(mis à jour le 3/04/2014)
Qui n’a jamais vu de collier cervical, n’a jamais mis les pieds aux urgences, et n’a même jamais regardé la télévision (et je ne parle pas forcément de série médicale). Cet objet est devenu incontournable dans la prise en charge de tout polytraumatisé susceptible d’avoir une lésion cervicale. C’est le cas pour le collier cervical rigide utilisé temporairement le temps de l’évacuation et du transport du blessé, jusqu’à ce qu’on sache si on peut raisonnablement l’ôter ou non. Les minerves souples ou colliers cervicaux mousse sont utilisé en traitement des lésions du rachis cervical stable et à visée antalgique dans certaines affection rhumatologiques cervicales. On ne parlera pas ici des traitements définitifs orthopédiques et neurochirurgicaux de lésions rachidiennes à immobiliser durablement.
Principe séculaire (bon peut être pas d’accord) : tout accidenté de la route est considéré en urgence comme potentiel porteur d’une lésion de la colonne vertébrale cervicale. L’immobilisation du rachis cervical est donc un geste pratiqué systématiquement en traumatologie préhospitalière.
La mise en place d’un collier cervical rigide ou semi-rigide qui empêche tout mouvement de flexion dans le sens antéro-postérieur ou latéral ainsi que les rotations, est effectuée la plupart du temps par les équipes paramédicales et les pompiers. Le retrait du collier n’est envisageable que sur avis médical. Ce qui donne des situations un peu stupides où personne n’ose toucher au blessé, il faut très vite évaluer si le dispositif doit être gardé ou non, les sauveteurs attendent leur matériel ou partent et viennent le récupérer plus tard …
Lors de la pose, le principe est de maintenir un axe tête-cou-tronc en évitant tout mouvement qui aggraverait une fracture ou une blessure de la moelle épinière cervicale, ce qui nécessite deux opérateurs. A signaler également que la prise en charge des voies aériennes est alors compliquée puisqu’il n’est pas possible de mobiliser le cou pour l’intubation trachéale.
Cette mise en place n’est pas toujours aisée même sur un sujet conscient, qui n’est pax extrait de son véhicule. Il faut qu’un aide puisse se positionner derrière le siège pour maintenir la tête, pendant que l’opérateur place le collier.
Au sol, en decubitus dorsal, le positionnement est plus facile, mais ceci implique que le blessé soit déjà sorti du véhicule, par ses propres moyens ce qui ferait penser qu’il n’a pas de lésion grave (ce qui n’est pas toujours vrai), ou qu’il ait été éjecté et dans ce cas le risque de lésion cervicale est élevé.
L’examen clinique neurologique n’est pas très fiable en préhospitalier faute de temps et de pouvoir déshabiller le patient pour avoir un test de sensibilité complet. Si le blessé est comateux, la motricité volontaire n’est pas non plus testable.
De plus rien ne sert d’y passer des heures, vu que les seules possibilités thérapeutiques sont d’immobiliser (donc d’éviter l’aggravation d’une lésion existante), et pas un traitement étiologique. C’est le cas aussi en cas d’instabilité hémodynamique où la stabilisation définitive des lésions passe après l’acheminement rapide du blessé vers un trauma center.
Entorse cervicale grave, fracture vertébrale, avec ou sans lésion médullaire associée sont immobilisées de la même façon en préhospitalier. Ce n’est qu’après bilan diagnostique traumatologique que sera choisi un traitement orthopédique d’immobilisation ou une intervention neurochirurgicale.
Seuls des traumatismes vertébraux cervicaux ouverts, avec plaie donc, posent un problème d’immobilisation en cas de plaie très hémorragique. Mais ces situations sont souvent tellement vulnérantes que le blessé a peu de chances de survie.
Par collier cervical on entend aussi, le traitement des entorses cervicales bénignes après prise en charge médicale, sous forme d’un collier mousse, ajustable par le patient lui même. Il a un effet antalgique symptômatique, il ne « traite » pas l’entorse véritablement, mais accompagne par une relative immobilisation, la guérison des ligaments vertébraux.
Le problème c’est que c’est tellement devenu un axiome qu’il en devient illogique. D’instinct c’est une bonne attitude que d’immobiliser le rachis cervical dans le doute où son instabilité risquerait de léser gravement la moelle épinière. Pour mémoire, la moelle cervicale émet des racines qui participent à l’innervation des muscles du cou, la constitution du plexus brachial et en C4 les filets nerveux qui vont former les nerfs phréniques innervant le diaphragme. En résumé une lésion médullaire en dessous de C4 est grave, susceptible d’entraîner une tétraplégie ; au-dessus de C4 elle va entrainer en plus une paralysie respiratoire totale. On comprend bien la problématique, tant qu’on ne sait pas, il ne faut pas que ça bouge. Ca a probablement bien marché pendant des années.
Mais des utilisations par excès sont sources de stress et d’inconfort inutile. Tous les « receveurs » hospitaliers vous le diront, ils recoivent quotidiennement des blessés conditionnés par excès avec des minerves rigides qui leur font parfois plus de mal que de bien.
L’Evidence Based Medicine (et ses excès) qui vise à démontrer que toute méthode ou thérapeutique possède des preuves solides de son bon fonctionnement est passée aussi par là. Ainsi qu’une certaine mode du « remettons en question tous les dogmes qu’on nous a appris ». C’est une bonne chose … jusqu’au moment où on ne perd pas son temps à titiller des situations où ça marchait pas trop mal sans se questionner sur des sujets plus sensibles. Fin de la parenthèse EBM et blog.
Les principes de base étaient les suivants :
Or : le 1 n’est pas faux, mais il n’est pas toujours vrai, la preuve étant difficile à apporter rapidement et simplement, il faut donc considérer le 1er axiome comme toujours vrai (même si l’incidence réelle est sans doute assez faible). Le 2 est vrai, mais il faut prouver que les systèmes actuels bloquent bien ces dits mouvements, d’autre part le mouvement n’est pas le seul paramètre à prendre en compte (oedème, saignement). Le 3 est … probablement faux, ainsi que le 4.
Le problème du collier cervical rigide c’est qu’il n’a pas prouvé qu’il était très efficace dans la prévention d’aggravation des lésions instables du rachis cervical. Les arguments des opposants à l’utilisation du collier cervical à la phase préhospitalière sont les suivants :
Chez le patient conscient : il peut stabiliser lui-même son rachis cervical et n’a pas besoin de collier à la phase initiale. C’est valable même pour l’extraction du véhicule lors d’un accident de la route.
Chez le patient comateux : non intubé ils doivent être transportés en position latérale de sécurité, et la colonne doit être gardée droite, en utilisant des rembourrages sous la tête et entre les jambes. Chez le patient inconscient difficile à extraire du véhicule, et où les sauveteurs ne peuvent maintenir la tête droite, le collier garde ses indications pour faciliter l’extraction (de même pendant le brancardage en terrain difficile). Mais certains conseillent une fois cette situation résolue de le retirer pour le transport.
En cas de plaie pénétrante du cou : les blessures par armes blanches sont peu susceptibles d’occasioner des lésions de la moelle (qu’elle soient superficielles ou profondes avec un déficit neurologique). Les plaies par balle sans deficit n’ont pas besoin d’immobilisation, celles avec déficit ou quand le diagnostic ne peut être fait, il faut utiliser un collier ou immobiliser par sacs de sable ou équivalent.
Certains centres ont déjà abandonné l’utilisation de colliers rigides en préhospitalier au profit de colliers mousses à visée uniquement antalgique (en particulier dans la traumatologie de l’enfant).
Cette situation peut elle changer en France : difficile car le dogme est bien entré dans les esprits, la peur d’aggraver une lésion entrainant toujours des attitudes par excès même si elles sont à risque voire délétères (un peu à l’image de l’oxygénothérapie à trop haut débit pour les décompensations respiratoires du BPCO).
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Sources et références :
2 textes très complets (en anglais) sur Scancrit :
The curse of the cervical collar
The death of the cervical collar, AmboFOAM
sur SydneyHEMS :
Spinal dogma part 1, part 2 & part 3
Is cervical spine protection always necessary following penetrating neck injury?
Ballistic penetrating neck injury and the risk of immobilisation
Pubmed :
Exacerbating cervical spine injury by applying a hard collar
Comparison of Cervical Spine Motion During Application Among 4 Rigid Immobilization Collars