thoracotomie

petite encyclopédie de l'urgence

Coup de chaleur et hyperthermie d’effort

coup de chaleur exercice

marathonien cherchant à se rafraichir après la course

C’est une agression cellulaire liée à une élévation extrême et prolongée de la température centrale avec des atteintes multiviscérales intéressant le foie, l’appareil cardiovasculaire, les muscles, les reins et les systèmes de coagulation.

C’est la forme la plus grave du stress thermique avec une mortalité assez élevée.
La distinction entre coup de chaleur d’exercice CCE (encore appelé hyperthermie maligne d’effort) et coup de chaleur classique CCC se fait comme indiqué dans le nom par l’entreprise d’un effort musculaire important se déroulant (mais pas toujours) en ambiance chaude.

Sommaire

Physiopathologie

L’organisme humain peut supporter des variations thermiques extérieures dans une fourchette modérée. Indépendamment du risque local au contact avec le froid ou la chaleur (brûlures/gelures), il ne peut supporter longtemps l’exposition à des températures extrêmes durablement (hypothermie accidentelle et coup de chaleur).
La régulation de la température corporelle se fait par l’intermédiaire d’un centre de commande situé dans l’hypothalamus. L’évacuation de la chaleur se fait principalement au niveau de la peau et des poumons. Quand la température extérieure devient supérieure à 35°C, seule la peau est capable d’évacuer la chaleur corporelle par sudation, ce qui reste assez efficace pourvu que l’humidité ambiante ne soit pas trop élevée.
La lutte contre la chaleur s’accompagne de modifications cardiovasculaires avec augmentation du débit cardiaque et redistribution du sang des viscères vers la peau pour augmenter la perte de chaleur par l’intermédiaire de celle-ci.

La température ambiante élevée est un facteur essentiel dans le coup de chaleur classique, mais dans le coup de chaleur d’exercice, il a été prouvé que des CCE survenaient pour des températures ne dépassant pas 25°.
L’humidité est aussi un facteur déterminant car elle gêne l’évacuation sudorale.
La vitesse du vent intervient, les CCE surviennent souvent en l’absence de vent.
L’absence d’acclimatation au milieu tropical favorise la survenue mais l’acclimatation n’empêche pas complètement le risque.

D’autres facteurs interviennent dans la genèse de coups de chaleur : l’âge (CCE chez les sujets de moins de 30 ans puisque c’est à eux qu’on fait exercer de gros efforts, CCC chez les enfants et les personnes âgées plus fragiles), l’existence de déficit enzymatique, de cardiopathie, d’insuffisance rénale, la prise de médicaments (neuroleptiques, anticholinergiques, tricycliques, antiparkinsoniens, …), d’alcool, la fatigue et l’insomnie.
L’épaisseur cutanée (l’obésité accroit le risque de CCE) et la surface cutanée jouent un rôle (un sujet petit court plus de risques qu’un sujet grand par moindre surface disponible pour l’évacuation de chaleur).

Circonstances d’apparition

L’effort physique engendre une production d’énergie sous forme de chaleur et plus l’effort demandé est important (longue distance parcourue, contrainte par port de charge), plus la température interne va grimper en conséquence.
L’évaporation entraine une perte liquidienne qui aggrave encore la situation, la déshydratation et l’hypovolémie favoriseraient une baisse du débit sanguin cutané au profit du muscle pour que l’effort soit possible.

Le coup de chaleur d’exercice (CCE) est souvent un effort prolongé et se rencontre donc en milieu militaire pour des marches forcées, en milieu civil, on le voit dans le cas de courses d’endurance (marathons). Dans cette dernière situation, on observe cependant assez peu de cas, le port des vêtements et tenues de combat aggravant la situation en milieu militaire.

Le coup de chaleur classique (CCC) est lié à une exposition passive longue (plusieurs heures) dans une ambiance très chaude, mais surtout sans ventilation. Il peut survenir à l’extérieur, même à l’ombre si la température extérieure est très haute, mais aussi en milieux clos. Le même effet finit par être obtenu sur plusieurs jours quand les températures ambiantes sont chaudes le jour, et surtout avec absence de diminution thermique pendant la nuit. Ces températures hautes nuit et jour sont le fait d’épisodes de canicule pendant la période estivale. Ces journées se succédant sans retour à une température plus supportable, déjà difficilement supportables par les adultes en bonne santé, vont faire décompenser les organismes les plus fragiles (comorbidités, enfants, personnes âgées chez qui le mécanisme de régulation thermique est défaillant et le système compensatoire par la soif souvent non déclenché).

Tableaux cliniques

Coup de chaleur d’exercice

rhabdomyolyse avec oedème musculaire en IRM chez un marathonien

Le coup de chaleur d’exercice est souvent brutal avec perte de connaissance, parfois des convulsions, mais il peut y avoir des prodromes avec des troubles du comportement, des crampes musculaires, des nausées, parfois un syndrome cérébelleux car le cervelet est une des premières zones sensibles à la chaleur.
La température est souvent très élevée > 40°, et de mauvais pronostic si > 42° (cependant la température notée au moment du ramassage est souvent plus faible, mais il y a déjà eu perte de chaleur).
Chez un sujet acclimaté, la température peut être plus faible, et l’absence de sueurs classiques peut être remplacée par des sueurs profuses.

L’altération de la conscience est constante, parfois en coma, des convulsions. Si il existe des signes de décérébration le pronostic est réservé, autrement la profondeur du coma ne traduit pas toujours des lésions gravissimes. D’autres signes comme un syndrome méningé ou un déficit focal sont possibles.
Dans la moitié des cas, une insuffisance circulatoire survient, en partie liée à l’hypovolémie et à la vasodilatation cutanée et musculaire. C’est un choc hyperkinétique avec débit cardiaque élevé.

Les muscles peuvent être oedématiés, tendus, douloureux, la destruction musculaire ou rhabdomyolyse étant une conséquence possible.
L’insuffisance rénale aigüe est soit fonctionnelle par l’hypovolémie, soit organique secondaire à la rhabdomyolyse, à une CIVD (coagulation intra-vasculaire disséminée), à une tubulopathie directement liée à l’hyperthermie.
L’atteinte hépatique est constante mais cliniquement peu visible, biologiquement la cytolyse est modérée. Quand elle est présente, elle s’inscrit déjà dans un tableau de défaillance multiviscérale.
La coagulation est altérée, responsable d’un purpura, de saignements des points de ponction voire d’hémorragies viscérales ou cérébro-méningées.
L’état acido-basique est sur le versant d’une acidose métabolique avec lactates élevés.
La kaliémie est souvent abaissée en milieu tropical, mais la rhabdomyolyse peut entrainer une hyperkaliémie aussi, on note une hypocalcémie. La déshydratation extracellulaire est présente, avec augmentation de l’hématocrite, du taux de protides, mais la natrémie est variable.
L’imagerie est en général assez accessoire dans la prise en charge sauf pour le diagnostic différentiel sur une rhabdomyolyse.

Coup de chaleur classique

oedème cérébral avec effacement des sillons corticaux au scanner, à l’admission et diminution 48h après

C’est l’association d’une hyperthermie toujours très élevée (40-42°), de signes neurologiques et d’une anhydrose avec peau brûlante. Ceci survient après une longue exposition à la chaleur, passivement, sans effort particulier.

Contrairement au CCE, le collapsus est rare, même s’il y a hypovolémie, celle-ci se corrigeant facilement par perfusion. La rhabdomyolyse est modérée, l’insuffisance rénale n’est que fonctionnelle le plus souvent. Mais si un facteur de déshydratation s’associe le tableau peut évoquer un choc hypovolémique.
Les signes de gravité sont l’existence d’un coma profond, d’une hyperthermie > 42°C prolongée, d’un état de choc anurique, d’une coagulopathie de consommation et d’un ictère par insuffisance hépatocellulaire. L’ischémie mésentérique et l’installation d’un SDRA (syndrome de détresse respiratoire aigë) sont des complications classiques.
La vague de chaleur de 2003 a permis d’établir un score pronostique prenant en compte les variables disponibles à l’arrivée aux urgences :

  • 1 point :
    • traitement diurétique
    • vie en institution
    • âge > 80 ans
    • pathologie cardiaque
  • 2 points :
    • température > 40°C
    • cancer évolutif
  • 4 points : pression artérielle systolique < 100 mmHg
  • 5 points :
    • score de Glasgow < 12
    • arrivée à l’hôpital par ambulance

Biologiquement on voit une classique hypokaliémie et hyponatrémie avec déshydratation, mais l’hypernatrémie est possible aussi et marquée comme facteur de gravité. On peut voir une acidose métabolique ou une alcalose respiratoire de compensation.
Deux biomarqueurs peuvent évaluer la gravité sans encore comprendre totalement leur mécanisme : procalcitonine > 0,2 ng/ml (tableau + sévère mais pas d’effet sur la mortalité), et troponine > 1,5 ng/ml. Celle-ci signe des complications cardiovasculaires fréquentes chez le sujet âgé allant d’une atteinte de microcirculation coronarienne à un infarctus transmural.

L’imagerie n’est pas vraiment utile au diagnostic, le scanner et l’IRM au niveau cérébral révèlent généralement des signes d’oedème cérébral non spécifique dans les formes comateuses.

oedème cérébral bilatéral localisé chez un enfant de 4 ans exposé accidentellement à la chaleur dans un véhicule

Autres accidents liés à la chaleur

L’insolation est une hyperthermie plus faible, avec des signes sensoriels sans altération neurologique inquiétante (cependant des troubles du comportement peuvent être notés). La peau est brûlante et sèche et on peut observer des brûlures. Il n’y a pas de signe vasculaire ni d’anomalie biologique.

Les crampes liées à la chaleur se voient par perte de sel via la transpiration avec mauvaise compensation. Elles se rencontrent chez des sujets entrainés et à l’effort.

On a décrit deux sortes de syndromes d’épuisement lié à la chaleur : le 1er par perte importante d’eau par sudation, lors d’un effort ou d’un accès fébrile notamment chez l’enfant. Il est de distinction difficile avec un CCE.
L’autre syndrome est un syndrome d’épuisement avec perte de sel, il survient quand la compensation des pertes sudorales ne s’est faite uniquement qu’avec de l’eau. C’est une hyperhydratation intracellulaire sans soif, avec hypotension et tachycardie, pâleur, vomissements, céphalées. La température est à peu près normale.

D’autres affections à masque neurologique fébrile sont à éliminer : neuropaludisme, méningo-encéphalite, AVC avec altération neurovégétative.
L’hypoglycémie et le syndrome malin des neuroleptiques sont toujours à envisager.
Enfin il reste le groupe des hyperthermies malignes dans le contexte de toxidromes, survenant sans exposition à la chaleur (induction anesthésique, neuroleptiques , prise de drogues stimulantes type cocaïne, ecstasy).

Traitement

Traitement curatif

La réfrigération est le premier traitement, il faut déshabiller le malade, le mettre à l’ombre dans un endroit ventilé, l’asperger d’eau, l’envelopper de linges humides, lui poser des vessies de glace près des grands axes vasculaires. La création d’un courant d’air sur un linge humidifié est d’ailleurs plus efficace.

L’hypovolémie doit être corrigée, par cristalloïdes (sérum salé 0,9%) tant qu’il n’y a pas de choc, si possible réfrigérés, parfois en très grande quantité. On rejoint la problématique du remplissage vasculaire avec la controverse colloïdes vs cristalloïdes, et l’hyperchlorémie délétère quand les perfusions de NaCl deviennent abondantes. Il y a même un risque d’oedème pulmonaire de surcharge si le remplissage est trop conséquent car le refroidissement a en lui même un effet de redistribution central des liquides.
En cas d’hypotension profonde, la réanimation doit être guidée selon des paramètres hémodynamiques invasifs. Classiquement l’isoproterenol avait été utilisée en cas de choc associé à une exposition à la chaleur, mais la dobutamine, moins arythmogène, semble plus adaptée. Les vasoconstricteurs sont théoriquement contre-indiqués.

En cas de coma, le patient sera placé sous ventilation artificielle, et les convulsions traitées par benzodiazépines (+/- barbituriques mais pas la phénytoïne).

Le reste du traitement se poursuit en soins intensifs, et la réfrigération peut utiliser un bain d’eau glacée en massant énergiquement la peau, l’instillation d’eau refroidie au niveau gastrique par sonde, lavement ou dialyse péritonéale (mais l’eau froide entrainant une vasoconstriciton on pense que cette technique n’est efficace que très peu de temps).
Le body cooling unit consiste à vaporiser de l’eau refroidie sur le corps et créer un courant d’air chaud qui maintient une vasodilatation cutanée. Des systèmes à base de tunnels réfrigérants existent aussi.

L’efficacité des médicaments par contre est controversée, et se borne aux traitements de rééquilibration des désordres hydroélectrolytiques ou de coagulation. Les antipyrétiques ne sont pas efficaces et ils peuvent même s’avérer dangereux si une défaillance d’organes est déjà en place. Le dantrolene a été essayé mais sans efficacité.
Les anticoagulants type héparines de bas poids moléculaires sont logiques en cas de troubles de coagulation type CIVD (attention à la fonction rénale) pour prévenir les thromboses veineuses profondes secondaires, mais la dose à utiliser n’est pas la même que celle pour la prévention. Mais il faut aussi recourir aux transfusions de produits sanguins si la défaillance hépatique est majeure.
L’hyperkaliémie peut être traitée par injections de calcium mais à ne pas multiplier pour ne pas aggraver les lésions musculaires, par bicarbonates mais pas par l’insuline. L’hémodialyse en cas d’insuffisance rénale est à utiliser.
On ne connait pas de médicament pouvant prévenir les lésions induites par la chaleur (effet sur l’animal de la corticothérapie ?).

Prévention

La prévention du CCE consiste à éviter les efforts pour le sujet non acclimaté, éviter les périodes les plus chaudes et humides de la journée, porter des vêtements aérés et amples. Prévenir la déshydratation avant et pendant l’effort par des boissons légèrement salées est essentiel mais la soif est un indice peu fiable et il faut boire avant que la déshydratation ne soit installée.
La supplémentation en électrolytes n’est pas nécessaire, la prise de comprimés de sel lors des voyages n’est pas justifiée. Théoriquement l’ajout de sucre offre un substrat énergétique pour l’effort mais une teneur modeste est préférable.

Les mesures pour le CCC sont plus passives : hydratation correcte et régulière, température ambiante à l’intérieur rafraichie par ventilateur, humidificateurs et autres petits moyens, éviter le cloisonnement dans les espaces réduits (enfants dans les voitures). Depuis la canicule de 2003, elles font partie des mesures qui doivent être mises en oeuvre dans les établissements de santé et maisons de retraite, elles sont plus difficilement applicables pour les personnes âgées vivant seules chez elles.

Références

Urgence & réanimation en milieu militaire, ouvrage sous la direction de Jean-Marie Saïssy (article très complet sur le coup de chaleur d’exercice et les autres accidents de stress thermique, détaillant la physiopathologie)

Le coup de chaleur , SFMU 2012 (pdf)

Coup de chaleur d’exercice , Revue médicale suisse

Hyperthermie maligne et coup de chaleur , Médecine tropicale (pdf)

Hyperthermie d’effort , MAPAR 1997 (pdf)

Coup de chaleur du sportif , Urgence pratique (pdf)

Hyperthermie d’effort , congrès infirmier SFAR (pdf)

Canicule et produits de santé , ANSM

Heatstroke , Medscape

Electrocardiographic abnormalities in heat stroke (pdf)

Fatal Heat Stroke in a Schizophrenic Patient

Exertional heat stroke in a marathon runner with extensive healed deep burns: a case report

Pubmed search results for « heat stroke« 

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