respiratoire (sauf état clairement stable), mais des contre-indications à la technique d’intubation orotrachéale.
Elle ne doit pas faire retarder d’autres gestes très urgents comme le drainage thoracique d’un hémothorax massif ou l’exsufflation d’un pneumothorax compressif, voire la libération d’une tamponnade par thoracotomie de sauvetage (même si l’éventualité est très rare en France).
Pré-oxygénation en ventilation spontanée pendant 3 min, FiO2 100%, assister le patient le moins possible, contrôler l’absence de fuite, ne pas retirer le masque avant l’apnée, voire poursuivre la préoxygénation pendant le reste de l’intubation par canule nasale délivrant une 2e source d’oxygène. L’usage de la VNI est possible dans cette situation. Le but est d’arriver à intuber en situation non désaturante le temps de l’apnée induite par l’induction/curarisation.
Pression avec pouce et index sur le cartilage cricoïde) dès le début de l’injection de l’hypnotique, maintenue jusqu’au gonflement du ballonnet. Elle est actuellement remise en question. Son but initial est d’éviter la régurgitation du contenu acide de l’estomac dans l’oesophage et le carrefour aérodigestif avec inhalation. Mais outre le fait qu’elle nécessite la participation d’un aide supplémentaire, des études expérimentales suggèrent qu’elle n’est pas efficace voire aggraverait le relâchement du sphincter inférieur de l’oesophage et donc augmenterait le risque d’inhalation. En France pour le moment elle est encore recommandée comme geste lors de la séquence d’intubation en urgence.
Injection IV de l’hypnotique suivi immédiatement de la succinylcholine. L’IOT en urgence est à haut risque, du fait risque estomac plein, la sédation facilite la réalisation de l’intubation et limite le risque d’inhalation du contenu gastrique. Elle diminue le risque d’hypoxie et HTIC lors de la laryngoscopie, assure le plus grand confort au patient durant une procédure invasive. La sédation IV doit avoir un délai d’action bref, être rapidement réversible, être associée à un minimum d’effets indésirables. l’ISR consiste en l’administration quasi simultanée d’un hypnotique et d’un curare entrainant une narcose d’installation rapide et un relâchement musculaire dans le but de faciliter l’introduction de la sonde. L’ISR n’a pas d’intérêt dans l’arrêt cardiaque. Quelques précautions :patient non ventilable, évaluer le bénéfice/risque de l’ISR
En situation d’urgence principalement
Etomidate Hypnomidate® 0,3 à 0,5 mg/kg, soit pour 70 kg entre 21 et 35 mg, solution à 20 mg/10 ml, préparation pure soit 2 mg/ml dans une seringue de 20 ml (1 à 1 amp 1/2 pour poids moyen). Nécessite une curarisation, idéalement avec la succinylcholine car provoque des mouvements anormaux et des myoclonies. Durée d’action 4 à 6 min pour une injection en 30 s (jusqu’à 8 min si dose proche de 0,5 mg/kg).
Agent d’induction ultra classique en France.
CI à l’Etomidate :
Ketamine Ketalar® 2 à 3 mg/kg, ampoules de 5 ml contenant 50 mg ou 250 mg, 1er conditionnement plus adapté pour la sédation vigile, dans le 2d cas préparation pure soit 50 mg/ml dans une seringue de 20 ml. Injection un peu plus lente, 60 s. Nécessite en entretien une sédation idéalement avec du midazolam pour les phénomènes d’agitation et horror trip, nécessite aussi atropine pour contrecarrer les phénomènes d’hypersécrétion.
Indication préférentielle : Bronchospasme, enfant < 2 ans. Utile dans quasiment toutes les situations du fait d’une bonne stabilité cardiovasculaire et du respect de la ventilation. Agent préférentiel d’induction dans les pays anglo-saxons où l’étomidate n’est pas très populaire.
CI à la Ketamine :
Thiopental Pentothal® Nesdonal® 5 à 8 mg/kg. Poudre pour solution 1 g, préparation adulte 2,5 % 1 g ramené à 20 ml, garder 10 ml et les ramener à 20 ml dans une seringue de 20 ml. Préparation enfant : 1 % 1 g ramené à 20 ml, garder 4 ml et les ramener à 20 ml dans une seringue de 20 ml. Indication préférentielle : Etat de mal épileptique.
Historiquement premier agent d’induction utilisé pour la crash induction aux Etats-Unis.
CI au Thiopental :
Propofol très utilisé au bloc opératoire comme agent d’entretien ou pour la sédation vigile, mais a l’inconvénient d’être hypotenseur (intérêt du Ketofol, association de ketamine et propofol pour une meilleure stabilité cardiovasculaire ?)
Le midazolam, les morphiniques ne sont pas de bons agent d’induction en situation d’urgence car trop hypotenseurs, mais de sédation d’entretien.
En urgence principalement la succinylcholine Célocurine® 1 à 1,5 mg/kg. Solution injectable à 100 mg/2 ml. Préparation 1 ampoule ramenée à 10 ml soit 10 mg/ml dans une seringue de 10 ml.
Allergie ou CI à la Célocurine : rocuronium Esmeron®, curare non dépolarisant 1,2 mg/kg
échographie coupe transversale, sonde d’intubation trachéale en place, ballonnet dégonflé à gauche et gonflé à droite
Réglages standard adulte
Vt : 6 à 8 ml/kg de poids idéal par rapport à la taille (sans dépasser 750 ml) FR 14 à 16 /min FiO2 : 50% à adapter pour avoir SaO2 > 95% Rapport I/E : 1/2 PEP : 0 cm ou 5 cm H20 (pour prévenir les risques d’atélectasie)
Réglages standard enfant
ventilation en pression contrôlée Vt : 6 à 8 ml/kg FR : 18 à 20 FiO2 : 50% objectif SaO2 > 95% I/E : 1/1 trigger : 3 l/min ou 1 cm H2O PEP : 0
Exemples de situations
A adapter au contexte pathologique et des conséquences cardiovasculaires, l’instabilité hémodynamique conduit à diminuer les doses des agents
en cas d’hypotension : remplissage vasculaire +/- éphédrine
Midazolam 2-10 mg/h + Sufentanyl 5 à 10 µg/h
ou Ketamine 1 mg/kg/h + Sufentanyl 5 à 10 µg/h
ou Pentothal 20 mg/kg/24h + Sufentanyl 5 à 10 µg/h
ou en l’absence de Sufentanyl, utiliser le Fentanyl 50 à 100 µg/h
+/- curarisation par curare non dépolarisant en cas de difficultés de ventilation
sédation en entretien par Propofol possible aussi.
En cas d’agitation du patient après l’intubation, si la sédation par morphiniques ou propofol n’est pas encore efficace, plutôt que d’augmenter les doses anesthésiques qui risquent de faire chuter la pression artérielle, et surtout plutôt que de curariser le patient, on peut rajouter de la kétamine pour potentialiser la sédation le temps que l’autre agent anesthésique fasse effet.
Fera l’objet d’un chapitre à part. Juste à signaler que sa définition est assez stricte, mais qu’on considère que son risque est augmenté du fait de la situation d’urgence, du positionnement du patient en préhospitalier. Elle peut être contournée par des petits moyens comme l’usage d’un mandrin souple (bougie) ou rigide, la position amendée de Jackson, la manoeuvre BURP, changement de lame, intubation rétromolaire, traction de la langue par pince de Magill. Des moyens plus sophistiquées en établissement existent : intubation au fibroscope et plus récemment vidéo-laryngoscope. En cas d’impossibilité, et de possibilité de faire appel à un autre praticien plus expérimenté, il faut savoir parfois rapidement mettre son orgueil de côté. Il existe des alternatives à l’intubation orotrachéale : COPA, Combitube, Masque laryngé et Fast track. En cas d’échec encore, des techniques plus invasives peutvent être tentée : intubation rétrograde, ponction de la membrane cricothyroïdienne et jet ventilation, cricothyroïdotomie.
Situations faisant craindre une intubation difficile :
Depuis peu les anglo-saxons proposent une séquence différente d’une intubation en séquence rapide visant à prévenir les complications et la morbi-mortalité « péri-intubationnelle » en premier lieu l’hypoxie. Les premières propositions ont renforcé la préoxygénation passive au moyen de lunettes nasales à oxygène à haut débit chargeant passivement le pharynx en oxygène, permettant de ne pas descendre en dessous d’une saturation à 50-60%. L’utilisation de la CPAP avec PEEP comme préoxygénation a aussi été proposée. En cas d’agitation quand le patient est délirant, confus, hyperanxieux et agité et qu’il ne garde pas le moindre dispositif d’oxygénation passive, une sédation par kétamine entrainant l’état dissociatif sans dépression respiratoire a été proposée. Pendant cette phase de sédation, la préoxygénation est appliquée, au mieux par une CPAP, et l’intubation n’est réalisée qu’après cette phase. Cette séquence permettrait d’éviter des désaturations en dessous de 70%. Cette technique parait intéressante dans les détresses respiratoires avec agitation, où l’hypoxie existe préalablement à l’apnée induite par l’agent anesthésique et où les tentatives multiples risquent d’entrainer une anoxie et un arrêt cardiaque.
intubation endobronchique droite et collapsus pulmonaire gauche
Adnet F, Contrôle des voies aériennes en urgence, Arnette
Application Urgences1click, intubation trachéale
Intubation en séquence rapide , Actualités sur l’induction en séquence rapide , Quel mode ventilatoire pour quelle détresse respiratoire ? , Collapsus de reventilation , SFMU
Les secrets d’une intubation réussie , Le Gazier
Un article de Magill de 1930 sur l’anesthésie endotrachéale
Own the Oxygen! , RSI Checklist and Action Plan , Cricoid pressure or manual RETARD? , Befriend the bougie! , Does Roc rock? Does Sux suck? , grande série de vidéos sur Own the Airway! , et quand il n’y a pas de laryngoscope sous la main … If the lights go out… , Life in the fast lane
Rapid-sequence intubation and cricoid pressure
Delayed Sequence Intubation: A Prospective Observational Study (abstract) et Delayed sequence intubation , Emcrit
Intubation : bases anatomiques, sur Nice Anatomie
Plusieurs vidéos d’intubation trachéale dont la séquence en induction rapide
intubation en salle d’urgence (ketamine + rocuronium dans un coma)
Intubation avec aide d’un mandrin souple et vidéolaryngoscopie chez Larry Mellick
laryngoscopie directe et indirecte
Un objet intéressant mais ce ne serait pas mieux avec un plus grand écran, comme celui de l’iPad ? (qui a dit iMac ?) :