thoracotomie

petite encyclopédie de l'urgence

MASH, 1970, Robert Altman

MASH Elliott Gould Donald Sutherland

Elliott Gould et Donald Sutherland dans le film MASH de Robert Altman

S’il n’y a bien un film qui doit être évoqué sur ce blog parmi tant d’articles sérieux, c’est bien le film le moins sérieux sur le monde médical.
Il est sorti en 1970 et a été réalisé par Robert Altman, grand cinéaste américain (décédé en 2006).
Altman a souvent été comparé à un peintre brossant une galerie de portraits dans des milieux très typiques : la musique country dans Nashville, le cinéma dans The Player, la ville de Los Angeles dans Short Cuts (on passera rapidement sur la mode dans Prêt à porter qui n’était vraiment pas terrible).

MASH c’est la chirurgie, et même plus spécifiquement la chirurgie de guerre. Difficile de faire rire avec ça à première vue.
Le film n’est pas un scénario original mais une adaptation du roman «Mash : A novel about three army doctors» de Richard Hooker.
Altman et par le biais du scénariste Ring Lardner Jr, a pris beaucoup de libertés avec le roman original, jugé plus sombre et ambigu voire un peu raciste. Le film place le personnage de Donald Sutherland au centre de l’histoire.

Les Américains ont énormément réalisé de films sur la guerre du Vietnam pour exorciser leur traumatisme, mais il ne faut pas se tromper MASH se passe pendant la guerre de Corée qui eut lieu entre 1950 et 1953. La Corée du Nord communiste soutenue par la Chine et l’URSS affrontait la Corée du Sud soutenue par les Etats-Unis et leurs alliés. Elle se terminera en juillet 1953 avec la signature de l’armistice de Panmunjeom.
C’est tout pour la partie historique, parce que l’histoire avec un grand H, MASH s’en moque complètement et finalement pourrait se dérouler dans n’importe quelle guerre mettant en jeu des forces disposant d’un soutien médical mobile.

MASH veut dire Mobile Army Surgical Hospital, c’est l’antenne médico-chirurgicale de soutien à l’armée américaine. Gros moyens, grosse logistique, du personnel compétent, peut être même parmi les meilleurs du pays.

L’histoire du film est très simple.
En 1951, un chirurgien mobilisé Benjamin Franklin Pierce appelé «Oeil-de-lynx» (Hawkeye en VO) arrive pour faire son service dans le 4077th MASH, fait son job et s’en va à la fin du film. Entre temps il croise toute une galerie de personnages hauts en couleurs, en faisant le plus de blagues et en draguant à tours de bras. C’est Donald Sutherland.
Vite secondé par un chirurgien spécialisé en chirurgie thoracique, un «coupeur de mou», John McIntyre surnommé «Le piégeur» (Trapper John), interprété par Elliott Gould.
C’est ce duo iconoclaste qui anime le film de leurs conneries.

Comme pendants à leur positive déconnade, il y a l’austère major Frank Burns joué par Robert Duvall, et l’infirmière en chef Margaret O’Houlihan mais qui se trouvera bien vite rebaptisée «Lèvres en feu» (Hot Lips) suite à une étreinte passionnée avec le précédent. C’est Sally Kellerman).
Le casting se complète de Tom Skerritt (Duke), John Schuck, (Speleo Polak, le dentiste de l’équipe), Jo Ann Pflug (Gros qui tache), Gary Burghoff (Radar), Fred Williamson (Bazooka Jones) …. et un de mes préférés Michael Murphy dans le rôle du Capitaine Ezekiel Bradbury Marston, mais plus connu sous le pseudonyme de «Moi coucher Marston» (Me Lay Marston).

pendant une intervention chirurgicale effectuée par Oeil-de-lynx et le Piégeur, tout le monde portant un masque de protection y compris l’anesthésiste Marston :

«

(ODL) – Je t’ai déjà parlé de mon vieil ami «Moi coucher Marston» ?

(P) – ah oui, le type qui disait «toi coucher ? moi coucher !» et pour qui ça marchait 1 fois sur 100 ?

(ODL) – oui. Et bien tu vois, c’est l’anesthésiste qui est à côté de nous.

(MCM) – Garde tes plaisanteries pour ton village, Oeil-de-lynx …

»

Un de mes aimables frères d’arme lors de mon résidanat, ne manquait pas une occasion de me surnommer affectueusement ainsi devant les infirmières.

J’aime ce passage également pour cette réplique de «Moi coucher» Marston, invité par Oeil-de-lynx à prendre un verre au campement :

«Désolé je ne peux pas venir ce soir, je fais des heures supplémentaires à l’hôpital Yamashi. Et au bordel Yamashi aussi !»

Cette séquence est également l’occasion de faire un peu de science avec une opération de fistule trachéo-oesophagienne chez un nourrisson (cf atrésie de l’oesophage).

Il y a énormément de répliques cultes dans MASH, mais la plus simple, la plus efficace et d’un assez mauvais goût quand on la cite à quelqu’un qui n’ a jamais vu le film, c’est la monstrueuse réflexion de Robert Duvall au jeune médecin chargé de l’assister sur un patient en choc :

«Vite de l’adrénaline et une aiguille à intracardiaque !»
et le temps qu’il arrive avec le matériel, de constater : «c’est trop tard, tu l’as tué».
Rassurez vous, le major Burns se prendra un bon crochet du Piégeur pour lui réapprendre la pédagogie.

Hurler ça dans un service à vos collègues ça fait toujours son petit effet (pas sur une urgence vitale quand même, ne soyez pas dégueulasses).

Il n’y a pas d’interprétation complexe à attendre de MASH.
L’analyse cinématographique, honnêtement je n’y ai jamais prêté attention parce que je savoure trop les répliques pour voir autre chose dans le film que la comédie. Mais je me doute qu’Altman n’a rien laissé au hasard.
Il n’y a pas de message, je ne pense pas qu’il y ait eu une volonté d’être un film à message, au contraire.

C’est une pure comédie sur fond de tragédie tellement évidente qu’elle est occultée.
Il y a quelques brefs moments de drame, mais ces moments sont fugitifs.
Ils déconnent, ils bouffent, ils boivent, ils baisent, et tout ça très vite parce qu’il y a tellement de boulot qu’il n’y a pas de place pour les états d’âme.
On ne voit jamais de questions existentielles chez ces soignants.

Ah si, il y en a une, et de «taille» si j’ose dire.

Quand le dentiste, célèbre pour ses prouesses auprès des dames, se retrouve accidentellement à lire un livre de psychologie et voit tout son équilibre perturbé et autant de questions sur sa virilité et son orientation sexuelle.

Et comme dit Oeil-de-lynx : «il y a surtout que les dentistes, ils ne devraient pas lire».

Cette scène est l’occasion d’une séance de thérapie de choc, un peu morbide au début, mais pas déplaisante à la fin.
Et l’ocassion de ré-entendre la chanson du générique «Suicide is painless» musique de Johnny Mandel, paroles de Mike Altman, le propre fils de Robert Altman, alors âgé de 14 ans. Les interprètes sont John Bahler, Tom Bahler, Ron Hicklin et Ian Freebaim-Smith, et lors de la cérémonie du suicide, Ken Prymus qui joue le rôle du soldat Seidman.

MASH reçoit la palme d’or à Cannes en 1970, le Golden Globe de la meilleure comédie mais seulement l’oscar du meilleur scénario d’adaptation, c’est Macadam cowboy qui gagne le meilleur film et il faut avouer qu’il a du être difficile de choisir pour les jurés cette année là.

Une série télévisée suivra avec Alan Alda succédant à Sutherland, et qui diffusée entre 1972 et 1983, connaîtra un grand succès également.

Je n’ai jamais entendu de commentaires négatifs sur MASH, je ne connais personne qui m’ait dit que le film n’était pas terrible. Soit on connait et on aime, soit on ne connait pas du tout.
Le film pourrait souffrir d’un petit côté vieillot, (1970 quand même), mais personnellement j’adore cette époque.

MASH est un très bon film, il est drôle. Il est touchant sans verser dans la sensiblerie.
C’est l’esprit carabin dans le bon sens du terme. C’est Eros et Thanatos.
99% Eros, 1% Thanatos.
Asclépios et Dionysos qui trinquent après avoir bien bossé.
Je l’ai vu plusieurs fois, la première j’étais encore au lycée. Je l’ai redécouvert avec bonheur pendant mon externat. Je l’ai fait découvrir à mes potes quand on était internes.
Discours de vieux con, des films comme ça on en fait plus.

trailer du film

chanson du générique de début « Suicide is painless »

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Un commentaire sur “MASH, 1970, Robert Altman

  1. John Snow
    18 mars 2012

    Des films comme ça, on en fait encore. Mais des films comme ça sur un tel sujet traité comme ça, c’est clair qu’il n’y en a pas beaucoup.
    Tu dis qu’il est vieillot? Il a un côté très actuel, au contraire. J’aime son petit côté libertaire et subversif, très pragmatique.
    Il n’y a pas de message, tu dis? Et s’il disait juste que nous devrions faire le plus beau métier du monde?

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Cette entrée a été publiée le 18 mars 2012 par dans Art Cinéma Musique, et est taguée , , , , , , .

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