thoracotomie

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Lithiase biliaire -1- physiopathologie et colique hépatique

voies biliaires colique hepatique

vésicule biliaire, canal cystique, canal cholédoque et ampoule de Vater dans le duodénum

La lithiase biliaire est une maladie courante dont l’incidence augmente avec l’âge, source de complications qui peuvent être graves. Le problème en urgence est de pouvoir incriminer une lithiase biliaire visualisée sur les examens complémentaires avec le symptôme qui a motivé la consultation. D’autre part de confirmer l’origine biliaire dans des états septiques sévères pour ne pas passer à côté d’une solution chirurgicale dans le traitement.

Il y a tous les ans en France (mais pas seulement), la pratique de cholécystectomies pour lithiase biliaire dont une partie n’a pas réellement prouvée que la lithiase était à l’origine des symptômes initiaux. La vésicule biliaire étant un organe qui ne sert à rien, un reliquat de la phylogenèse, son ablation n’est pas vue comme risquée. Ceci dit et malgré la généralisation de chirurgie ambulatoire moins invasive, une intervention garde des risques et son lot de petites ou grandes complications. C’est toujours regrettable quand l’indication initiale était assez floue.

Cette introduction n’est pas un plaidoyer contre les thérapeutiques radicales en cas de maladie biliaire mais cherche à faire relativiser une situation où on va opérer de plus en plus précocément des sujets jeunes en bonne santé chez qui il y a peut être une lithiase symptômatique, et récuser des  sujets âgés avec comorbidités ou traitements qui entrainent un risque opératoire plus important, et qui sont pourtant nettement plus à risque de faire les complications graves de la lithiase biliaire (ouf cette phrase est enfin finie).

Physiopathologie

La bile est produite par le foie et sert à faciliter la digestion. Entre les repas elle s’écoule jusqu’à l’intestin grêle, avant de refluer vers la vésicule biliaire qui sert de stockage. La bile est composée de sels biliaires qui permettent la digestion des graisses en émulsions via la lipase pancréatique. Elle permet aussi l’évacuation de certaines toxines métabolisées par le foie, ainsi que certains médicaments, et de la bilirubine provenant de la dégradation de l’hémoglobine. Elle participe au métabolisme du choléstérol. L’absence d’évacuation normale de la bile aboutit à un ictère par rétention.

Anatomiquement elle s’évacue dans le circuit biliaire d’abord par 2 canaux biliaires qui se réunissent en un conduit commun qui se sépare ensuite entre le circuit vésiculaire et le canal cholédoque qui s’abouche dans l’intestin grêle au niveau de l’ampoule de Vater. Juste avant l’ampoule de Vater, le cholédoque est rejoint par le canal pancréatique qui draine les sécrétions du pancréas. La vésicule biliaire est ainsi légèrement en dérivation sur le circuit, et sert de réservoir pour relâcher la bile au moment de la digestion. On comprendra aisément le risque de stagnation d’un fluide plutôt lourd dans un réservoir.
La plupart des affections biliaires proviennent donc de l’évacuation d’une bile qui a trop stagné et est devenue soit un calcul, soit un fluide épais sur un circuit un peu atone, et va soit se bloquer dans le canal cystique, soit dans le cholédoque, soit juste avant l’ampoule de Vater, soit quelque soit le niveau favoriser une pullulation bactérienne locale.

Les calculs sont soit majoritairement cholestéroliques (cas le + fréquent), soit pigmentaires soit mixtes. Ils sont favorisés par un excès de sécrétion de cholésterol dans la bile, un défaut de sécrétion biliaire des facteurs le solubilisant (phospholipides et sels bilaires) ou une rétention vésiculaire (grossesse, obséité, jeûne, âge). Ces facteurs augmentent la concentration de choléstérol dans la bile qui va finir par précipiter en lithiase.
Les facteurs de risque de maladie biliaire sont l’âge, le sexe féminin, le surpoids, la multiparité, le jeûne prolongé, l’hypertriglycéridémie. La lithiase pigmentaire connait d’autres facteurs : maladies hémolytiques, infections biliaires, sténose des voies biliaires, l’origines géographique du sud-est asiatique (parasitoses et facteurs indéterminés).

La colique hépatique est l’expression la plus simple de la maladie biliaire symptômatique, par mise en tension des voies biliaires sur un obstacle calcul, venant de la vésicule biliaire et bloquant dans le canal cystique, mais elle peut aussi traduire un passage laborieux dans le canal cholédoque avant son évacuation finale.

La persistance du blocage de la voie biliaire sur le calcul, qu’il soit dans le cystique ou le cholédoque entraine assez rapidement infection et rétention de bile. La rétention de bile se comprend aisément par le principe obstructif d’un calcul de gros volume ou de plusieurs calculs évacués en même temps, elle aboutit à un ictère et un risque de lésion du foie. L’infection se produit de manière ascendante depuis l’intestin vers le circuit biliaire en cas d’obstacle propice à la pullulation microbienne. On assiste alors à une évolution en cholécystite ou angiocholite. Le blocage biliaire distal juste au niveau de l’ampoule de Vater peut empêcher la sécrétion pancréatique et occasioner une pancréatite aiguë bilaire.

image surprenante de grosses lithiases vésiculaires

Diagnostic

C’est une douleur intense, brutale de l’hypochondre droit ou de l’épigastre, inhibant la respiration, parfois sourde et continue, suivant la survenue brutale, parfois tellement forte qu’elle mime un syndrome coronarien. Elle irradie souvent vers l’arrière, vers l’omoplate ou dans la fosse lombaire droite. Il y a assez fréquemment une haleine chargée qui peut orienter.
Cette douleur est accompagnée souvent de nausées et de vomissements, mais pas d’autre signe « lourd », sinon c’est déjà la traduction d’une complication (parfois réversible, mais de manière imprévisible). La douleur survient en post prandial, facilement tard le soir, ou tôt le matin. Elle dure entre 2 et 6 heures, rarement plus. On trouve facilement un repas riche en graisses et/ou en alcool comme facteur déclenchant.

Le signe de Murphy est une douleur provoquée lors de l’inspiration forcée, à la palpation de l’aire vésiculaire donc en hypochondre droit. Ce n’est pas un signe très fiable puisque chez une grande partie des patients, la palpation de cette région est vécue comme désagréable.

Biologiquement il peut y avoir une élévation modérée des transaminases témoignant de la migration lithiasique. Si on répétait ce dosage on devrait voir une diminution voire une normalisation des ASAT et ALAT (en pratique pas d’intérêt puisque les symptômes disparaissent aussi).

L’échographie est utile dans une douleur atypique ou devant la persistance des symptômes. Ce n’est pas la présence de calculs ou de sludge vésiculaire (épaississement de la bile), qui est décisive dans cette évaluation, mais le visualisation d’une vésicule non distendue, dont les parois restent fines et sans collection périphérique ni dilatation de la voie biliaire principale. En cas de crise résolutive, l’échographie peut être réalisée après la sortie, pour détecter une grande quantité de calculs et établir ainsi un risque de récidive.

La colique hépatique est parfois plus un diagnostic de suspicion, et même la découverte rétrospective de calculs vésiculaires n’est pas un argument indiscutable en faveur du diagnostic. Beaucoup de consultants pour une douleur épigastrique ou de l’hypochondre droit ont une autre étiologie que la lithiase biliaire à leur douleur. En l’absence de fièvre ou de signes de rétention biliaire, la plupart des patients peuvent être explorés  en externe, ce qui permettra de redresser le diagnostic, en particulier vers une pathologie tumorale hépato-biliaire ou dans le contexte de la maladie ulcéreuse gastro-duodénale.

Echographie des voies bilaires

La lithiase biliaire est une découverte hyper fréquente au cours de l’échographie abdominale. Toute douleur abdominale et épigastrique avec présence d’une lithiase biliaire sans signe de complication n’est pas automatiquement une colique hépatique. On reviendra sur les différents signes en parlant de la cholécystite et de l’angiocholite. La meilleure visualisation de la vésicule biliaire se fait chez un malade à jeûn, pour éviter que la vésicule soit contractée et vide. Il faut parfois demander au sujet de respirer fort pour abaisser la vésicule biliaire, voire réaliser l’écho en décubitus latéral et debout, faire bouger le malade pour faire rouler les calculs.

Les points d’évaluation du système biliaire en évaluation aux urgences sont :

  • la présence de calculs ou de sludge vésiculaire
  • la présence d’un signe de Murphy échographique au passage de la sonde
  • l’épaississement des parois de la vésicule > 3-4 mm (sous réserve que le patient soit à jeûn)
  • la dilatation de la voie biliaire principale (< 7 mm à l’état normal mais augmentant avec l’âge)
  • la présence d’une collection liquidienne périvésiculaire

Traitement

Le traitement de la colique hépatique est purement symptômatique, et fait appel à des analgésiques et des antispasmodiques. La forme orale peut être utilisée dans les crises modérées, mais généralement le fait de mettre à jeûn le patient permet de faire passer l’épisode difficile et les injections parentérales sont utiles. Le paracetamol est peu efficace, les AINS ne sont pas souhaitables de manière prolongée devant le risque d’infection, mais une dose de ketoprofène IV ou IM est sûrement plus efficace et peut accompagner une colique hépatique simple. Le palier 2 comme le tramadol est d’utilité très variable : chez les patients qui le tolèrent bien habituellement il peut être utile, chez les autres il entraine fréquememnt des vomissements. La morphine est aussi décrite comme à risque de nausées et de vomissements voire de renforcement de la douleur par spasme biliaire. Phénomène plus théorique que réellement observé, il faut de toutes façons dans une douleur intense, tenter quelque chose pour soulager le malade. L’utilisation isolée de phloroglucinol est quand même très placeboïde.
Les anti-émétiques sont peu efficaces. On utilise assez facilement devant nombre de douleurs épigastriques, une perfusion d’inhibiteurs de la pompe à protons dans le doute d’un ulcère d’estomac, avec relai après la crise par une prescription orale en attendant réévaluation.

Usage en médecine traditionnelle chinoise

On en apprend tous les jours, selon Wikipedia la bile d’ours est très utilisée en médecine traditionnelle en Chine pour calmer certaines inflammations, et dissoudre les calculs biliaires et rénaux. La bile d’ours est utilisée aussi comme aphrodisiaque (je connaissais pour les penis de cerfs, … par personnellement hein !), et serait exploitée dans différents produits marketing. Des fermes à ours seraient ainsi assez nombreuses, pour récolter cette bile, souvent par un cathéter directement relié à la vésicule biliaire.

Références

ECN Item 258 : lithiase biliaire et ses complications, support de cours

Lithiase biliaire, infection des voies biliaires, pancréatite, support de cours

Lithiase biliaire et complications

SNFGE : recommandations sur la prise en charge de la lithiase biliaire

Douleur abdominale aiguë le point de vue de l’urgentiste (présentation)

Échographie abdomino- pelvienne d’urgence. Principales indications , Echographie abdominale en 1ère intention (pelvis exclu) : indications , SFMU

Mallin M, Dawson M, Introduction to bedside ultrasound, chapter 2 , iTunes store

Médias

La vidéo suivante a tendance à se figer quand elle est lue directement depuis la page ou même depuis Vimeo, mais elle est téléchargeable (en basse résolution) sur Viméo ici : http://vimeo.com/1086228

Autre vidéo de pathologie de la voie biliaire en échographie (la voix off parle vraiment vite il faut mettre en pause souvent)

Cours sur la sémiologie radiologique du foie et des voies biliaires

2 commentaires sur “Lithiase biliaire -1- physiopathologie et colique hépatique

  1. christian
    5 juin 2017

    bonjour,j’a 83 ans,concerné par des douleurs importantes plus d’un an,aprés cholocysecthomie (faites le 14 janvier 2016,aprés trois violentes crises avec T°+39 pancréatites etc: asats ,Gamma Gt et chimie du pancréa degradée.)
    douleurs,idem et plus violentes qu’avant l’operation,la derniere hospitalisation fut le 28/02/17 ,avec 39,9 de T° ,mise sous perfu,Bili IRM,cholangio directe dans le duodenum, et enfin medecine nucleaire pour voir les parcours de la bile,resultats:tout est bon,retour à mon domicile, avec comme traitement (acide biliaire:orsolvan 200,6 gellules par jour ,plus 3 debridats 200 mg par jour jusqu’au 5/09/17,et avec le conseil suivant:mangez ce que vous aimé,( j’avais perdu plus de 20kgs en un an(10 hospitalisations,soit 10 semaines de jeun à chaque fois),donc depuis 3 mois avec ce complement d’acide biliaire,et du long cours en debridat,tout semble bien se passer,j’ai repris environ 4 kilos. j’étais certe trop lourd avant le commencement de tout cela(85 kilos)
    Aucun des examens que j’ai subit ne demontre une implication evidente,d’un disfonctionnement du Sphincter de Oddi…je vous remercie ,pour les lectures que vous donnez aux patients.mes salutations.

    • Tom O'Graphy
      13 juin 2017

      C’est difficile de parler de cas particuliers quand on veut faire un site de « base » d’explications. La médecine est complexe et on trouvera toujours des cas particuliers qui défient la logique de ce qu’on nous a appris dans nos études. Bon rétablissement.

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