Infection de la vésicule biliaire lorsque le canal cystique est obstruée de manière durable. Si la lithiase vésiculaire est fréquente, tous les porteurs de calculs vésiculaires ne feront pas forcément un épisode de cholécystite, on estime que seulement 20% en feront un dans leur vie.
Le tableau typique de la forme simple est l’association de la douleur de la colique hépatique à une fièvre. Elle peut se présenter d’entrée de jeu ou secondairement comme un sepsis sévère ou un abdomen aigu fébrile avec ileus fonctionnel, signes péritonéaux en cas de perforation de la paroi vésiculaire (péritonite biliaire et fistule biliaire à risque d’occlusion en cas de calcul volumineux obstruant le duodénum). Il existe aussi des cholécystites alithiasiques chez des malades de réanimation en défaillance multiviscérale.
Cliniquement la douleur provoquée en hypochondre droit se double d’une défense mais ce n’est parfois pas aussi flagrant que ça surtout sur des patients obèses ou dans certaines formes particulières. La fièvre (ou l’hypothermie) et les signes généraux fébriles sont quasi constants. Il y a souvent une intolérance alimentaire, des nausées et vomissements.
Des critères diagnostiques ont été établis pour déterminer la gravité de la cholécystite en gravité faible 1, modérée 2 et sévère 3. Ils ne sont pas très intéressants en détails et correspondent à des situations cliniques/biologiques/imagerie entre forme simple et forme comportant déjà des complications jusqu’aux états septiques graves.
Cliniquement il y a peu de doutes dans une cholécystite lithiasique aiguë typique (d’autant plus que la lithiase vésiculaire est connue), mais il faut que le malade soit conscient pour pouvoir exposer ses symptômes, d’où la difficulté du diagnostic chez le malade de réanimation.
Les autres douleurs d’origine biliaire y ressemblent mais avec un critère en moins ou en plus : colique hépatique, lithiase du cholédoque et angiocholite, pancréatite aiguë.
La défense peut être liée à un autre abdomen aigu fébrile : appendicite, sigmoïdite, abcès, colite ischémique, maladie de Crohn en poussée …
En cas de signes péritonéaux, il peut bien sûr s’agir d’une cholécystite compliquée en péritonite biliaire mais tous les diagnostics de péritonites sont possibles : perforation des foyers infectieux précédents, d’ulcère gastro-duodénal, fissuration d’anévrisme de l’aorte abdominale, hémopéritoine traumatique et sur rupture de grossesse extra-utérine, …
Dans des tableaux cliniques imprécis, il peut être malaisé de faire un diagnostic précis avec le début d’une pneumopathie de la base pulmonaire droite, une pleurésie, une embolie pulmonaire distale, un abcès hépatique, une lithiase urinaire haut située, une douleur de l’angle colique droit, une appendicite sous-hépatique.
L’épaississement de la paroi vésiculaire étant un des signes cardinaux dans le diagnostic échographique, il peut être lui aussi significatif d’une autre affection :
Biologiquement on note une variation de la leucocytose à la NFS avec hyperleucocytose à polynucléraires neutrophiles (ou parfois leucopénie de moins bon pronostic), élévation de la CRP, perturbations du bilan hépatique (cytolyse, cholestase, élévation modérée de la bilirubine sans ictère associé). Il peut exister une réaction pancréatique avec une lipase à < 3x la normale.
L’échographie confirme le diagnostic et peut objectiver :
L’utilisation d’une sonde abdominale convexe est habituelle mais dans les formes difficiles il faut utiliser une sonde plane à haute fréquence comme pour les parties molles.
cholécystite aiguë lithiasique, épaississement de la paroi à 5 mm, et calcul de 1,4 cm enclâvé dans le canal cystique
Le scanner est assez souvent employé du fait d’une plus grande facilité de réalisation dans les services d’urgence et du plus grand nombre de renseignements fournis dans le bilan d’un abdomen aigu ou chez des patients difficiles à examiner en échographie (obésité). Il est moins sensible que l’échographie et visualise : certaines lihiases (mais ne visualise pas 1/4 des cas, peut être plus fin si les fenêtres de scan sont plus serrées), une distension de la vésicule, l’épaississement de ses parois (50% des cas) et surtout son rehaussement après injection de produit de contraste, une infiltration de la graisse périvésiculaire. Il visualise aussi d’autres complications : la dilatation de la voie biliaire principale , une collection liquidienne périvésiculaire, un rehaussement en phase artérielle tardive du parenchyme hépatique adjacent (segment 4 et 5) dû à l’hyperhémie (rehaussement hépatique focale transitoire périvésiculaire). L’IRM est très sensible dans la détection d’une cholécystite aiguë et permet de voir certains calculs difficiles à visualiser par les autres examens mais ce n’est pas un examen d’urgence.
calcul radio-opaque au collet vésiculaire au scanner, collection périvésiculaire et épaississement de la paroi
Difficilement reconnue, signe fugace par le rehaussement en phase artérielle au scanner. Fréquence très variable. Les phénomènes infectieux sont associés à une ischémie de la paroi et des zones hémorragiques évoluant en sphacèles puis en perforation. En échographie la différenciation est difficile entre forme aiguë simple et gangréneuse on voit :
En scanner, la visualisation des formes graves est plus simple :
Rare et trompeuse, appelée aussi pneumocholécystite, aérocholécystite, pyopneumocholécystite. se voit 2 fois plus chez l’homme que chez la femme, et souvent chez le patient âgé, diabétique, artériopathe. Survient après ischémie et surinfection à germes anaérobies. Se complique de gangrène et de perforation, alithiasique dans 1/3 des cas. La présentation est moins typique, insidieuse mais à évolution rapide, il n’y a pas toujours de fièvre, et la douleur locale est moins présente. On pense que la mauvaise vascularisation via l’artère cystique joue un rôle dans son développement par ischémie et qu’elle est à haut risque de perforation.
Sur un abdomen sans préparation on peut (difficilement) voir la présence d’air dans la paroi de la vésicule biliaire et les tissus adjacents voire une aérobilie, en l’absence de communication anormale avec le tractus intestinal. En échographie, on visualise des écho et des artefacts de réverbération (dirty shadowing), et moins fréquemment un « champagne sign » des écho sans ombre acoustique s’élevant depuis la partie basse de la vésicule comme des bulles de champagne. Le scanner objective mieux la présence d’air dans la lumière de la vésicule et/ou sa paroi et permet de détecter un pneumopéritoine limité.
vésicule distendue, « cônes d’ombres sales » dirty shadowing (air intra mural) en échographie (cas précédent)
Forme piège et rare également (lithiasique ou non), résulte d’inflammation et nécrose de la muqueuse. La clinique peut être fruste en colique hépatique ou hématémèse ou méléna, voire ictère. En scanner, la vésicule est hyperdense et le réhaussement de paroi est difficile à voir après injection.
Il y a en réalité 3 types de perforations aiguë, subaiguë et chronique fonction du siège de la perforation : sur le versant péritonisé ou sur le versant non péritonisé vers le foie, la dernière est en fait la fistule entérovésiculaire.
La première réalise une perforation en péritoine libre avec plastron vésiculaire ou péritonite biliaire, se transforme en abcès périvésiculaire ou en fistule entéro-vésciculaire ou cholécysto-duoédénale/colique.
La forme subaiguë est trompeuse, serait assez fréquente, elle réalise un tableau d’abcès.
En échographie on visualise une collection liquidienne péri-vésiculaire avec un aspect stratifié de la paroi. Le scanner, outre la collection, est plus sensible pour détecter un defect dans la paroi vésiculaire et un écoulement biliaire.
La forme chronique concerne souvent un gros calcul > 2 cm, et dans la moitié des cas l’épisode de cholécystite est passé inaperçu, la fistule se fait dans 3/4 des cas vers le duodénum mais aussi dans le colon voire l’estomac. Dans l’intestin grêle sur un gros calcul elle va entrainer un ileus biliaire avec un syndrome occlusif grêle récidivant, et en imagerie aérobilie (et air intra vésiculaire), occlusion du grêle et calcul vésiculaire ectopique parfois très loin dans la valvule iléo-caecale dans 60% des cas. La fistulisation dans le colon entrainera une angiocholite et/ou une colite. Le syndrome de Bouveret est une occlusion haute avec vomissements non bilieux ou hémorragie digestive par obstruction pyloro-duodénale par un calcul très volumineux > 3 cm.
5% des cas, chez le patient post opératoire (chirurgie vasculaire) ou de réanimation, choc, post-traumatique ou le diabétique. 2 mécanismes : gangréneuse et obstruction du cystique, ou ischémie par bas débit lors de l’intervention et nécrose. Il y a souvent une ascite et donc une distension vésiculaire du fait d’une nutrition parentérale. L’échographie est difficile, l’épaississement de paroi non interprétable et le scanner doit être fait facilement. L’obstruction peut être provoquée aussi par une parasitose digestive type ascaridiose. On a décrit enfin un panel assez vaste d’aspects vésiculaires chez les malades de réanimation sans pour autant conclure à une cholécystite aiguë, Lichtenstein parle même de « vésicule cardiaque » par analogie avec le foie cardiaque chez des malades de réanimation médicale.
Aspect identique en échographie-scanner mais tableau clinique différent : dans le premier cas, développement d’une grosse vésicule distendue à parois fines, contenu homogène, il n’y a pas de fièvre, la biologie est normale. Dans le second, s’ajoute un tableau très fébrile avec signes généraux marqués.
Poussée aiguë sur une forme chronique, qui parfois est asymptômatique, ou chez le diabétique entraine un déséquilibre du diabète sans syndrome douloureux précis. Evolution chronique vers une forme scléro-atrophique avec disparition de la lumière vésiculaire.
Xanthogranulomateuse : transformation avec macrophages se chargeant en graisse. épaississement diffus ou localisé en imagerie, IRM pour différencier avec un cholangiocarcinome.
Lié à la compression extrinsèque de la voie biliaire extra-hépatique par des calculs dans le canal cystique ou la vésicule biliaire. Il entraine une dilatation des voies biliaires. C’est un syndrome hépatique fonctionnel, mais il peut aussi être associé à une véritable cholécystite aiguë. En scanner, la vésicule peut être épaissie et rehaussée après injection de produit de contraste.
Se voit dans 8% des cas de cholécystite aiguë, s’apparente à une pyléphlébite, nécessitant anticoagulants et antibiotiques. On peut voir des abcès intra-hépatiques secondaires à cette thrombose porte. Se voit au scanner, avec un trouble de perfusion segmentaire et non plus vésiculaire.
Le traitement repose sur la suspension de l’alimentation, la rééquilibration hydroélectrolytique par perfusion intraveineuse, l’utilisation d’analgésiques parentéraux et l’administration précoce d’antibiotiques à large spectre et bonne diffusion biliaire (amoxicilline-acide clavulanique ou céphalosporine de 3ème génération/fluoroquinolones associés au métronidazole, éventuellement pipéracilline). Il n’y a pas de recommandations claires sur le choix de l’antibiotique et les études sur le sujet concernent des schémas anciens. Des prélèvements locaux et des hémocultures peuvent guider l’antibiothérapie quand elle est à poursuivre en post opératoire dans les formes sévères. A l’inverse une cholécystite simple ne nécessite probablement pas d’antibiothérapie préopératoire, mais elle est classiquement réalisée.
On voit parfois des cholécystites traitées par antibiotiques per os en attendant une réévaluation, c’est une solution risquée car le contrôle infectieux est très hasardeux et peut laisser faire croire au malade que c’est un traitement en soi, avec abcès et perforations secondaires.
L’ablation de la vésicule biliaire en cholécystectomie (par laparotomie ou plutôt maintenant par coelioscopie) est réalisée classiquement dans les 48h suivant le début de l’antibiothérapie, en tous cas recommandée avant 4 jours, plutôt que le « refroidissement » et une intervention au delà de 6 semaines. Ce délai est maintenant remis en question et il est possible de réaliser des cholécystectomies plus précoces dans des formes simples sans complications, et il y a tout intérêt à opérer précocément les formes compliquées. Le traitement d’une lithiase de la voie biliaire principale associée peut se faire dans le même temps opératoire, si elle est trop inflammatoire, un drain cholédocien est laissé en place.
D’autres techniques ont pu être utilisées quand l’opérabilité du malade était difficile voire impossible sous forme de dérivation biliaire percutanée (cholécystostomie), ce sont des techniques rarement réalisées, en général le pronostic est assez médiocre, mais dans des formes sévères, ne pas drainer le système biliaire c’est condamner le malade. Après 72 h de traitement médical dans une forme sévère, la cholécystostomie percutanée ou par laparotomie sous anesthésie locale est indiquée.
La cholécystite gangréneuse, emphysémateuse, l’hydrocholécyste, le pyocholécyste et la péritonite biliaire sont des indications de chirurgie urgente. L’abcès et le plastron vésiculaire doivent être traités médicalement et soit drainé par voie percutanée dans le 1er cas soit opérés. Un certain nombre de ces cholécystites compliquées et non reconnues dans les premiers examens sont opérées par coelioscopie qui doivent être converties en laparotomie pour assurer un traitement complet.
Dans les cholécystectomies pour cholécystite aiguë de gravité 2, du fait d’hémorragie ou de dissection difficile, l’intervention peut se résumer temporairement à une cholécystectomie subtotale sans fermeture du canal cystique et avec drainage local.
Item 258 : lithiase biliaire et ses complications, support de cours
SNFGE : recommandations sur la prise en charge de la lithiase biliaire
Medscape : Acute Cholecystitis Imaging, Acalculous Cholecystitis Imaging
Radiopaedia : Cholecystitis, Acute cholecystitis,
Lichtenstein D, L’échographie corps entier chez le patient critique, Springer
Channel YouTube de Sonosite avec plusieurs vidéos didactiques sur l’échographie des voies biliaires
Cholécystectomie pour cholécystite aiguë en voie de fistulisation
Cholécystectomie par laparoscopie pour cholécystite aiguë gangréneuse partie 1
Cholécystostomie par courte laparotomie
Le collège d’hepato-gastro préconise une cholecystectomie « en urgence », et précise que « il n’est pas souhaitable de refroidir la cholecystite et de différer l’intervention ».
Mais je lis souvent ailleurs qu’il faut opérer sur une cholecystite froide.
Sais-tu pourquoi ils disent d’opérer en urgence ? Y’a des risques a ça / ou à attendre ?
Merci 🙂
C’était l’ancienne attitude (pas si ancienne que ça, c’est ce qu’on m’a appris y compris pendant mon résidanat), de refroidir et d’opérer au moins après 48h.
Ca a du varier beaucoup en fonction des époques ce délai. Il y a du y avoir un peu trop d’espoir sur le fait de contrôler le foyer infectieux seulement avec les antibiotiques.
Concrètement une cholécystite simple non gangréneuse, finalement pourquoi attendre ces 48h, on peut la retirer dès le départ en coelio. Et une cholécystite bien avancée, 48h d’antibiotiques n’empêche pas le risque d’une perforation. A une époque on a du vouloir éviter le risque de perforer les vésicules fragiles lors de l’intervention mais au final quelques jours plus tard le risque est quasiment le même, voire ça a perforé en abcès local et entre temps on a pris le risque que le patient décède.
A mon avis, hormis le choc septique où il faut mettre en place la réanimation avant de décider pour la chirurgie, ça reste une intervention à faire précocément. Mais ça, ça dépend du bon vouloir du chirurgien …
Sur le sujet :
Acute cholecystitis: early versus delayed cholecystectomy, a multicenter randomized trial (ACDC study, NCT00447304)
Early versus delayed laparoscopic cholecystectomy for people with acute cholecystitis
Early versus delayed cholecystectomy for acute cholecystitis: a meta-analysis of randomized controlled trials
juste ce lien . Merci pour votre article
http://www.medecine-des-arts.com/fr/article/la-mort-d-andy-warhol-pas-si-banale-1.php
Merci pour le lien, je ne connaissais pas du tout cette histoire, très intéressant.