Geste technique un peu ancien, qui était classiquement utilisé en pédiatrie en situation de grande urgence chez le très jeune enfant quand l’accès veineux était difficile et ne permettait pas d’attendre une dénudation veineuse. Il retrouve un usage chez l’adulte en préhospitalier notamment, en particulier en traumatologie et dans les situations d’hypovolémie avec accès veineux impossible.
Sommaire
La voie intra osseuse est une voie d’abord vasculaire d’extrême urgence, simple à mettre en place qui peut être apprise par des intervenants non-médecins (elle est enseignée aux paramedics américains) et surtout rapide dans la réalisation et la perfusion de médicaments et de solutés de remplissage vasculaire. C’est une voie de secours qui évite la perte de temps de ponctions veineuses périphériques précaires sur de petites veines collabées et la pose de voie veineuse centrale dans de mauvaises conditions. « Plus un patient a besoin d’une voie veineuse, plus c’est difficile à trouver « .
Historiquement utilisée dans des situations dramatiques au cours de la Seconde Guerre Mondiale, puis abandonnée pendant 40 ans avant de se retrouver utilisée en réanimation pédiatrique. De nouveau mise de côté et remise au goût du jour depuis quelques années seulement en réanimation militaire et civile préhospitalière en traumatologie.
Les os longs disposent d’un canal central contenant la moelle osseuse et un riche réseau vasculaire. Le drainage s’effectue par des veines périostées ou nourricières de manière très rapide : l’injection d’un produit par voie intra-osseuse arrive au coeur droit en 10 secondes.
Seule différence avec la voie veineuse dans le pic plasmatique, moins important, mais une durée plus longue liée à un relargage à partir de la moelle osseuse.
Les recommandations recommandent (oui désolé) la voie intra-osseuse chez l’adulte après 2 échecs de ponction veineuse et pour la réanimation cardio-pulmonaire de l’enfant.
Elle remplace avantageusement les voies veineuses centrales hautes (jugulaire interne et sous-clavière) au cours de la réanimation cardio-pulmonaire puisqu’elle ne gêne pas le massage cardiaque externe ni l’intubation orotrachéale. Elle est même à privilégier par rapport à cette dernière en cas de faible nombre de sauveteurs pour permettre l’injection rapide des drogues (notamment l’adrénaline), la voie intra-trachéale ayant une résorption très aléatoire (et le MCE primant sur l’accès aux voies aériennes en cas d’arrêt). Par rapport à une voie fémorale qui était jusque là recommandée comme accès central au cours de la RCP, elle est sans doute plus facile et rapide à mettre en place, plus sûre pour le transport. Cet accès n’étant pas amené à durer, le risque septique est sans doute moindre que pour une fémorale qu’on serait tenté de laisser en place plus longtemps et qui n’aurait pas été réalisée dans des conditions d’asepsie idéale.
Elle peut aussi laisser le champ libre pour la réalisation de gestes au niveau thoracique comme un drainage pleural voire une thoracotomie d’e ressuscitation, même si cette dernière situation est très rare en France.
Une étude observationnelle tend même à montrer qu’elle est efficace pour l’induction anesthésique.
Dans une situation désespérée où il n’y a aucun abord vasculaire et un choc décompensé ou un ACR, il n’y a pas de contre-indication absolue aux manoeuvres de ressuscitation. Mais l’état local délabré risque systématiquement d’entrainer un sepsis surajouté qui risque d’être fatal à moyen terme même si la RCP est efficace. La présence d’une fracture proche du site de ponction rend également l’accès inefficace voire dangereux en produisant une extravasation source de syndrome des loges.
Au total, c’est un accès vasculaire de 3ème intention après le cathétérisme veineux périphérique et central pour l’administration durable de médicaments/solutés en situation stable, mais il est plus simple et plus rapide que les voies centrales avec des risques moindres ; et un accès de 2de intention en cas de nécessité immédiate d’accès vasculaire. De plus l’échec de ponction d’un côté autorise sans risque d’autres sites de ponctions contrairement aux voies centrales cave supérieures.
Patient en décubitus dorsal, car souvent situation de choc. Position demi-assise si patient stable pour la voie humérale.
Désinfection cutanée nécessaire même si le temps d’action de l’antiseptique n’est pas respecté. Rasage sans abrasion cutanée.
Anesthésie locale pas indispensable car le temps de mise en place est extrêmement rapide et la situation ne permettant pas toujours d’attendre le délai d’action de l’anesthésique local. Autre solution : utilisation d’un spray froid par pulvérisation juste avant la ponction pour diminuer la douleur.
Le membre doit être câlé pour éviter de bouger et que la ponction ne dévie de la trajectoire.
Trocart manuel de ponction médullaire à poignée : aiguille de Cook et aiguille Jamshidi. Utilisation possible chez l’enfant, mais chez l’adulte le risque d’échec de ponction est plus important. De plus il faut une certaine force pour percer la corticale de l’os adulte, et on risque de tordre l’aiguille.
Il existe des systèmes pour insertion par percussion BIG et des systèmes montés comme l’EZ-IO avec une mini perceuse à main, il permet de fixer de façon fiable, rapide et sans force et différentes aiguilles à adapter selon le site et l’âge (jaune : huméral adulte, bleu : tibial adulte et huméral enfant, rose tibial enfant).
Le geste étant malgré tout douloureux, et l’emploi d’analgésiques à dose efficace dangereux (hypotension ou perte de temps dans l’ACR), il faut le réaliser très rapidement.
Introduction de l’aiguille biseau vers le haut avec un angle de 60 à 90° avec la peau, ponction franche pour traverser la peau et la corticale de l’os pour atteindre la cavité médullaire.
Le trocart bien positionné est immobile, figé dans l’os, un test d’aspiration ramène de la moelle osseuse et on peut facilement injecter 5 à 10 ml de sérum physiologique.
Positionnement du dispositif au site de ponction choisi et appui fort et constant jusqu’à la sensation de franchissement de l’os. Désadaptation du dispositif pour ne laisser en place que le trocart de perfusion.
Pas besoin d’incision cutané, la peau peut être franchi sans actionner le dispositif en appuyant fermement pour la percer. Puis actionner la gâchette de la perceuse pour forer la corticale jusqu’à ce que le trocart soit en place. Désadaptation de la perceuse et de la base de l’aiguille, puis raccord à la perfusion, test d’aspiration comme dans la méthode classique.
Flush d’un bolus de serum salé pour purger la tubulure et l’aiguille, et éventuellement d’une petite dose de lidocaïne car la perfusion intra-osseuse est douloureuse avec sensation de pression : 2 ml de lidocaïne 2% soit 40 mg par injection lente de 0,2 ml, dès le reflux sanguin obtenu. Le dispositif de perfusion comprend généralement un raccord à l’aiguille de ponction à angle droit afin de pouvoir fixer la tubulure parallèlement au corps et éviter les désadaptations voire retrait accidentel de l’aiguille.
L’utilisation des médicaments se fait pour les mêmes produits et aux mêmes posologies que pour une voie veineuse périphérique. Il est conseillé de diluer les solutions hyperosmolaires, hypertoniques et très alcalins.
La purge de la ligne est conseillée après administration du médicament, généralement par bolus successifs en volumes de 10 ml. La perfusion peut se faire par gravité mais est plus efficace en seringue électrique ou en dispositif de débit constant. Les poches à pression sont utilisables, et les débits par voie tibiale avoisinnent ceux de cathéters veineux de 21 G, et sternal/huméral de 16 G.
Surveillance de l’infiltration des téguments, d’un éventuel saignement local. Protection de l’aiguille dans un pansement stérile et membre dans une attelle pour éviter diffusion et retrait.
Mise en place d’un autre accès vasculaire (périphérique ou central) dès que possible avec retrait le plus précoce de la voie intra-osseuse.
On peut aussi réaliser des prélèvements sanguins : ionogramme, gaz du sang, hémoglobine et groupe sanguin.
Pour le retrait de l’aiguille, désadapter la tubulure, visser une seringue sur l’embase et tourner dans le sens des aiguilles d’une montre en gardant l’axe à 90°.
Le taux de complications infectieuses rapporté est cependant assez faible. Il n’y a pas de délai réellement défini pour garder une voie intra-osseuse, dès qu’un autre accès est en place il est logique de le retirer, et dans tous les cas de ne pas le maintenir au-delà de 6 heures.
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