thoracotomie

petite encyclopédie de l'urgence

Maladie de Crohn et Recto-colite hémorragique en poussée

rectocolite MICI Crohn

pièce anatomopathologique d’intestin dans le cadre d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (Crohn et Rectocolite hémorragique)

Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ou MICI (maladie de Crohn et rectocolite hémorragique RCH) sont par définition des atteintes chroniques transmurales du tractus gastro-intestinal (atteinte diffuse dans le Crohn, localisée au colon dans la RCH) dont l’étiologie n’est pas vraiment connue et relativement répandues dans les pays du nord. C’est une maladie de diagnostic difficile, où les signes de début sont peu spécifiques, et dont l’évolution se fait par poussées et rémission, alternant des signes digestifs et des complications digestives et extra-digestives.

En théorie elles concernent peu la médecine d’urgence, puisque comme leur nom l’indique elles sont surtout chroniques. Le suivi s’articule généralement entre le médecin généraliste et le gastro-entérologue et éventuellement le chirurgien digestif. Elles nécessitent une prise en charge spécialisée car la stratégie diagnostique est assez complexe, ce sont finalement des maladies que l’on connait depuis peu de temps. Les petites poussées sont généralement jugulées par le généraliste avec éventuellement le relai du spécialiste. Mais beaucoup de patients consultant aux urgences en tant que soins primaires, le diagnostic de poussée est occasionnellement fait aux urgences. Au décours des poussées sévères ou des complications septiques et occlusives, soit le diagnostic chronique est déjà connu, soit il sera fait au décours de la prise en charge. Le problème devant un abdomen aigu chez un patient porteur de MICI est d’attribuer la symptômatologie à la poussée sans méconnaître une cause infectieuse, qui n’a rien à voir avec la maladie chronique. En partie parce que les thérapeutiques contre une MICI font appel à des corticoïdes ou des immunosuppresseurs, mais aussi parce que les surinfections et le développement d’abcès sont possibles. En urgence il est parfois difficile de savoir si le patient relève plus d’un service de gastro-entérologie ou de chirurgie digestive.

La maladie de Crohn doit son nom à un gastro-entérologue américain Burrill Bernard Crohn (1884-1983) qui l’a décrit en 1932 à propos de cas d’iléïtes terminales avec Leon Ginzburg et Gordon D Oppenheimer, mais ce n’est que le premier nom par ordre alphabétique qui a été retenu.

Diagnostic

Diagnostic positif

Le diagnostic des formes chroniques est difficile et repose sur l’association examen clinique, imagerie et histologie des biopsies.
Les poussées se manifestent par des signes généraux : pâleur, cachexie, perte de poids, fièvre et des symptômes digestifs : douleur abdominale, diarrhée avec éventuellement saignement/mucus/pus dans les selles. Cliniquement il n’y a pas de distinction entre les signes de maladie de Crohn et de RCH. Dans le premier cas l’atteinte chronique entraine une anémie et une malabsorption.

Les complications de la maladie de Crohn comportent les fistules digestives vers d’autres organes : vessie avec pneumaturie, infection urinaire à répétition, utérus avec leucorrhées purulentes ou à la peau, des fissures péri-anales, des abcès périanaux et mésentériques voire des plastrons, des obstructions et occlusions sur sténoses, des hémorragies digestives. Les complications de la RCH sont plus localisées à l’atteinte distale. La RCH peut donner aussi une atteinte fulminante plus souvent chez l’enfant avec diarrhée sévère, hyperleucocytose, fièvre et distension abdominale douloureuse.

Il n’y a pas de marqueur biologique spécifique, l’hyperleucocytose et l’élévation de la CRP se voient fréquemment. L’intensité de leur élévation sont plus en faveur de complications septiques que purement inflammatoires. L’hémoglobine, le ionogramme (hyponatrémie, hypokaliémie), la créatinine (insuffisance rénale), la protidémie traduisent le retentissement des formes chroniques.

Un certain nombre de manifestations extra-digestives sont possibles dans l’atteinte chronique des MICI dont :

Diagnostic différentiel

Pour la maladie de Crohn :

  • recto-colite hémorragique si l’atteinte est majoritairement colique, sinon :
  • appendicite
  • adénolymphite mésentérique
  • diverticulite
  • iléïte infectieuse
  • causes rares : appendagite épiploïque, tumeur digestive, tuberculose ilio-caecale

Pour la recto-colite hémorragique :

  • maladie de Crohn à atteinte colique isolée
  • colites infectieuses (pseudo-membraneuse)
  • colite ischémique,
  • colite radique

Explorations

Radiographies et opacifications

L’abdomen sans préparation peut montrer classiquement des empreintes de pouce sur l’intestin épaissi, mais ce signe est très rarement vu et cette seule imagerie ne peut servir ni au diagnostic chronique ni à celui des complications. Les examens de contraste sont plus performants mais ils sont souvent remplacés par un scanner avec contraste pour donner plus de renseignements. En urgence, l’apport est devenu quasi nul, sauf suspicion de pneumopéritoine et temps d’accès au scanner devenu important.

ASP, épaississement de la paroi du colon avec empreintes de pouce au cours d’une maladie de Crohn active

lavement en double contraste air-barium montrant un colon sigmoïde et descendant avec aspect en tuyau de poêle sans haustrations témoin d’une rectocolite hémorragique chronique

Echographie

L’échographie n’est généralement pas très performante pour l’évaluation de l’intestin mais a la facilité d’être réalisable sans préparation, est non invasive et reproductible. En basse fréquence elle a l’utilité de détecter tôt un syndrome occlusif en visualisant la dilatation des anses grêles, repérer une large perforation avec pneumopéritoine (plus complexe pour une perforation de petite taille couverte) et la présence de liquide dans le péritoine comme pour tout abdomen aigu. En haute fréquence elle peut mettre en évidence un épaississement pariétal > 3 mm sur le grêle, et la recherche d’abcédation dans les complications ano-rectales du Crohn. Sa place en chronique est peut être en outil de dépistage mais l’apport est très modeste.

échographie : abcès entre deux anses grêles dans une maladie de Crohn

Scanner

Il a l’a l’avantage de participer au bilan diagnostique de la maladie chronique et d’être l’examen le plus performant lors des complications. En urgence, il recherche des épaississements pariétaux du grêle (en particulier dans l’iléon terminal), le rehaussement après injection d’iode, des sténoses et des fistules, des abcès ou phlegmons mésentériques et intra-abdominaux, l’aspect en peigne du mésentère traduisant l’hypervascularisation, l’infiltration de la graisse sous-muqueuse. Il confirme les occlusions en montrant les dilatations aériques et liquidiennes, les perforations en péritoine libre ou couvertes.

coupe frontale en scanner : dilatation intestinale avec sténoses inflammatoires, épaississement de la paroi et rehaussement après contraste

scanner en coupe frontale, sténose colique gauche et sigmoïdienne avec halo graisseux dans une RCH

IRM

N’est pas un examen d’urgence mais prend de plus en plus de place, notamment avec préparations de contraste, dans la stratégie diagnostique de la maladie de Crohn, de la RCH et de leurs complications.

IRM coupe sagittale : fistule entéro-vésicale dans une maladie de Crohn avec infections urinaires récidivantes

Traitement

Aminosalicylates 5-ASA

Crohn :
Mésalazine Pentasa® Fivasa® Rowasa® 1 à 4 g /j en traitement de poussée et prévention de rechutes d’intensité faible à modérée.
Sulfasalazine Salazopyrine® 2 à 6 g/j par voie orale en cas d’atteinte colique uniquement.

RCH :
idem et Olsalazine Dipentum® 1 à 2 g/j. La voie rectale est plus efficace que la voie orale, les suppositoires n’étant adaptés qu’aux formes localisées au rectum. Les lavements sont complémentaires aux formes orales dans les atteintes étendues. Les traitements locaux sont préférables aux corticoïdes oraux.

Antibiotiques

Crohn et RCH :
Pas d’indication s’il n’y a pas de complication. Un traitement présomptif par quinolones est possible pendant 3 à 5 jours après coproculture. Les abcès sont traités par antibiotiques et les suppurations chroniques ano-périnéales parfois, et de manière prolongée : métronidazole, quinolones. La recherche de colite à Clostridium difficile est à faire en cas de diarrhée sous antibiothérapie, et son traitement repose sur le métronidazole et les quinolones.

Corticoïdes

La place des corticoïdes dans les MICI n’est pas simple surtout au moment des poussées vu les complications classiques digestives de la cortisone. Le diagnostic doit exclure une atteinte infectieuse associée pour pouvoir les utiliser.

Crohn :
Prednisone et Prednisolone 1 mg/kg/j par voie orale dans les poussées d’intensité moyenne à sévère. Chez l’enfant 1 à 2 mg/kg/j. Une fois la rémission obtenue la décroissance est progressive, par paliers de 7 jours, initialement de 10 mg jusqu’à demi-dose puis de 5 mg jusqu’à arrêt complet (paliers plus courts chez l’enfant).
Budésonide dans les atteintes iléo-coliques droites à 9 mg/j.

RCH :
Les formes locales sont utilisables en cas d’atteinte très distale. La corticothérapie est utilisée en cas d’échec des aminosalicylés, à la dose de 40 mg/j et peut être augmentée à 1 mg/kg/j en cas d’insuffisance.

Immunosuppresseurs et anti-TNF

Crohn :
Traitements spécialisés dans les formes résistantes et en traitement d’attaque des formes sévères et fistulisées sauf abcès : azathioprine, 6-MP, méthotrexate, infliximab, adalimumab.

RCH :
ciclosporine, azathioprine, 6-MP, infliximab.

Alimentation

Dans la maladie de Crohn : Entérale à débit continu ou parentérale exclusive sont efficaces dnas le traitement des poussées et corrigent la dénutrition. Elle n’influence pas dans le contexte de la RCH.

Chirurgie

Crohn :
Pour les formes compliquées, les sténoses et les perforations, avec recours parfois à la colostomie ou l’iléostomie, les résections sont limitées dans une logique d’épargne digestive.

RCH :
colectomie totale avec ou sans protectomie, rétablissement de continuité iléo-anale ou iléo-rectale, iléostomie temporaire.

Références

Maladie de Crohn , Rectocolite hémorragique , Fiche patient sur la Rectocolite hémorragique Orphanet

Crohn’s disease , Ulcerative colitis , Radiopaedia

Maladie de Crohn , Vivre avec une maladie de Crohn , Recto-colite hémorragiqueVivre avec une RCH ,  guide HAS 2008

Actualité des MICI , Medscape.fr

Crohn’s disease , Imaging in Crohn’s disease , Ulcerative colitis , Ulcerative colitis imagingCrohn’s disease masquerading as an acute abdomen , Spontaenous mesenteric hematoma complicating an exacerbation of Crohn’s diseaseSearch results for News & Perspective , Medscape

Bowel Ultrasound for the Assessment of Crohn’s Disease

Bowel ultrasound in assessment of Crohn’s disease and detection of related small bowel strictures: a prospective comparative study versus x ray and intraoperative findings

Ultrasound of the Small Bowel in Crohn’s Disease

Crohn’s Disease: Management in Adults, Children and Young People (lien vers le pdf)

Computed Tomography Enterography for Evaluation of Inflammatory Bowel Disease

Evaluation of Perianal Fistulas in Patients With Crohn’s Disease

Médias

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