Motif d’admission fréquent, 1er diagnostic pour les urgences abdominales, l’évaluation classique très clinique de l’appendicite aiguë ou de sa suspicion s’est beaucoup modifiée avec l’apport de l’imagerie. Ceci afin de permettre un diagnostic de certitude et de ne pas sanctionner toute douleur abdominale de la fosse iliaque droite (FID) par une intervention inutile. Le traitement chirurgical a également été modifié depuis quelques années avec une place de plus en plus grande de l’antibiothérapie, dans les formes compliquées notamment mais aussi dans les appendicites aigües simples. Ce diagnostic reste un diagnostic difficile et doit amener le clinicien a de la prudence et une grande modestie dans sa capacité diagnostique juste par l’examen au moyen de ses mains.
Les questions auxquelles nous allons essayer d’apporter une réponse :
Il existe des scores de probabilité clinique, il existe un score pour tout de toutes façons : score d’Alvarado,sur 10, ou score MANTRELS comme moyen mnémotechnique (en anglais seulement), avec un seuil dès 5 ou 6 points. Sans le calculer c’est déjà ce qu’intuitivement beaucoup utilisent comme probabilité clinique.
Sur le plan anatomopathologique, l’appendice peut présenter un aspect simplement enflammé (appendicite catarrhale), une infection de la paroi (appendicite suppurée) avec micro-abcès (appendicite pseudo phlegmoneuse) ou collection endoluminale (empyème appendiculaire), une ischémie pariétale (appendicite gangréneuse) ou compliquée par extension péritonéale.
Classiquement, hyperleucocytose modérée et élévation de la CRP, puisque le processus est généralement bactérien. Mais en pratique on voit quasiment tout. L’association cependant d’une normoleucocytose et d’une C Reactive Protein doit faire reconsidérer le diagnostic si le tableau clinique n’est pas typique. Je n’ai pas d’idée des valeurs de procalcitonine en aide au diagnostic dans cette pathologie. Le nombre de polynucléaires neutrophiles > 75% est aussi un critère intéressant.
Présence de leucocyturie sans nitrites à la bandelette, qui a peut être une valeur pronostique sur le risque de complications. D’autres anomalies sont possibles, en particulier la cétonurie liée au jeûn ou vomissements (isolée sans glycosurie), mais doivent elles aussi faire vérifier qu’il ne s’agit pas d’un des diagnostic différentiel (β-HCG toujours).
N’a quasiment plus de valeur diagnostique, même pour les signes d’occlusion et le pneumopéritoine dans les appendicites compliquées. Peut rarement visualiser un stercolithe, on voit souvent un pseudo petit niveau d’ileus en FID, un encombrement stercoral du colon droit (plus fréquent dans l’appendicite que dans les affections la simulant). Même dans le diagnostic différentiel pour une colique néphrétique avec enclâvement du calcul dans le méat urétéral, la visualisation n’est pas si évidente et peut se confondre avec des phlébolithes pelviens.
Il y aura bientôt un article dédié.
En résumé : bonne sensibilité et spécifité (décrite comme inférieure au scanner elle ne l’est sans doute pas tant que ça avec le perfectionnement des machines). Examen en priorité chez les enfants et la femme enceinte. En réalité, chez tout patient mince qui ont une bonne visibilité en échographie. Difficile à obtenir à certaines heures de garde, parfois aussi pour les suspicions plus faibles en cabinet en dehors des urgences. Toute l’ambiguité est de pouvoir faire un bon diagnostic qui se suffit à lui même dans les formes simples mais c’est là où l’appendice peut être difficile à voir, alors que dans les appendicites compliquées, l’écho ne loupe pas mais n’est plus assez précise et ces abdomens aigus rentrent plus dans le cadre des bilans par scanner. La participation de radiologues de bonne volonté au diagnostic de l’appendicite en échographie est nécessaire mais difficile tant est l’évolution vers un « tout le monde au scanner ». A contrario il parait difficile de confier l’évaluation diagnostique à l’urgentiste d’une appendicite aiguë notamment du fait du manque de temps. Le diagnostic positif se base en échographie sur la reconnaissance d’une structure borgne, douloureuse au passage de la sonde, incompressible, à forme de cocarde, restant > 6 mm après compression, éventuellement accompagnée de petits signes d’inflammation locale (infiltration de la graisse adjacente, petit épanchement péritonéal, adénopathie isolée).
appendicite aiguë non compliquée en échographie, image en cocarde ou double couronne, grand axe à gauche, coupe transverse à droite
Le scanner abdominal peut être réalisé sans ou avec injection, en double voire en triple contraste (avec ingestion de produit et lavement opacifiant), à dose irradiante classique ou « low dose ». Il est à l’étude des scanners centrés sur une région précise afin de limiter l’irradiation dans le bilan de douleurs très localisées, mais ils ne sont pas à ma connaissance déjà en application. Les signes recherchés au scanner sont une augmentation du diamètre de l’appendice > 7 mm, une infiltration de la graisse péritonéale, la présence d’un stercolithe, une complication en abcès, épanchement péritonéal localisé, signes de perforation, et le diagnostic différentiel « digestif » (iléïte avec sténose, fistule).
Le débat actuel se pose entre le perfectionnement des images et donc l’utilisation de contraste iodé et la recherche de la moindre inocuité possible du fait des risques d’allergie à l’iode, d’insuffisance rénale induite et d’irradiations répétées.
Une étude a montré un diagnostic très fiable de l’IRM couplée à l’échographie pour améliorer la sensibilité de l’examen chez l’enfant et éviter le recours au scanner irradiant. Ceci n’apparait clairement pas applicable en routine devant le manque d’appareils d’IRM et du manque de disponibilité, et du temps d’examen en urgence.
Classiquement on laisse le patient à jeûn dans l’hypothèse d’une intervention imminente. Pour les appendicites aigües simples, on peut souvent faire hospitaliser le patient et programmer l’intervention le lendemain, sans nécessaire antibiothérapie parentérale (sauf signes septiques importants), et autoriser l’alimentation le soir en respectant le jeûn pré-opératoire suivant l’heure attendue de l’opération. La voie veineuse est une sécurité, permet une légère réhydratation, l’administration d’anti-émétiques, d’antalgiques de première ligne (paracetamol, antispasmodiques) ou de morphiniques en cas de douleur intense (qui ne modifient pas l’examen clinique et donc la décision opératoire comme on l’a longtemps cru). L’appendicite aiguë chez les patients jeunes semble être repérée précocément et donc traitée avec peu de complications, s’orientant vers une hospitalisation courte (certains proposent même l’appendicectomie en ambulatoire). Chez la personne âgée, la fréquence des appendicites est en augmentation avec risque accru de complications et de décès (retard diagnostique ?) et donc impose une surveillance plus importante.
Le traitement chirurgical reste un traitement classique des formes simples et compliquées de l’appendicite. Le taux d’appendicectomies a été pendant très longtemps plus fort en France que dans les autres pays européens. La technique utilise la coelioscopie ou une laparotomie de petite taille en fosse iliaque droite en cas d’appendicite non compliquée. Pour les plastrons et péritonites, la voie d’abord varie selon la gravité du tableau et les habitudes du chirurgien. Chez l’enfant, la voie d’abord par mini laparotomie est parfois remplacée par une « open-coelio » mais il existe un risque plus grand de complications à réaliser une coelioscopie classique chez le jeune enfant.
Le traitement pré-opératoire pour une appendicectomie est une « réanimation » légère, l’antibioprophylaxie étant en général très courte, 24h, pour accompagner le geste chirurgical, dans une appendicite non compliquée.
De nombreuses études se sont penchées sur un traitement conservateur des appendicites non compliquées, à base d’antibiothérapie comme dans les sigmoïdites diverticulaires non abcédées. Leurs résultats sont loin d’être mauvais, mais elles présentent un risque de récidive plus grand. C’est un peu évident, parce qu’une récidive après une appendicectomie théoriquement ça ne peut pas arriver, sauf que le moignon enfoui s’il est laissé trop long peut se réinflammer. Donc les récidives dans les groupes avec traitement sans chirurgie présentaient des tableaux statistiquement plus évolués et sur court terme. Ainsi le gain en terme de réduction des risques opératoires et des complications post-chirurgicales est difficile à percevoir réellement. Il sera sûrement encore difficile d’expliquer cela clairement aux parents d’un enfant présentant une appendicite aiguë, tant est ancrée dans l’esprit la gravité potentielle de l’affection. C’est moche à dire, mais beaucoup de parents (et même des adultes qui ont été opérés) vivent mieux le fait d’avoir eu une appendicectomie « blanche » (qu’on ne leur avoue jamais vraiment) que de supporter le risque du traitement conservateur. Il est difficile également d’argumenter des complications tardives de l’intervention comme donnée à rentrer dans l’équation.
L’autre problème que pour l’instant je n’ai pas vu évoqué dans les études que j’ai lu sur le sujet, c’est la nature exacte de l’antibiothérapie, sa forme, sa surveillance, et le risque de séléction d’antibiorésistance. Les antibiotiques à large spectre sont déjà prescrits de manière excessive, en particulier en urgence, il me parait donc fondamental de réfléchir à cette problématique. On ne devrait pas autoriser la sortie d’une appendicite aigüe simple avec antibiotiques per os sans évaluation précise et sans concertation (physique pas par téléphone) avec le chirurgien. Ce qui est compliqué aussi, parce que antibiotiques et chirurgien, en général …
Bref c’est une solution thérapeutique qui peut sûrement être intéressante mais qui ne paraît pas applicable de manière isolée et sans suivi très précoce pour éviter les récidives compliquées. Il faut sûrement préciser quels patients sont susceptibles de pouvoir en bénéficier et quels patients sont au contraire à risque d’avoir des complications. La politique de santé concernant les bilans précis d’appendicite a vu depuis des années en France la réduction considérable du nombre d’appendicectomies « blanches » c’est à dire avec appendice normale lors de l’exploration chirurgicale. Il est sûrement difficile de les réduire encore et il ne faudrait pas passer d’une attitude extrême du « tout chirurgical » à de l’antibiothérapie systématique.
La péritonite d’origine appendiculaire nécessite une réanimation, un abord chirurgical choisi selon la gravité de la situation, l’appendicectomie systématique, le lavage de la cavité péritonéale avec exérèse des débris et fausses membranes, et éventuellement un drainage qui est discuté. La péritonite localisée, le plastron appendiculaire peuvent même parfois être traités par antibiothérapie initiale et appendicectomie différée, car la difficulté opératoire à la phase initiale entrainait un lot de complications non négligeables et des résections iléo-coliques injustifiées.
L’abcès appendiculaire a un traitement un peu différent : abcès de petite taille ou phlegmon, le traitement antibiotique est initialement intraveineux puis per os et une appendicectomie peut être réalisée 1 mois après. Pour les abcès de plus grande taille, le drainage peut être percutané à la phase initiale accompagné par antibiothérapie intraveineuse et le patient peut sortir avec le cathéter en place, l’appendicectomie sera différée après la fermeture de la fistule. Pour les abcès complexes multi-cloisonnés il faut parfois une chirurgie précoce de drainage.
L’intervention chirurgicale peut elle même se retrouver compliquer par des abcès de paroi, des abcès profonds notamment du cul de sac de Douglas, des fistules du moignon appendiculaire, des péritonites nosocomiales, et plus tardivement les occlusions intestinales sur bride.
A ma connaissance, on ne peut pas prévenir l’appendicite, ce n’est pas forcément mieux de l’avoir fait dans l’enfance pour être tranquille après puisqu’on voit des complications occlusives des dizaines d’années après l’intervention. J’ai vu dans un des textes médicaux que j’ai consulté pour cette synthèse qu’un régime riche en fibres diminuant le temps de transit entrainait une incidence plus faible. Je n’ai pas la référence précise de l’étude là dessus, honnètement je ne pense pas que ça soit réellement prouvé, mais au moins c’est sûr que ce n’est pas mauvais pour la santé. On a pas spécialement prouvé que les patients ayant une constipation faisaient plus d’appendicites aiguës à l’âge adulte et senior. Les enfants qui font une appendicite aiguë n’ont pas de morphotype particulier, pas sûr que l’augmentation de la malbouffe et de la junk food augmente l’incidence des appendicites.
ECN Item 224, Appendicite aiguë, cours faculté de Strasbourg et Appendicite aiguë, cours faculté Montpellier Appendicitis , perforated appendix , Radiopaedia Suspicion d’appendicite chez les enfants et Antibiothérapie des appendicites aiguës chez les adultes , revue Prescrire 2010 Appendicectomie, éléments décisionnels pour une indication pertinente, HAS 2012 (texte court) Le traitement antibiotique au cours des appendicites aiguës. Revue systématique de la littérature , Revue tunisienne d’infectiologie Péritonites d’origine appendiculaire, Peut on traiter une appendicite aiguë par antibiotiques et dans quelles conditions ? , Chirurgie-viscérale.org Pourquoi le scanner dans l’appendicite et ses complications ?, présentation CHU Nancy
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http://twitter.com/KasiaHamptonMD/status/390923660040482816 http://twitter.com/Clinicamente/status/472376792792453120 http://twitter.com/History_Pics/status/517051010171166721
Appendicectomie par mini laparotomie
Coelioscopie pour appendicite perforée
j.aime les recherches ressantes et precises
surtout en medecine
Bel article
Je suis médecin généraliste en RDC,je suis ravi de ce article,mais chez nous les examens complémentaires posent problème,nous sommes plus cliniciens.Veuillez nous partager vos expériences sur Les fistules Cæcales Post Appendicectomie.
C’est un des problèmes du site, donner beaucoup d’éléments d’examens complémentaires, alors qu’ils sont parfois difficiles à obtenir. Mais en France métropolitaine, à l’heure actuelle il n’est plus question d’opérer un patient, qui plus est un enfant sans avoir prouvé qu’il s’agisse bien d’une appendicite aiguë (les chirurgiens sont devenus assez frileux à ce sujet) hors diagnostic clinique évident. Paradoxalement l’échographie devient difficile à obtenir de la part des radiologues qui semblent se désintéresser de cette partie de leur pratique au profit des imageries en coupes (scanner et IRM). Je fais ainsi parfois du diagnostic clinique et une numération + CRP sans imagerie (en particulier le soir et la nuit). Mais je peux assez souvent obtenir une imagerie dans la journée qui suit.
L’autre biais c’est qu’en métropole, énormément de patients consultent pour des douleurs isolées sans altération de l’état général, fièvre ou autre « petit signe ». Il est parfois quasiment impossible cliniquement de dire s’il s’agit d’une appendicite toute débutante ou d’une douleur abdominale bénigne qui va passer toute seule. Et les patients ne sont pas spécialement patients, et veulent une réponse immédiate … Je pense que dans votre pays, on ne consulte pas pour rien, et que vous êtes forcément confrontés à des cas plus sévères qu’ici, parfois qui ont même trop tardé.
On peut espérer que dans l’avenir, des programmes de développement d’échographie aux urgences vous apportent un outil diagnostique précieux. Je vois à ce sujet quelques vidéos de promotion (venant des constructeurs d’échographe) mais je ne suis pas naïf et je sais bien que seulement les grands centres bénéficient pour le moment de ce soutien.
En ce qui concerne les fistules, malheureusement je n’ai pas d’éléments particuliers à vous apporter, on sort un peu du domaine de l’urgence qui est le mien, et donc ce genre de pathologies est bilantée en hospitalisation en chirurgie directement.
bonsoir mon mari vient d etre hospitalisé apres detection d’un plastron sur appendice les urgences rangueil toulouse ont été parfaites réactives une première echo au box n’a pas permis d’établir un diagnostic précis direction echographie plus pousé meme constat direction scaner tout ca fait par les urgences ou l a ils ont vu ce plastron donc decision du chir de le garder et de traiter par antibiothérapie a voir la suite je vous tiens au courant si vous etes intéressé merci de m avoir lu.
desole pour les fautes je viens de rentrer des urgences merci
je souhaite un rétablissement rapide pour votre mari
J Aime La Science,particulierement La Médecine.