thoracotomie

petite encyclopédie de l'urgence

Lithiase urinaire : colique néphrétique simple, fébrile et hydronéphrose

colique nephretique hydronephrose

hydronéphrose sur une pièce autopsique d’un rein coupé en 2 avec dilatation des cavités pyélo-calicielles

Pathologie fréquente des urgences dont le diagnostic est généralement assez simple mais qui posait le problème autrefois d’une pris en charge un peu trop légère et qui se trouve surexplorée à l’heure actuelle.

L’accumulation de certaines substances charriées par la filtration rénale aboutit à la formation de lithiase, de calculs qui deviennent impossible à évacuer sans mise en tension de la voie excrétrice urinaire.
La douleur extrèmement vive de la crise de colique néphrétique est directement liée à cette lutte de la paroi de l’uretère contre un obstacle dur avec pression de l’urine en amont qui s’accumule.

Sommaire

Diagnostic

Positif

La grande crise classique de colique néphrétique est une douleur très brutale, et intense chez un patient qui n’a pas spécialement d’antécédents, à point de départ lombaire à irradiation descendante dans le flanc vers l’aine. Le qualificatif frénétique est lié à l’absence de position antalgique pouvant soulager le pauvre malade, il y a donc un certain degré d’agitation et parfois même une agressivité verbale liée à la douleur et l’impression de ne pas être pris en charge par les soignants. Ce dernier critère (bien que pas toujours très facile à gérer) est assez précieux dans les formes atypiques pour faciliter le diagnostic.
C’est donc une maladie fréquemment rencontrée chez un patient jeune, plus souvent observée en période estivale, chez un malade qui reconnait à posteriori s’hydrater assez peu. Il peut y avoir un terrain familial avec des familles de lithiasiques.
Il est illusoire d’examiner longtemps un patient en pleine crise de colique néphrétique et ça n’a d’ailleurs pas grand intérêt, le diagnostic peut être fait en 1 minute, le traitement antalgique est à entreprendre au plus tôt (aucun intérêt d’obtenir un échantillon urinaire pour confirmer le diagnostic avant traitement). En outre il ne faut pas trop s’attarder sur l’examen de l’abdomen avant traitement car de par la douleur, il existe une fausse défense voire une pseudo contracture. Une fois le patient soulagé, l’examen doit être refait pour confirmer la suspicion diagnostique et éliminer les diagnostics différentiels d’abdomen aigu. De toutes façons l’analgésie ne supprime pas totalement la douleur et l’examen n’est donc pas faussé par un quelconque antalgique.

Il n’y a pas besoin réellement de beaucoup d’examens complémentaires dans une crise simple à la phase aiguë.
Une bandelette urinaire est toujours utile, pas forcément facile à obtenir chez un sujet qui boit peu et qui a reçu un anti-inflammatoire, elle montre des traces jusqu’à 4 croix de sang, rarement une hématurie macroscopique mais c’est possible même en absence d’anticoagulants. Elle peut déjà montrer une leucocyturie et présence de nitrites, mais la présence de sang fausse la réelle interprétation d’urines infectées. Si c’est une première crise et que ce n’était pas connu, ce n’est pas grave de pousser jusqu’à l’ECBU pour confirmer/éliminer une infection sur lithiase. Mais la BU n’a pas d’apport diagnostique très fort, il y a des faux positifs et des faux négatifs.
Comme on fait des prises de sang pour tout aux urgences, on peut faire prélever un bilan standard, et notant la leucocytose, le ionogramme, la créatinine sérique et la CRP. Si la CN fébrile aura vite une hyperleucocytose et un syndrome inflammatoire, les crises obstructives ne vont s’accompagner que très tardivement d’une insuffisance rénale biologique. Si on dispose de chiffres de comparaison, l’élévation de la créatinine est parfois très modérée au début de la crise. Resterait à définir un seuil à partir duquel on peut considérer qu’une créatininémie haute est suspecte, ça paraît peu probable d’obtenir quelque chose de très valable au niveau diagnostique.
Le dosage du calcium et de l’acide urique n’ont pas d’intérêt en urgence.

Dans les autres cas la crise sera compliquée d’obstruction qui menace par augmentation de la pression en amont, de détruire le parenchyme rénal (hydronéphrose), et secondairement d’infection urinaire, la stagnation des urines et la nature de la lithiase favorisant la prolifération bactérienne, autre cause de destruction rénale et de septicémie.
Une colique néphrétique fébrile (qui plus est en choc septique), accompagnée d’insuffisance rénale ou persistante sur plusieurs heures d’autant plus que l’antalgie n’est pas efficace doit faire pratiquer une échographie pour rechercher la dilatation des cavités pyélo-calicielles, et une urographie intraveineuse ou actuellement plutôt un uroscanner qui permettent en plus la visualisation du siège de l’obstacle avant traitement urologique.

Différentiel

Il est finalement assez vaste, même si la crise classique est assez stéréotypée et ne doit pas faire peur systématiquement d’une autre pathologie, il faut quand même se méfier :

Formes particulières

Dans la présentation clinique :

  • forme peu douloureuse ou douleur moins exprimée, et pas sur un versant frénétique, notamment chez la femme : pyélonéphrite au stade tout débutant ?
  • confusion et douleur non reconnue par le soignant chez le sujet très âgé, dément, handicapé
  • intolérance alimentaire et vomissements au premier plan voire pseudo occlusion intestinale
  • douleur non migratrice isolée du flanc ou de la fosse iliaque en imposant pour une appendicite, sigmoïdite, douleur d’origine gynécologique
  • hématurie au premier plan
  • gêne mictionnelle devant la douleur orientant faussement vers une infection urinaire

Coliques néphrétiques non lithiasiques

Compression pelvienne ou rétropéritonéale d’origine tumorale, compression lors de la grossesse, par volumineux kyste ovarien, potentiellement tout syndrome de masse du pelvis peut engendrer des douleurs de colique néphrétique par compression de voisinage

Lithiase vésicale et urétrale

Symptômatologie beaucoup plus bas située, volontiers plus en trouble mictionnel qu’en douleur, rarement responsable d’hydronéphrose

calcul uréthral en échographie

Imagerie

Radiographies

L’abdomen sans préparation ne montre que les calculs radio-opaques, difficiles à différencier de phlébolithes surtout au niveau pelvien, on voit parfois un calcul dans l’axe de l’uretère, c’est assez difficile à confirmer. Faut pas trop compter dessus.

lithiase urinaire avec calcul pré vésical gauche difficile à visualiser sur le 1er temps d’une urographie intraveineuse

Echographie

L’échographie au cours de la crise « simple » n’a que peu d’intérêts, elle va montrer des signes de distension des cavités pyélocalicielles mais pas toujours, visualise parfois le calcul au niveau urétéral … mais pas toujours non plus. Elle est utile pour le diagnostic de colique néphrétique compliquée : fébrile, avec insuffisance rénale, persistante, et surtout dans les formes atypiques quand le diagnostic n’est pas certain.

Une échographie rapide aux urgences au lit du malade, peut permettre de confirmer rapidement le diagnostic. Il faut se méfier, on peut avoir une petite dilatation des cavités pyélocalicielles à droite dans une appendicite aiguë, on peut certainement en avoir aussi dans tout processus abdominal bas ou pelvien réalisant une pseudo-compression de voisinage.

Il n’est pas logique d’envoyer en Radiologie, un patient instable, qui ne peut pas exprimer clairement ses douleurs, ou non soulagé, d’autant plus que les explorations peuvent prendre beaucoup de temps pour un résultat médiocre.

Dans les recommandations, associer un ASP et une échographie entre la 12e et la 48e heure améliorerait le diagnostic dans les CN simples. C’est à mon avis très discutable, l’ASP n’a quasiment aucun intérêt sauf si c’est le seul examen d’imagerie par rayons X dont on pourra disposer avant plusieurs jours, et l’échographie bien faite se suffit pour dépister les CN à risques et faire surtout le diagnostic différentiel.

Didacticiel sur l’échographie des voies urinaires

dilatation pyélocalicielle gauche en échographie par obstacle lithiasique

hydronéphrose (P) et extravasation d’urine (F) au pôle inférieur du rein droit en échographie

twinkle artifact sur lithiase de la jonction urétéro-vésicale gauche

Scanner

Le scanner est devenu de par une disponibilité parfois plus simple que l’échographie, un examen fréquent dans le diagnostic de lithiase quand le tableau clinique est atypique ou de colique néphrétique par compression externe ou encore pour le diagnostic différentiel. Il a l’inconvénient d’être irradiant. L’injection de produit de contraste iodé donne de meilleures images mais n’est pas absolument nécessaire en urgence. Elle est utile dans les coliques néphrétiques compliquées nécessitant une prise en charge chirurgicale urologique. Il y a clairement une augmentation de la pratique des scanners abdominaux en urgence, qui ne saurait être remise en question vu le gain diagnostique apporté. Mais dans le chapitre de la lithiase urinaire (en urgence), si cliniquement le diagnostic est fait, le scanner est un examen trop coûteux/irradiant pour les renseignements qu’il peut apporter et ses indications doivent être pesées. Les politiques de limitation d’irradiation par scanner sélectif (par région par exemple) ne peuvent pas être appliquées ici puisqu’il convient de visualiser l’ensemble de l’arbre urinaire, l’irradiation ne peut donc être modulée.

hydronéphrose droite majeure sur lithiase obstructive

Le scanner objective quasiment toutes les lithiases, sauf celles radio transparentes à l’indinavir qui est un inhibiteur de protéases.

hydronéphrose droite sur lithiase radio transparente à indinavir

Traitement

colique nephretique sonde JJ

extrémité d’une sonde urétérale dite double J ou sonde JJ utilisée pour la dérivation des urines dans les coliques néphrétiques compliquées

Médical

La crise de colique néphrétique va évoluer favorablement dans une grande majorité des cas. C’est à dire que le calcul va réussir à progresser le long de l’uretère, au prix de fortes douleurs certes, mais il sera évacué dans la vessie (et pas forcément uriné après, il peut stagner en intra-vésical mais au moins il n’est plus un obstacle).
Le traitement est donc là seulement pour soulager la douleur le temps que le calcul fasse son chemin. Ce temps n’est pas vraiment prévisible et souvent beaucoup de patients qui consultent en urgence, sont en train d’évacuer leur calcul au moment où ils arrivent. Les crises de CN à l’acmé de la douleur justifient tout à fait une prise en charge en urgence, et devraient idéalement bénéficier d’un circuit court pour être soulagées au plus vite. L’adressage en post-crise juste pour obtenir un bilan voire pire une échographie est un non-sens.

Même si les calculs urinaires se produisent chez des sujets qui boivent peu, la réhydratation n’a pas sa place en phase aiguë, déjà à cause des nausées induites par la douleur (ou la morphine). En parentéral, elle est même dangereuse car risquant de mettre encore plus de pression en amont de l’obstacle : elle n’a aucune chance de « pousser » le calcul plus loin, mais plutôt de faire souffrir le rein et la voie excrétrice. Il faut également faire attention au volume des perfusions lié à l’accumulation d’antalgiques utilisés. Sur les études qui se sont penchées sur la question, il n’y a pas d’effet bénéfique de l’hyperhydratation ni de la restriction hydrique. A titre personnel je trouve qu’une certaine restriction hydrique PO et IV reste logique : de toutes façons il s’agit de patients qui boivent déjà peu. Pour l’ECN, garder l’idée « boissons libres », tout en gardant à l’esprit qu’avoir soif peut être un témoin de déshydratation ou de pré-choc et qu’il s’agit d’une colique néphrétique qui se greffe dans un contexte particulier.

Les antispasmodiques n’ont quasiment aucun effet sur la douleur, ils sont donc à éviter. Le paracétamol a une action trop faible, et il risque de masquer un début de fièvre. Le tramadol n’est pas toujours bien toléré sur le plan nausées/vertiges, je préfère ne pas les utiliser dans cette indication.
Les anti-inflammatoires non stéroïdens en particulier le ketoprofène, par voie intraveineuse aux urgences (et intramusculaire en dehors de l’hôpital) utilisé depuis très longtemps dans cette situation, ont une efficacité indiscutable. Il y a peu de problème à les utiliser puisqu’on ne reconduira pas cette prescription donc même utilisable chez le patient aux antécédents d’ulcère gastroduodénal, au pire on donnera un IPP associé (sauf en cas d’allergie à l’aspirine et aux AINS évidemment)
Les morphiniques et notamment la morphine par titration intraveineuse sont simples à utiliser, et à mettre en place vite si la douleur n’est pas du tout soulagée par les AINS ou immédiatement en cas de contre-indication, de grossesse ou de tableau hyperalgique. Le risque de dépression respiratoire est quasi nul et la titration diminue très nettement le risque de sédation. Il n’y a pas de plafond pour la dose maximale administrable dans une CN très douloureuse, même après la dose totale moyenne de 0,1 mg/kg. La notion comme quoi l’action de la morphine est néfaste sur la voie excrétrice n’est pas vérifiée en pratique.
Chez la femme enceinte chez qui cette pathologie est assez fréquente, les AINS ne sont pas recommandés et même formellement contre-indiqués au 3ème trimestre. Il ne reste que la morphine utilisable.
En simplifiant, quand un patient (parfois impressionnant par l’intensité de la douleur) se présente, il est très facile de le soulager immédiatement par 1/du kétoprofène intraveineux (s’il n’est pas allergie à l’aspirine et aux AINS ce qui est rare) 2/par de la morphine titrée. Il n’y a aucun intérêt à temporiser, ça fait vraiment trop mal. Je ne suis pas toujours joyeux qu’on me mette le grappin dessus pour me demander de confirmer l’administration d’un médicament, mais dans cette situation c’est ok voire, on peut laisser l’équipe infirmière administrer déjà une dose de 100 mg de kétoprofène, il y a vraiment peu de risques par rapport au bénéfice escompté. A côté de ça un patient qui n’est pas hyperalgique, il est évidemment logique de le faire examiner médicalement avant l’administration d’antalgiques.

Les alphabloquants avec la tamsulosine sont maintenant souvent prescrits au décours de la crise, mais il n’y a pas d’AMM en France, en prescription d’urologues mais aussi du coup d’urgentistes. L’indication serait un calcul < 10 mmm, ce qui est vaste parce qu’un calcul d’1 cm c’est sûr qu’il ne va pas passer tout seul, et pour autant on voit aussi des calculs de moins de 4 mm accrocher durablement au méat urétéro-vésical. Il n’y a donc en vérité que peu de réelles indications, peut être un effet de réassurance (du patient et du prescripteur « vous allez voir, avec ça, ça va passer »).

La nifédipine a été décrite aussi dans cette utilisation d’aide à l’évacuation du calcul, mais son usage parait difficile vu que ce médicament a été retiré de la panoplie des antihypertenseurs courants du fait de la baisse trop rapide de pression artérielle.
Que ce soient pour les α-bloquants ou les inhibiteurs calciques, les dernières études ne montrent pas de supériorité par rapport à un placebo.

Une crise qui évolue bien et qui a été soulagée par le kétoprofène, qui a un bilan normal, non fébrile, et chez un patient valide sans comorbidités n’a pas besoin de son exploration initiale et peut être différée à 48h sans problèmes. Sous réserve qu’on explique ce que le patient doit surveiller et qu’il revienne si problème, et qu’une écho en externe soit facilement accessible ce qui est impossible à promettre la nuit en garde et devenu très difficile à organiser pour les patients avec les services de Radiologie.

Chirurgical

calcul urétéral, sonde JJ en place en échographie

sonde JJ gauche sur reconstruction 3D scanner

En cas de forme compliquée le traitement est alors chirurgical pour extraire le calcul bloqué s’il est accessible (souvent assez bas situé à la jonction urétéro-vésicale) par urétéroscopie (introduction d’un endoscope urologique par les voies naturelles).
Dans le même temps on laissera souvent en place une fois le calcul évacué, une sonde double J qui assure un libre passage des urines depuis les cavités pyélo-calicielles jusqu’à la vessie, ou en cas de lithiase trop haut située avant une lithotripsie. Cette sonde sera changée ou retirée totalement avant 3 semaines.

La chirurgie « à ciel ouvert » est devenue exceptionnelle, pour de gros calculs qu’on ne peut pas fragmenter sous endoscopie et situés dans les cavités rénales. La rupture de voie excrétrice sur lithiase est devenue exceptionnelle, le traitement n’est pas forcément chirurgical.

En cas de situation très menaçante pour le rein, on peut être amené à faire une dérivation des urines par néphrostomie percutanée en radiologie interventionnelle, pour soulager la distension des cavités rénales.

radiographie d’abdomen : pose de sonde double J gauche avant retrait de la sonde de néphrostomie gauche

L’antibiothérapie des formes fébriles se fait en parentéral en hospitalisation, et utilise des antibiotiques à visée urinaire type fluoroquinolones ou céphalosporines de 3ème génération, éventuellement avec dose adaptée au poids d’aminoside. Ces situations sont un peu délicates et du ressort d’équipe spécialisée vu la néphrotoxicité des quinolones et aminosides et le contexte à risque d’insuffisance rénale.
Les coliques néphrétiques avec insuffisance rénale aiguë doivent faire traiter une hyperkaliémie menaçante avant le traitement de dérivation.

La lithotripsie ou lithotritie extra-corporelle est une intervention urologique non invasive qui va fragmenter les calculs à l’extérieur du corps par émission d' »ondes de choc », des ultrasons. Elle est proposée parfois pour traiter des coliques néphrétiques mais elle nécessite un appareillage spécial coûteux, et peut à elle seule induire des crises en réduisant un volumineux calcul en de plus petits qui bloqueraient plus bas dans l’uretère.

En dehors des crises

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Références

Prise en charge des coliques néphrétiques de l’adulte dans les services d’accueil et d’urgences , Prise en charge urologique des calculs rénaux et urétéraux de l’adulte , Prise en charge urologique des calculs rénaux et urétéraux de l’adulte mise au point , Physiopathologie de la colique néphrétique, Urofrance

Lithiase urinaire, Université de Montpellier et Université de Strasbourg

Nephrolithiasis, Medscape

Urolithiasis , Double J stent et Percutaneous nephrostom , Radiopaedia

Top 10 reasons NOT to order a CT scan for suspected renal colic (discussion sur l’utilisation croissante de l’uroscanner en urgence)

Unusual presentation of a regulation finding (cas clinique de lithiase urétérale passant inaperçue en échographie classique « vessie pleine »)

Medical expulsive therapy in adults with ureteric colic: a multicentre, randomised, placebo-controlled trial, The Lancet

Médias

Échographie d’une uropathie obstructive par calcul urétéro-vésical

Cure de lithiase urinaire par urétéroscopie

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