thoracotomie

petite encyclopédie de l'urgence

Rhabdomyolyse

rhabdomyolyse muscles membre inferieur

muscles de la fesse et de la face postérieure de la cuisse

Destruction des cellules musculaires (des muscles striés de la motricité volontaire).
Post-traumatique, poly contusions et surtout après une chute et un séjour prolongé au sol par incapacité à se relever.
Rhabdomyolyse médicale de cause non traumatique : état de mal convulsif, intoxications (cocaïne, tricycliques, antigel), certains médicaments (fibrates, statines, neuroleptiques), hyperthermie maligne, hypokaliémie prolongée, défaillance multi-viscérale de certaines infections bactériennes, …

Physiopathologie

La rhabdomyolyse est un syndrome, pas une maladie. Les processus à l’origine de la «casse» ou plus scientifiquement de la lyse cellulaire sont nombreuses, ce qui explique que la liste des étiologies soit cataloguesque.

La plus connue et la plus souvent rencontrée en pratique est traumatique (chute et séjour prolongé au sol). Mais toute situation d’agression musculaire peut l’engendrer, qu’elle soit physique, ischémique, par hypercatabolisme, hyperosmolarité, et dans certaines affections on suspecte une toxicité directe, mais le le mécanisme précis n’est pas connu.

Le risque majeur est l’hyperkaliémie et l’insuffisance rénale. Les cellules musculaires étant riches en potassium comme toute cellule, la lyse libère l’ion dans le sang de façon massive. La fragmentation de la myoglobine en déchets précipitant dans les tubules rénaux est souvent évoquée pour l’origine de l’insuffisance rénale (nécrose tubulaire aiguë).

Les masses musculaires abîmées vont séquestrer de l’eau en quantité anormale ce qui entraine une hypovolémie sanguine, qui aggrave l’insuffisance rénale. Le traitement initial repose sur l’apport de grandes quantités de liquides équivalent au serum pour lutter contre cette hypovolémie. Il permet également d’éliminer par voie rénale les déchets musculaires, mais dans certains cas quand le rein ne peut assurer ce travail, il faudra filtrer ces produits (potassium, myoglobine et éventuellement les toxiques à l’origine du syndrome) par une méthode type hémodialyse.
L’hyperhydratation peut paraître dangereuse devant la situation d’insuffisance rénale et le terrain sur lequel s’observe fréquemment le syndrome (sujet âgé) mais c’est le premier traitement logique et elle doit être précoce.
L’hypovolémie étant relative, les produits utilisés doivent être « légers » et facilement éliminables par le rein (solutés cristalloïdes plutôt que les produits de remplissage des chocs).
L’insuffisance cardiaque ou rénale préexistante ou une destruction massive qui dépasse les possibilités d’adaptation du rein, fait recourir aux traitements d’hémodialyse.

Le syndrome d’écrasement-compression musculaire ou crush syndrome est apparenté, mais il concerne une situation traumatique localisée avec des complications médicales. Les compressions peuvent être multiples comme dans les cas d’ensevelissement.
Le syndrome des loges musculaires est une cause de lyse musculaire par ischémie, mais sa rapidité d’évolution en fait une urgence chirurgicale.

Etiologies

Rhabdomyolyse traumatique

  • syndrome d’écrasement, d’ensevelissement, crush syndromecontusions multiples, fractures des os longs avec hématomes de gros volume, syndrome de loges traumatiques
  • chute et séjour prolongé au sol par incapacité à se relever, cause n°1 de la rhabdomyolyse chez le sujet âgé
  • Electrisation, foudroiement, cardioversion éléctrique

Rhabdomyolyse non traumatique

  • Physiques
    • Trauma
    • Hypoxie
    • Electricité
    • Exercice
    • Hyperthermie :
  • non physiques
    • Métabolique
    • Toxique
    • Infections
    • Eléctrolytes
    • Endocrinien

Diagnostic

Clinique

Plutôt anamestique que réellement des signes cliniques spécifiques. Si le contexte traumatique est évident, l’examen est alors plus ou moins riche en fonction des lésions associées : contexte de chute, ou de prises médicamenteuses (cf étiologies)
Parfois ecchymoses, érythèmes aux zones d’impact, fracture associée. Si le séjour a été très long, début d’escarres sous les saillies osseuses.
Faiblesse motrice parfois douloureuse (attention à un syndrome de loges associé)

En contexte non traumatique, il n’y a parfois aucun signe clinique réellement évident, et on se retrouve avec un tableau d’altération de l’état général, de faiblesse généralisée, surtout chez la personne âgée.

Biologique

Elévation des enzymes musculaires : de la CPK (de la fraction CK-MM et pas la fraction MB, mais on peut l’observer malgré tout sans qu’il y ait une atteinte cardiaque) > 1000 et sévère si > 16 000. Des élévations plus modestes sont parfois malaisées à interpréter. L’évolution des CPK est assez lente et son utilisation pour la surveillance du syndrome ne paraît à l’heure actuelle plus justifiée.

Myoglobine (mais pas de parallélisme entre les valeurs et la gravité) (pas de la troponine évidemment, même si elle peut être faussement élevée pour des causes ayant entrainé la rhabdomyolyse). Le pic de myoglobine est précoce et bref. L’importance de la myoglobinémie conditionne le risque rénal. Sa surveillance est préconisée.

Myoglobinurie (urines foncées et fausse hématurie à la bandelette)

Hyperkaliémie et ses signes ECG

Insuffisance rénale aiguë, au pire acidose métabolique, hypocalcémie, CIVD.

Imagerie

Son rôle est assez modeste dans ce chapitre, sauf si là encore le contexte évoque des traumatismes, auquel cas les radiographies, l’échographie aux urgences et le scanner sont à utiliser dès qu’il le faut.

En contexte non traumatique, les renseignements apportés sont faibles sauf :

  • contexte « neurologique » : scanner cérébral au moindre doute, chez le sujet âgé : AVC ischémique, hémorragique, hématome sous-dural, …
  • contexte vasculaire : selon l’avis du chirurgien : échographie Doppler artériel, angioscanner

L’imagerie même des rhabdomyolyses par oedème musculaire est évaluable en scanner et IRM. Attention à l’insuffisance rénale et à la néphropathie par injection de produit de contraste iodé. Le souci étant que le diagnostic différentiel étiologique d’un oedème musculaire en IRM est assez vaste.

augmentation des masses musculaires fessières droites en contexte séjour au sol prolongé

oedème musculaire de la cuisse lors d’un exercice intensif

oedème musculaire externe et des parties molles dans une myonécrose chez un diabétique

Traitement

Hyperhydratation IV, plusieurs litres (attention au risque d’OAP, la diurèse forcée n’est pas à utiliser sans avis réa). Le choix du soluté dépend de la sévérité de l’hypovolémie. L’apport de potassium étant à éviter, le plus simple est d’utiliser des cristalloïdes sous forme de Nacl 9‰. Les colloïdes sont à réserver au choc vrai.
Surveiller l’efficacité de la diurèse
Surveiller le pH urinaire < 6,5 le risque d’IRA est grand et peut justifier l’alcalinisation IV
Epuration extra-rénale dans certains cas (traitement inefficace, IRA installée, hyperkaliémie car les traitements habituels marchent mal dans ce contexte)

Traitement des lésions traumatiques associées, de l’hypothermie, de l’acidose.

Difficile problème de la prévention des chutes chez les patients à risque (personnes âgées, alcooliques, …)

Références

A.Ellrodt, Urgences médicales, éditions Estem

Rhabdomyolyses 1997 , Rhabdomyolyse 2007 , SFAR

Crush syndrome et rhabdomyolyse , SFMU

Crush syndrome et rhabdomyolyse , MAPAR

Rhabdomyolyse, le point de vue du néphrologue, présentation pdf

Les pires scénarios : la rhabdomyolyse d’effort et l’insuffisance rénale aiguë , Sports et science

Rhabdomyolysis , Life in the fast lane

Fatal Rhabdomyolysis in a Patient with Head Injury

Médias

syndrome des loges avec neuropathie chez une patient ayant porté des jeans trop serrés lors d’un déménagement …

2 commentaires sur “Rhabdomyolyse

  1. Gaspy
    29 mars 2012

    Bonjour,

    A propos de « solutés cristalloïdes plutôt que les produits de remplissage des chocs » : c’est pas justement des cristalloïdes en bolus qu’on donne en première intention dans les états de choc ? (question innocente, j’ai vraiment du mal à m’y retrouver dans ces histoires de remplissage…)

    PS : c’est le dernier billet de Foulard qui vous a donné l’idée de parler de rhabdomyolyse ? 😉

    • thoracotomie
      29 mars 2012

      en résumé les produits de remplissage : les cristalloïdes (NaCl 9p1000, Ringer lactate, solutés polyioniques à base de Glucose 5% + un peu Na et K) ils sont isotoniques au plasma. Pour « remplir » il en faut des quantités énormes. On leur préfère des colloïdes qui sont des macromolécules, une poche de 500 ml suffit à remonter la volémie. Néanmoins comme ce ne sont pas des produits naturels, on cherche toujours des solutions + simples.
      Depuis peu de temps, le NaCl en soluté hypertonique permet de perfuser de très faibles volumes dans le choc hémorragique par exemple et d’avoir le même effet que les colloïdes.
      dans la rhabdomyolyse non compliquée, l’hypovolémie est relative, il n’y a pas d’état de choc. On perfuse de grands volumes pour avoir une diurèse importante, pas pour remonter la pression artérielle par exemple.

      ps : non pas spécialement

Quelque chose à ajouter ?

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