L’hyponatrémie c’est rarement une urgence, mais c’est une constatation hyper fréquente aux urgences. En fait pour être sûr de ne pas en voir, il faudrait arrêter de demander des iono, ce qui en pratique n’est pas possible (et pas souhaitable non plus). Hors hyponatrémie profonde symptômatique, le but du jeu devant une hyponatrémie c’est de comprendre grossièrement le mécanisme pour donner l’orientation pour sa correction future en fonction de l’orientation du malade.
Sommaire
De l’hyponatrémie il n’y en a pas vraiment. La plupart des hyponatrémies de constitution lente sont plutôt bien tolérées et donc il n’y a pas de manifestations spécifiques. Le mécanisme à l’origine peut être symptômatique mais là encore c’est la vitesse de constitution qui produit les symptômes.
On observe des signes généraux, une asthénie, un faiblesse généralisée, anorexie, nausées, confusion ou pseudo démence chez le sujet âgé, céphalées, troubles de l’équilibre, troubles de l’humeur. Bref tous les signes qu’on aime bien analyser en urgence …
Les signes de la maladie causale sont observés en cas de syndrome oedémateux (ou d’insuffisance d’organe connue) ou au contraire de déshydratation. Mais un certain nombre d’hyponatrémies se voient sans modification de la volémie (SIADH).
L’hyponatrémie profonde entraine assez facilement des convulsions voire un coma.
Baisse de la natrémie … étonnant non ?
< 135 mmol/l , modérée entre 130 et 135 et profonde < 120
Ceci reste valable pour la plupart des laboratoires, les normes varient très peu. Je précise parce qu’on a souvent l’habitude en urgence de minorer les variations de valeurs biologiques quand on a pas à intervenir directement dessus. Une natrémie à 132 par exemple c’est déjà une hyponatrémie et une semaine plus tard, elle peut se casser la figure à 127, d’ici 1 mois devenir profonde à 110 etc.
Bon évidemment il faut recontrôler des chiffres perturbés surtout en cas de découverte fortuite, pas en urgence (à la différence d’une hyperkaliémie) sauf hyponatrémie profonde « non attendue ».
Le reste du ionogramme n’est pas aussi informatif. Le chlore suit généralement le mouvement du sodium. La créatinine permet de repérer une insuffisance rénale même si elle ne permet pas de trancher entre insuffisance rénale fonctionnelle par déshydratation ou hyperhydratation. La valeur normale évoque l’hyponatrémie à secteur extracellulaire normal.
La protidémie, les triglycérides sont informatifs puisque élevés ils peuvent donner des pseudo hyponatrémies. La glycémie renseigne sur les fausses hyponatrémies en fonction de la tonicité plasmatique hyperglycémie vs certaines intoxications etyhylèneglycol, methanol, ethanol). Il faut donc toujours calculer la natrémie corrigée (le bilan lipidique est exceptionnellement demandé en urgence).
Na c = Na m + 0,3 × (Gly – 5) en mmol/l ou + 1,6 × (Gly – 1) en g/l
Na c = Na m + 0,025 × P si P > 80 g/l
Na c = Na m + 0,2 × Tri en g/l
Le calcul de l’osmolarité plasmatique permet de confirmer qu’il s’agit bien d’une hyponatrémie, l’osmolarité est alors abaissée < 280 mmol/L contrairement aux fausses hyponatrémies où elle est normale (hyperprotidémie, hyperlipidémie) ou augmentée (hyperglycémie) :
⍵ p = Na × 2 + Urée + Gly
L’analyse du ionogramme urinaire avec la natriurèse permet de repérer les pertes rénales (Na u > 20-30 mmol/l) ou extra-rénales (Na u < 20-30 mmol/l). La mesure de l’osmolarité urinaire permet de détecter une réponse rénale adaptée (< 150 mmol/l) ou non (> 150 mmol/L).
⍵ u = 2 ×(Na + K) + Urée (≃600-800 mOsm/kg eau)
Et oui on peut analyser le iono u sur un échantillon comme un ECBU, pas besoin de recueil des 24h.
Un tableau particulier : insuffisance surrénale aiguë : hyponatrémie, hyperkaliémie, +/- hypoglycémie.
Le classement en hyponatrémies de dilution, déplétion n’est pas forcément si clair ou toujours si stéréotypé que ça. Il est plus simple de distinguer les origines en fonction du volume extra-cellulaire ce qui permet de guider le traitement dans les premières 24 h. Passé ce délai il est toujours possible de raisonner sur le mécanisme à l’origine de l’hyponatrémie et de recontrôler les bilans pour éviter de faire des con…
Excès relatif d’eau par rapport au NaCl avec défaut d’excrétion de l’eau : insuffisance cardiaque, cirrhose, syndrome néphrotique. Osmolarité urinaire inadaptée > 150. Signes cliniques d’hyperhydratation extracellulaire (oedèmes, prise de poids, ascite, dyspnée).
A volume extracellulaire diminué : rapport urée/créatinine plasmatique > 100 mmol/l par pertes rénales ou extra-rénales (digestives, cutanées, respiratoires). La perte de NaCl se fait plus vite que la perte d’eau. L’osmolarité urinaire est augmentée > 150 inadaptée. Signes cliniques de déshydratation extracellulaire (perte de poids, pli cutané, tachycardie, hypotension orthostatique)
Na u < 30 : fuite extra-rénale : diarrhée, vomissement, fistule digestive, brûlures étendues, dermatose bulleuse, sudation d’effort prolongé, 3ème secteur (occlusion intestinale, pancréatite)
Na u > 30 : fuite rénale : diurétiques (en particuliers thiazidiques), insuffisance surrénale aiguë, néphropathie tubulo-interstitielle
Hyperhydratation intracellulaire pure, volume extracellulaire normal. Examen clinique peu perturbé.
Capacité de dilution du rein dépassée, apport d’eau sans apport de sel ni protéique : potomanie, intoxication à l’eau, syndrome des buveurs de bière, perfusion de solutés hypotoniques. Osmolarité urinaire adaptée < 150 mmol/l, urines très claires.
Cause endocrinienne : insuffisance surrénale chronique, hypothyroïdie
SIADH Syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone anti-diurétique (syndrome de Scharz Bartter) : Osmolarité urinaire > plasmatique.. Fréquent mais diagnostic d’exclusion : causes pulmonaires (pneumopathie, cancer à petites cellules), neurologiques (traumatique, infectieuse, vasculaire, delirium tremens, …), tumorales (poumon, tube digestif, pancréas, urologiques, ORL), médicamenteuses (psychotropes notamment antidépresseurs type inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, chimiothérapie, AINS, IPP, …), post-opératoire, exercice prolongé.
Sérum salé hypertonique 3% en perfusion continue courte avant recontrôle. Prudence dans la vitesse d’administration pour éviter la myélinolyse centropontine. Idéalement surveillance en soins intensifs.
Apporter 2 g NaCl en 3 heures (10 ml NaCl 20% ou 30 ml NaCl 5,8% ou plutôt 60 ml NaCl 3%) puis débit adapté selon natrémie sans excéder 12 mmol dans les premières 24 heures.
Le furosémide peut être associé pour accélérer la remontée mais reste plutôt une prescription de réanimation.
Le traitement est stoppé dès que la natrémie atteint 130 mmol.
Le traitement symptômatique associé peut utiliser la ventilation mécanique, les anti-épileptiques.
La suspicion d’insuffisance surrénale aiguë ou chronique doit être traitée par hydrocortisone alors que les corticoïdes paraissent contre-indiqués dans les autres situations d’hyponatrémie. En cas d’IS aiguë le remplissage doit être important avec apport glucidique.
Restriction hydrosodée (restriction hydrique importante et apports sodés modérés). Eventuellement diurétiques pour la relance de la diurèse ou de syndrome oedémateux symptômatique en particulier cardiaque, dans ce cas il faut parfois de grosses doses surtout si une insuffisance rénale est présente.
Calculer le déficit sodé : 1 g NaCl = 17 mmol Na
1 l serum physiologique 9‰ = 153 mmol
déficit Na mmol = 0,6 × poids × (140 – Na)
déficit en ml serum phy 9‰ = 3,9 × poids × (140 – Na)
Réhydratation oral ou IV par apport de NaCl 6 à 9 g/24h. Peut être utilisé en cas de doute sur la volémie sous forme de traitement d’épreuve. Arrêt des diurétiques. Traitement étiologique des pertes. Garder à l’esprit que l’apport de sérum physiologique apporte également une grande quantité de chlore qui au long cours finit par être délétère pour le rein. Autrement dit passé l’hypovolémie aiguë privilégier des solutés plus balancés voire la réhydratation orale quand c’est possible.
Restriction hydrique sévère 750 ou 500 ml/j. Sans restriction de sel, voire apport de sel supplémentaire par jour.
Médicament : vaptans (antagonistes spécifiques non peptidiques des récepeurs de l’hormone antidiurétique ou aquarétiques) utilisation dans le SIADH ou hypervolémie sur prescription spécialisée.
Ellrodt A, Hyponatrémie, Urgences médicales, Estem
Godeau P, Hyponatrémie, Traité de médecine, Flammarion
Passeron A, La revue du praticien, médecine générale, mai 2014
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conférence d’internat de Néphrologie sur l’hyponatrémie
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— Josh Farkas (@PulmCrit) September 8, 2015