L’anticoagulation devenue la pierre angulaire de la médecine cardiovasculaire conserve un risque important d’accidents hémorragiques par surdosage mais déjà dans la zone thérapeutique efficace.
L’anémie aigüe est la première complication à redouter, et doit être dépistée tôt, mais ce n’est pas la seule.
On peut différencier les circonstances (traumatiques/spontanés), terrains (pathologie de l’hémostase/traitement anticoagulant) et localisations (superficiel/profond).
Les hématomes superficiels post traumatiques sont fréquents et nécessitent peu de thérapeutique en eux-même, c’est souvent le traitement de la fracture sous-jacente qui prime, mais la présence d’un hématome conséquent imposera une surveillance pour éviter des syndromes compressifs.
Les hématomes superficiels spontanés sont rares et surviennent sur des pathologies de l’hémostase ou sous anticoagulants souvent déséquilibrés ou en association ce qui majore le risque hémorragique. Ils ne nécessitent d’être drainés qu’en cas de menace cutanée qui aboutirait à une nécrose et une évolution ulcéreuse à cicatrisation très lente et fort risque de surinfection.
Des complications plus physiques, si elles n’engagent pas le pronostic vital, peuvent avoir des conséquences fonctionnelles , esthétiques et nécessiter de longs soins de récupération. Tout ceci avec le risque de récidive de l’accident puisque ces complications physiques ne sauraient à elles seules remettre en question la prescription de l’anticoagulant (contrairement à une hémorragie massive anémiante).
Il s’agit principalement d’hématomes des parties molles, sous-cutanés en zones de peau mince (dos de la main) ou fragilisées, chez un sujet âgé, sous anticoagulants. Il peut y avoir un traumatisme déclenchant mais il est souvent minime.
L’évolution naturelle va vers la constitution d’un épanchement sanguin important que la peau ne pourra tolérer longtemps. Ce volume, à la différence de la « diffusion » d’une perfusion de serum physiologique, ne pourra s’étendre loin en infiltrant le tissu cellulaire sous-cutané, et ne sera pas résorbé rapidement du fait de sa nature (il reste cependant moins dangereux que les accidents d’extravasation de produits toxiques qui sont redoutables).
La peau finira par se nécroser pour créer une voie de draînage par fistulisation qui arrivera trop tard laissant une perte de substance cutanée importante.
C’est donc la destruction du « plafonds » que l’on risque, mais aussi du « plancher » (à la main, les tendons extenseurs, les nerfs sensititfs) par compression-ischémie.
Une peau fragile avec défect important, sur un terrain peu propice à la chirurgie plastique réparatrice et c’est le développement d’une plaie ulcérée chronique, porte d’entrée idéale d’infection secondaire. Le risque d’adhérences et de perte fonctionnelle partielle existe aussi.
La conduite à tenir devant ces situations consiste en une mise à plat de l’hématome, évacuation des caillots, draînage de sécurité (parfois simplement par crins de Florence), la simple ponction-aspiration étant insuffisante.
Quand le toit cutané est nécrotique il faut l’exciser, et panser à plat avec des pansements gras légèrement compressifs en attendant l’hémostase et un début de bourgeonnement de la plaie, meilleur socle pour une couverture secondaire par greffe ou lambeau.
Ce genre d’accident peut paraître relativement secondaire mais chez un patient en perte d’autonomie, une telle plaie sur le membre supérieur dominant est synonyme d’invalidité et de dépendance accrue.
Les hématomes profonds post traumatiques surviennent en association à de multiples lésions en cas de traumatisme à haute vélocité et sont donc traités en fonction de celles-ci. Isolés, leur traitement va se rapprocher des hématomes spontanés, mais classiquement une indication chirurgicale était portée.
Parmi les hématomes spontanés, certaines localisations sont classiques : hématome du psoas, hématome des droits de l’abdomen.
Les hématomes profonds spontanés sont une pathologie peu fréquente, mais le risque de ces lésions est important, car l’augmentation des traitements anticoagulants amène forcément une fréquence accrue. Le diagnostic n’est pas toujours évident et donc le retard à la mise en route du traitement est souvent important. L’évolution vers un choc hémorragique est possible. L’attitude thérapeutique peut varier entre une surveillance accrue en corrigeant les troubles de l’hémostase, la transfusion d’une anémie majeure, une procédure de radiologie interventionnelle si une fuite active artérielle est objectivée, voire un traitement chirurgical (mais beaucoup moins).
L’hématome du muscle ilio-psoas a la particularité de ne pas être visible de l’extérieur puisque c’est un muscle qui est rétropéritonéal, mais interne, en dedans de la colonne vertébrale lombaire sur laquelle il commence à s’insérer par le psoas, et sur l’aile interne du bassin ou ilion. La symptomatologie est assez variable entre une douleur abdominale de la fosse iliaque, une irradiation névralgique à la cuisse avec déficit moteur/sensitif pas forcément important par la compression du nerf fémoral, voire un tableau subischémique du membre inférieur. L’abondance ou la rapidité de l’hématome peut se traduire par une anémie ou un choc hémorragique. Cet accident est l’apanage du sujet âgé, sous traitement anticoagulant notamment en surdosage d’antivitamines K, mais aussi héparines. Je n’ai pas d’information si ces hématomes sont décrits plus ou moins souvent avec les anticoagulants oraux directs, plus modernes. L’association de différents anticoagulants, une insuffisance rénale chronique avec risque d’accumulation dans le sang majore le risque.
–
–
Sources et références :
Soft tissue haematoma, Thigh et 2d exemple, Radiopaedia
Soft tissue haematoma, Knee, Radiopaedia
Encapsulated haematoma, Lumbar region, Radiopaedia
Rectus sheath haematoma, Radiopaedia et 2d exemple, Radiopaedia
Hématome pulmonaire secondaire au traitement anticoagulant
Cliquer pour accéder à 133410199.pdf
Atlas TDM des Urgences Abdominales non traumatiques : Hématome du psoas
Ilio-psoas hematoma in the intensive care unit: a multicentric study
–
Voir aussi sur le site :
–
je suis comme anti coagulant avec xarelto j’ai des hematome sur le dos des mains et les bras. y a t’il un produit pour eviter ce probleme.
Question intéressante et je comprends bien votre problème. Ces nouveaux anticoagulants sont arrivés avec beaucoup de réserve de la part des urgentistes et anesthésistes/réanimateurs et un enthousiasme sans doute pas uniquement « pour faire avancer la médecine » par les cardiologues. Finalement la situation actuelle n’est pas aussi catastrophique que redoutée, ces anticoagulants sont assez stables, certes des accidents majeurs voire fatals arrivent mais ils arrivaient aussi (et même plus avec des AVK).
La présence d’écchymoses ou d’hématomes de petits volumes un peu diffus, en sous-cutanés, n’est pas considérée comme un accident des anticoagulants, à peine comme un effet indésirable, il n’y a pas de dénomination en fait. Je ne connais pas de produit ou de méthode permettant d’éviter de les avoir. Il n’y a pas beaucoup de modulation de la dose des AOD, et elle se fait uniquement vis à vis de la fonction rénale (clairance de la créatinine sur une prise de sang). Pour Xarelto comme pour Eliquis et Pradaxa il y a 2 dosages possibles, mais ça ne change visiblement pas le problème.
Il faut toujours vérifier que le patient ne soit pas en insuffisance rénale chronique ce qui risque de contre indiquer ces médicaments, auxquels cas ces signes mineurs peuvent être des signes d’alarme. Mais en pratique des gens bien anticoagulés à fonction rénale normale présentent des marques cutanées au moindre choc et même spontanément.
Sans vouloir vous inquiéter, le gros problème qui persiste c’est une absence de réel antidote en cas de surdosage avec ces produits ou d’accidents hémorragiques majeurs. Qu’on ne se leurre pas, les accidents sous les anciens anticoagulants AVK ne se gèrent pas de façon miraculeuse non plus.