Le genou est un complexe articulaire fait de structures osseuses, cartilagineuses, ligamentaires externes, internes, capsulaire et de fibro-cartilages. Les lésions traumatiques possibles sont multiples, isolément ou en association. L’examen clinique est plus sophistiqué que pour d’autres articulations, parfois trop au risque d’être un peu perdu.
En se basant sur le principe qu’on ne recherche pas la même chose devant des traumatismes que devant des lésions dégénératives, il est possible en traumatologie d’en faire une version simplifiée pour dépister les lésions sévères.
Il faut prendre en compte aussi le fait que dans les suites du traumatisme si le genou est volumineux lié à un épanchement articulaire, il n’est pas examinable de manière fiable.
En urgence, en dehors de la suspicion de gros traumatisme du genou (luxation, fracture ouverte, fracture déplacée) il est donc préférable d’examiner sommairement le genou, de faire préciser au maximum le mécanisme qui lui peut témoigner de lésions graves, et de toujours réaliser une radiographie de face et de profil (même si celle-ci ne montre des arrachements osseux signes indirects de rupture ligamentaire que dans un faible nombre de cas).
Un traitement d’immobilisation d’attente et une réévaluation sous 10 jours permet de laisser guérir les entorses bénignes et de permettre aux entorses graves d’être examinée un peu plus précisément, en espérant que l’épanchement articulaire de l’hémarthrose se soit (partiellement) résorbé.
Cette attitude n’est pas toujours bien comprise par les patients qui se sentent un peu vite expédiés, et ils ne voient pas l’intérêt de perdre du temps alors qu’une IRM leur donnerait toutes les réponses. Or si une IRM est souvent pratiquée car elle visualise très bien les lésions ligamentaires des ligaments croîsés et méniscales, elle ne peut être envisagée que pour confirmer des lésions déjà suspectées, et elle peut donner des images d’interprétation douteuse alors qu’il n’y a pas de laxité clinique. Enfin toute lésion ligamentaire ou méniscale n’aura pas une sanction chirurgicale. Il n’est de même pas souhaitable de faire réaliser un grand nombre d’IRM pour des doutes cliniques peu fondés alors que cet examen est déjà difficile à obtenir dans des délais convenables.
Mais comme m’a dit récemment un chirurgien orthopédique « Qui examine encore un genou en 2013 sans IRM ? » (en fait il ne me l’a pas dit personnellement, il faisait plutôt une sorte de communication improvisée au milieu du couloir). Que voulez vous faire à cela …
Il n’y a pas de parallélisme strict entre hémarthrose et lésion du pivot central : il y a des genoux «secs» à hyperlaxité post-traumatique et des épanchements sur des déchirures partielles guérissant simplement sous traitement orthopédique.
Certains mouvements stéréotypés sont pourvoyeurs de lésions spécifiques. Les traumatismes directs donnent des contusions, des fractures, des luxations mais aussi des entorses graves en forcant le genou à se luxer. Le fait que le pied soit bloqué au sol aggrave les lésions d’entorse quand le reste du corps est emmené par son propre poids avec des effets de torsion.
Il ouvre le compartiment interne, ferme l’externe et fait tourner la jambe sous la cuisse. Il entraine donc l’étirement du ligament latéral interne, peut désinsérer le ménisque interne. Le ligament croisé antérieur qui limite ce mouvement peut être rompu aussi. Le compartiment externe peut aussi être blessé car il subit une compression, et on peut voir des fissurations du ménisque externe et des lésions ostéochondrales.
Le ligament croisé antérieur limite aussi ce type de mouvement, il peut donc être rompu. Il peut y avoir un arrachement de l’insertion de la capsule articulaire à sa face antéro-externe, réalisant la fracture de Segond.
Il entraine des lésions du ligament latéral externe.
Elle est normalement limitée par les coques condyliennes postérieures robustes et le ligament croisé antérieur. Le shoot dans le vide brutal peut amener une rupture isolée de croisé antérieur.
La cuisse bloquée, genou en légère flexion, quadriceps tendu, c’est une lésion de ski quand le ski glisse et que la chaussure empêche la jambe de s’étendre normalement, elle peut rompre le croisé antérieur.
sans traumatisme violent elle fait évoquer une incompétence de l’appareil extenseur : instabilité rotulienne, arrachement du cartilage de conjugaison au niveau de l’apophyse tibiale antérieure, rupture du tendon quadricipital ou du tendon rotulien.
La perception d’une douleur lors de ce mouvement fait évoquer un problème méniscal surtout quand il y a une composante de rotation et de compression d’un des compartiments.
Les précédents sont des traumatismes indirects mais les traumatismes directs peuvent aussi amener des lésions ligamentaires à distance aussi. Une contusion de face antérieure du tibia, au niveau de la tubérosité antérieure, peut être un indice de rupture de ligament croîsé postérieur.
L’examen cherche ensuite à faire préciser les points douloureux exquis, théoriquement siège de lésions spécifiques (fracture de rotule). Mais un gros genou peut être douloureux dans son ensemble, lié à la pression de l’épanchement articulaire. Les genoux a priori secs doivent être vérifiés, par la recherche du choc rotulien, les mains de l’examinateur chassant le liquide potentiellement collecté dans le cul-de-sac sous-quadricipital vers la rotule, en faisant une pression verticale sur celle-ci.
Les douleurs typiquement des faces latérales en particulier interne témoignent d’une lésion du ligament latéral interne. Les douleurs de l’interligne articulaire latéralisées témoignent d’une lésion méniscale. Les lésions des ligaments croîsés peuvent être perçues comme des douleurs postérieures.
En cas d’épanchement articulaire important, il est possible de réaliser une ponction de l’hémarthrose pour soulager le patient (réalisée stérilement, elle n’a pas de risques), mais il n’est pas logique de faire une ponction articulaire pour « vider » le genou avant de réaliser des manoeuvres, on risquerait de faire saigner les structures articulaires.
Le testing proprement dit est un ensemble de manoeuvres visant à mettre en évidence des laxités anormales, par défaillance des moyens de contention ligamentaire, des signes de souffrance méniscale, et des ressauts. Il existe une grande quantité de tests avec des noms spécifiques ou des noms propres, mais tout ceci confère à une certaine confusion en dehors de la pratique de l’orthopédie ou de la médecine du sport. Mieux vaut connaître quelques tests simples et fiables pour dépister les entorses graves, et laisser l’examen détaillé aux spécialistes.
Ces laxités se recherchent dans le plan frontal, en valgus et en varus témoignant de ruptures des ligaments latéraux, et dans le plan sagittal par les mouvements de tiroir antérieur et postérieur, témoignant de lésions des ligaments croisés. Ces mobilités anormales sont recherchés membre inférieur en extension complète et en flexion à 30° et 70°. Le signe de Lachman est la présence d’un tiroir antérieur, recherché sur un genou en extension, il est pathognomonique d’une rupture de croîsé antérieur.
montre les deux jambes soulevées par les pieds, genoux en extension, un recurvatum et un varus du côté atteint (témoignant d’une lésion très externe : LLE et capsule)
recherche une blessure méniscale : les doigts sur l’interligne articulaire antérieur, jambe en flexion qu’on ramène en extension.
met les ménisques en compression, la main de l’examinateur empaumant le pied, le patient étant en decubitus ventral, le genou fléchi à 90°, sa jambe étant donc verticale, on fait pression dans l’axe en exercant des mouvements de rotation.
patient en décubitus dorsal, genou fléchi, l’examinateur empaumant la cheville, l’autre main placant pouce et index sur les interlignes interne et externe (sans appuyer sur les ligaments latéraux, il faut se placer en arrière donc), on porte la jambe en rotation interne pour explorer le ménisque externe puis rotation externe pour explorer le ménisque interne, et ce en augmentant progressivement l’extension. Le test recherche la sensation d’un ressaut au niveau du doigt qui appuie sur un des compartiments comprimé par la manoeuvre, en même temps que le patient ressent une douleur.
cherche à mettre en évidence un ressaut : genou semi-fléchi, une main de l’examinateur tient la cheville et essaie d’amener vers le haut la jambe, tandis que l’autre main bloque la cuisse en la ramenant vers le bas. Ceci témoigne d’une lésion du croisé antérieur.
test purement rotulien : appréhension lorsque l’on essaie de luxer la rotule (intéressant dans les luxations spontanément réduites).
Une fois ces tests réalisés, on a une idée de la localisation, ou du groupement lésionnel. L’examen au cours d’une consultation est possible, en fonction de la lésion retrouvée, une IRM complémentaire sera programmée plutôt que des radiographies dynamiques mettant le genou en situation de stress.
Quand une grande laxité est dépistée par cet examen clinique, il est préférable de confirmer cet examen sous anesthésie générale avant réparation chirurgicale, plutôt que de la confirmer par une imagerie qui ferait perdre du temps (présence d’un tiroir antérieur et postérieur, suspicion de rupture de croisé antérieur et d’un plan capsulo-ligamentaire latéral).
En conclusion :
Traumatologie à l’usage de l’urgentiste, Dominique Saragaglia, editions Sauramps medical
Traumatologie, stratégies diagnostiques et orientations, ouvrage sous la direction de Etienne Hinglais et Marc Prével, éditions LC scientifques
Maitrise orthopédique, l’examen du genou, P. Neyret, G. Le Blay, T. Ait Si Selmi
Knee avulsion-frature , Radiopaedia
Les entorses graves du genou , université de Grenoble
Série de vidéos en anglais sur l’examen clinique du genou , YouTube
Belle description! Vous oubliez seulement de dire que certains peuvent être très douloureux et n’en pas trop abusé non plus (comme pour le IRM – dont je ne comprends toujours pas cette demande de la part des gens. Une radio me suffit largement quand il faut une).
Pour les radio de genoux après un trauma, c’est vrai qu’elles sont normales dans … 99% des cas. L’IRM est géniale pour des structures très fines comme les croisés et les ménisques mais il faut que ça soit concordant, sinon ça reste une image anormale qui n’a pas forcément de retentissement clinique. Elle sera faite souvent, très souvent même, mais ça reste un examen parmi d’autres.