thoracotomie

petite encyclopédie de l'urgence

Torsion de testicule et du cordon spermatique

torsion cordon spermatique testicule

exploration chirurgicale et détorsion du cordon spermatique

Prototype de l’urgence chirurgicale qui doit se gérer très vite et (quasi exclusivement) avec seulement l’examen clinique. Improprement appelée couramment torsion du testicule alors qu’il s’agit de la torsion du cordon spermatique sur lui-même entrainant en peu de temps une ischémie du testicule, d’abord réversible puis des lésions définitives.

Sommaire

Physiopathologie

Il n’y a pas de réel facteur déclencheur des torsions. Je réponds à la question parce qu’on me l’a déjà posé et non les activités sexuelles de coït et masturbation ne sont pas des facteurs déclenchant. L’âge de survenue est classiquement jeune avant 30 ans avec un pic à 13-14 ans (maximum des cas entre 12 et 18 ans), mais les observations isolées font état de torsion survenant à des âges assez variés. Le testicule gauche est dans les études plus souvent concerné. Il y a peut être un facteur de risque héréditaire s’il y a un antécédent de torsion dans les antécédents familiaux. Un traumatisme des bourses et des antécédents de torsion testiculaire ou des appendices de l’épididyme ainsi que d’autres maladies du scrotum peuvent prédisposer. Dans les études la fréquence est plus grande lors des saisons froides.
Bien que l’incidence semble malgré tout assez faible, elle reste le premier diagnostic à éliminer sur une douleur scrotale aiguë, chez un adolescent ou un adulte jeune. Sa probabilité est quasi nulle chez le senior chez qui la douleur scrotale est souvent la manifestation d’une orchi-épididymite bactérienne. Chez l’adulte, la torsion est associée à un risque tumoral important.

La torsion peut se produire dans la vaginale ou à l’extérieure de la vaginale du testicule. La torsion intra-vaginale semble être plus fréquente chez l’adolescent par une insertion anormalement haute de la vaginale sur le cordon spermatique (alors qu’à l’état normal, l’insertion sur le testicule sécurise et rend difficile les mouvements du cordon) ainsi qu’une fixation anormale sur le muscle cremaster et le fascia (Bell Clapper deformity). Cette insertion anormale est observée occasionnellement chez l’homme, des deux côtés et donc le risque de torsion peut être bilatéral. L’âge jeune de survenue semble lié à une croissance pubertaire différente entre testicule et cordon et contraction forte du muscle cremaster.
La torsion du nouveau-né semble répondre plutôt à une torsion extra-vaginale qu’intra-vaginale et est dûe à une grande mobilité du testicule qui non encore descendu n’est pas attaché à la vaginale. Elle est possible et même plus fréquente in utero.

L’angle de rotation de la torsion est variable, les symptômes apparaissent pour une rotation de 90° à 180°, la torsion étant complète à 360° et on observe des degrés allant jusqu’à 720°. L’occlusion veineuse entraine un engorgement et une ischémie artérielle avec risque d’infarcissement du testicule. Le temps est un facteur aggravant, et le délai d’intervention : dans les 6 à 8 heures il y a 90% de chances de récupération, au-delà de 24 heures la nécrose est souvent déjà installée. La règle des 6 heures de l’ischémie reste donc un repère pour évaluer la récupération mais ne peut suffire comme seul critère pour la décision d’intervenir. Les torsions dépassées aboutiront à la nécrose, un risque d’infection secondaire, une atrophie testiculaire, et un risque sur la fertilité.

Diagnostic

Positif

Dans une forme typique il n’y a pas trop de doutes à avoir, si l’âge de survenue est compatible et la douleur intense, violente, d’apparition brutale, localisée à la bourse et unilatérale. Il n’y a pas de fièvre ou en tous cas pas suffisamment pour expliquer le tableau clinique. L’examen retrouve une asymétrie des organes génitaux externes avec un testicule ascensionné, rétracté à l’orifice inguinal, dur, douloureux, presque impossible à toucher du fait de la douleur. Si la palpation est possible, le soulèvement de la bourse de ce côté ne soulage pas la douleur (alors qu’un soulagement partiel est observé dans d’autres pathologies scrotales). Le réflexe crémasterien est souvent diminué ou aboli du côté atteint (très sensible mais pas spécifique car le réflexe peut être pauvre de base).
Si la torsion est vue tardivement il peut se développer une hydrocèle ou un oedème scrotal donnant un tableau de grosse bourse, et le diagnostic peut être plus malaisé. La douleur a aussi tendance à diminuer avec l’évolution vers la nécrose.
Les signes digestifs (nausées-vomissements, douleur abdominale basse, pseudo signes occlusifs) sont souvent en avant et peuvent faire égarer le diagnostic vers des causes abdominales, d’autant plus qu’il n’est pas forcément facile pour le jeune patient d’oser dire qu’il souffre des testicules. Il y a quelque fois des pseudo signes urinaires comme une difficulté à la miction ou une douleur en urinant, une fausse impériosité mictionnelle pour chercher à être soulagé. Chez un patient jeune qui a très mal au ventre, il faut interroger et vérifier que les OGE ont un aspect normal même si cela paraît un peu intrusif (quitte à faire une palpation inguino-scrotale rapidement à travers le pantalon afin de préserver la pudeur de certains patients).
Les torsions ont parfois des présentations plus trompeuses, moins violentes, et parfois il existe des accidents similaires à minima depuis quelques semaines, mois, années, qui jusqu’alors se sont toujours résolus avec une détorsion spontanée. Ces antécédents de douleur n’éliminent pas le diagnostic de torsion, bien au contraire. On peut avoir un testicule qui n’est pas douloureux et c’est juste le cordon qui l’est, induré, en présentation pseudo nodulaire, pseudo tumorale. En général ça reste quand même suffisamment douloureux pour que le patient soit fortement gêné, d’autant plus qu’il s’agit d’hommes jeunes qui ne restent pas placides face à la douleur.

Chez le nouveau-né, la torsion extra-vaginale se présente comme un testicule dur fixé dans la bourse avec décoloration locale cutanée. Si le testicule n’apparait pas fixé, et qu’il existe un oedème, il peut s’agir d’une torsion post-natale et donc potentiellement curable.
La torsion dans un contexte de cryptorchidie a une présentation de douleur abdominale ou inguinale, avec une bourse vide du côté de la torsion.

La transillumination des bourses est un examen qui en fait est rarement pratiqué (sauf augmentation conséquente du volume des bourses) et ne donne pas les renseignements aussi clairs que dans les livres. Vous pouvez le faire, vous avez l’air un peu con et au final, souvent vous ne pouvez conclure.

Différentiel

Torsion de l’hydatide sessile (pôle supérieur du testicule) ou pédiculée de Morgagni (dans le sillon epididymo-testiculaire) qui sont des vestiges embryonnaires et qui n’ont aucune fonction : enfant plus jeune 7-14 ans, tableau clinique quasiment identique, moins intense, testicule non fixé, nodule au pôle supérieur du testicule, mais parfois différencié seulement lors de l’intervention

Orchite et orchi-épididymite aiguë ou subaiguë : signes infectieux, début plus insidieux, l’orchite du sujet jeune est souvent ourlienne et bilatérale alors que celle du senior est unilatérale et bactérienne

En contexte traumatique : rupture de l’albuginée, hématome des bourses, …

Pathologie scrotale et testiculaire non urgente : varicocèle, hydrocèle, kyste du cordon, tumeur du testicule … par définition les symptômes sont beaucoup plus modestes et évoluant depuis plus d’une semaine

Causes rares : gangrène périnéale de Fournier, infarctus idiopathique du testicule, thrombose de la veine spermatique

Hernie inguinale étranglée : la déformation débute plus haute à l’orifice inguinal avec un syndrome occlusif

Lithiase urinaire avec douleur irradiation aux organes génitaux : sans douleur ni déformation testiculaire même

Appendicite pelvienne avec douleur irradiant aux organes génitaux externes, situation rare mais quelques case reports en font état

Echographie Doppler

Elle a une place modeste, tout dépends des conditions possibles de sa réalisation. En fait elle est surtout utile dans les cas où vraiment la torsion, on n’y croit pas du tout mais qu’il n’y a pas d’élément clinique très probant, situations qui souvent ne sont donc pas des urgences mais où la demande est urgente.
Dans le bilan d’une torsion, en tant qu’examen d’imagerie fait par un radiologue pour confirmer ou éliminer le diagnostic :

  • nécessite un appareil haut de gamme pour une résolution maximale d’image avec étude Doppler spectral, couleur et énergie, sonde linéaire haute fréquence
  • le temps de sa réalisation fait prendre le risque d’aggraver l’ischémie (ou alors < 30 min et prévenir l’urologue en même temps)
  • la conclusion finale peut être décevante (« à confronter avec la clinique », « ne peut éliminer définitivement une torsion »)
  • le testicule du côté atteint peut être augmenté de volume si quelques heures se sont déjà écoulées
  • la présence d’oedème ou d’épanchement dans la vaginale en cas de torsion déjà avancée peut égarer le diagnostic vers une orchite
  • l’étude Doppler est surtout longue et comparative : flux diminué ou absent dans le testicule, baisse de la vélocité et augmentation des indices de résistance dans les artères testiculaires, hypervascularisation avec basse résistance après torsion-détorsion. Elle est également peu fiable avant la puberté
  • elle peut faire la différence avec une torsion de l’hydatide de Morgagni : lésion d’échogénicité faible à centre hypoéchogène, flux testiculaire normal voire augmenté lié à l’inflammation, cependant une hydatide large adjacente à l’épididyme peut évoquer une participation testiculaire
  • des faux négatifs et positifs sont fréquents, retrouvant un flux vasculaire conservé au Doppler alors même que la torsion existe, si la privation artérielle n’est pas complète; conclure à une orchite par hyperhémie constatée alors qu’il s’agit d’une revascularisation post détorsion spontanée ; conclure à une torsion sur un abcès
  • les formes tardives avec infarctus testiculaire retrouvent un aspect hétérogène sans flux vasculaire

En tant qu’examen d’appoint par le généraliste ou l’urgentiste formé, l’échographie peut être faite immédiatement en même temps que l’examen clinique et ne fait pas perdre de temps :

  • l’absence de signes francs d’orchi-épididymite confirme la suspicion de torsion à confier à l’urologue
  • l’existence de signal Doppler persistant sur le testicule est peut être un marqueur de bon pronostic, celui d’absence de signal de mauvais pronostic mais les 2 cas ne changent pas l’urgence de l’intervention, ils sont juste intéressants sur le plan théorique
  • dans les cas subaigus l’échographie peut relever le diagnostic vers une hernie ou une autre pathologie

élargissement du testicule droit et réduction du flux vasculaire, torsion du cordon spermatique à 5 heures d’évolution

infarctus testiculaire gauche vu à 3 jours

torsion extra-vaginale gauche chez un nouveau-né à J1, testicule non viable

Il n’y a pas d’autres examens utiles en urgence. La biologie n’a quasiment pas de place (on voit des hyperleucocytoses dans les torsions, la CRP n’a pas de valeur discriminante), un bilan pré-opératoire est souvent prélevé en même temps que la pose d’un accès veineux, mais les résultats ne changent rien et ne sont pas spécialement attendus. Dans les suspicions faibles de torsion mais doute sur une orchite, un prélèvement urinaire est intéressant, il est cependant rarement positif. D’autres examens peuvent être envisagés dans les doutes diagnostiques dans les situations moins tendues mais ils sont du ressort de l’urologue (scintigraphie, IRM).

Traitement

Conditionnement du patient

L’exploration chirurgicale reste la règle, il faut préparer sommairement le patient pour le bloc, le jeûne pré-opératoire n’est pas possible et il n’est pas souhaitable d’attendre une fois que l’indication opératoire a été posée. Il n’y a pas de médicaments à visée « vasculaire » ou de thérapeutique médicale de revascularisation. Les anticoagulants n’ont aucune place dans la torsion. Le seul médicament utile est la morphine, tant la douleur est difficilement supportable. Mieux vaut l’utiliser sous cette forme qu’en agoniste-antagoniste comme la nalbuphine Nubain® à effet plafond. Elle peut être administrée dès le diagnostic confirmé par le premier médecin, si la suspicion de torsion est forte, elle ne gêne pas l’examen clinique par l’urologue. Il peut être utile d’administrer un anti-émétique tel la métopimazine Vogalène® parce que la torsion fait vomir, la morphine fait vomir, le stress de se faire opérer … bref vous avez compris. Et ce n’est pas parce qu’il vomit que le patient est content.

Détorsion manuelle

Seul l’urologue peut tenter une détorsion manuelle avant la chirurgie, et la réussite de la manoeuvre ne lève pas l’indication de la chirurgie puisqu’il faudra fixer le testicule pour éviter une récidive. A l’image des réductions et taxis de hernies digestives étranglées, elle est difficile, souvent infructueuse (les études ont des résultats très variés sur le sujet), douloureuse.
Dans l’idée elle est simplissime, il suffit de faire tourner le testicule dans l’autre sens que la torsion a produit. La majorité des torsions se faisant en rotation vers l’intérieur, il faut tourner dans l’autre sens, « comme on ouvre un livre ». Il existe malheureusement aussi des torsions latérales vers l’extérieur. Il faut parfois réaliser la manoeuvre 2 voire 3 fois pour obtenir le résultat escompté basé sur la disparition de la douleur. Il faut un Doppler pour confirmer la restauration des flux.
Dans la pratique, la nécessité de pratiquer le geste dans l’urgence, et le fait de réfléchir dans quel sens on doit tourner sont des critères qui rajoutent une difficulté supplémentaire pour la réussite de cette manoeuvre.
Autant la réduction des hernies est possible à envisager par le médecin généraliste et l’urgentiste qui savent ce qu’ils font, autant dans le cas de la torsion du cordon spermatique il faut la réserver à l’urologue. Seuls des cas extrêmes où l’acheminement vers un centre chirurgical éloigné risquerait de faire dépasser le délai d’ischémie supportable, autoriseraient à pratiquer sur place une tentative. Avec le risque important d’aggraver les tours de spires et donc d’ischémier plus le testicule. Au-delà de 6 heures d’évolution, la tentative de détorsion manuelle n’est pas recommandée.
Je le dis aussi pour les gens qui arriveraient par hasard (et surtout en panique) sur ce site : ne tentez jamais de le faire vous même ou pire de le faire sur votre fils ! Allez aux urgences les plus proches et dites que vous craignez la torsion de testicule afin d’être vus rapidement par le médecin urgentiste (ne vous perdez pas dans les détails  ou signes d’accompagnement). A contrario n’utilisez pas le prétexte « torsion de testicule » pour être vu plus vite pour une douleur scrotale depuis 1 semaine, ou pour avoir plus vite une écho … c’est dégueulasse mais je l’ai déjà vu faire …

Intervention chirurgicale

Sous anesthésie générale, la bourse est incisée (soit une incision sur le raphé médian soit 1 incision transverse bilatérale), le testicule est sorti pour être examiné. A l’état normal il est blanc nacré, couleur normale de l’albuginée. En état ischémique, il est violacé voire noirâtre, ce qui ne détermine pas forcément que l’ischémie est déjà irréversible. Il est classique de détordre le cordon en fonction du nombre de tours de spires et de laisser le testicule enveloppé dans des compresses imprégnées de serum physiologique réchauffé et d’attendre la recoloration potentielle (éventuellement infiltration dans le cordon). Pendant ce temps, le testicule controlatéral est examiné rapidement et suturé à la cloison médiane (orchidopexie). Si le testicule atteint ne se recolore pas, il peut être enlevé pour éviter une surinfection secondaire de la nécrose (orchidectomie et secondairement remplacement par une prothèse testiculaire). S’il se recolore même partiellement, le testicule est réintégré et une orchidopexie est réalisée de ce côté également. On peut aussi vérifier par Doppler la restauration du flux vasculaire ou constater un saignement artériel après micro incision de l’albuginée.

La torsion chez le nouveau-né a un traitement plus controversé, mais l’exploration chirurgicale reste classique, ne serait ce qu’à des fins d’orchidopexie pour éviter les risques de torsion synchrone ou asynchrone.

S’il ne s’agit pas d’une torsion du cordon spermatique mais des appendices de l’épididyme, le geste chirurgical consiste en une exérèse de l’hydatide tordue et nécrosée, et une orchidopexie est souvent réalisée dans le même temps chirurgical. Si la torsion d’hydatide a été reconnue en échographie, on peut si on est sûr ne pas pousser jusqu’à l’exploration chirurgicale. Le traitement souvent conseillé associe antalgiques et anti-inflammatoires, ce que en contexte de tissu nécrotique théoriquement propice à se surinfecter n’est pas très logique, mais la littérature fait mention de récupération sans séquelle et exceptionnellement de développement d’abcès.

Références

Testicular torsion , testicular torsion imaging , Testicular torsion in emergency medicine , Pediatric testicular torsion , Manual detorsion of the testesTorsion of the appendices and epididymis , Ultrasound in pediatric emergenciesUnusual Cause of a Painful Right Testicle in a 16-year-old Man: A Case Report , Medscape

Testicular torsion , Torsion of the appendices , Search results , Radiopaedia

Pathologie génito-scrotales chez l’homme et le garçon , Urofrance

Testicular ultrasound

Testicular torsion in a hydrocele , Torsion of undescended testis , Images in clinical medicine NEJM

Recherche Pubmed pour les termes « testicular torsion »

Bilateral torsion of testes with purpura fulminans (pdf)

Simultaneous acute appendicitis with right testicular torsion

US in the assessment of acute scrotum

Neonatal Testicular Torsion; a Review Article

Testicular torsion in the inguinal region in an extremely low birth weight infant

An epidermoid cyst presenting as testicular torsion in a patient with tri-orchidism

Diagnosis of testicular torsion using near infrared spectroscopy: A novel diagnostic approach

New insights into perinatal testicular torsion

Idiopathic scrotal hematoma simulating a testicular torsion, in association with cryptorchidism: US findings

Médias

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détorsion chirurgicale et orchidopexie

orchidectomie pour torsion dépassée avec nécrose testiculaire

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