thoracotomie

petite encyclopédie de l'urgence

Gelures et lésions par exposition au froid

gelures mains doigts

gelures du second degré aux doigts

Pour le lecteur pressé :

  • Les gelures sont des lésions de congélation/décongélation avec un syndrome ischémique
  • Quand elles sont associées à un syndrome d’hypothermie, le réchauffement général prime sur les lésions locales
  • Les gelures ont un meilleur pronostic que les brûlures mais des nécroses et infections secondaires sont possibles

Les gelures font partie des lésions locales dûes au froid (frostbite, « morsures du froid » des anglosaxons), distinctes du syndrome d’hypothermie qui décrit des lésions générales qui peuvent être fatales. Les gelures surviennent parce que le corps régule la température interne au profit des éléments centraux et donc au détriment de ceux périphériques.
Il s’agit de blessures thermiques de la peau et des tissus sous-jacents qui en cas d’exposition très prolongée peut atteindre les fascias et les muscles, par un phénomène de congélation/décongélation pour une température < 0°C.
Les territoires saillants sont plus exposés à ces lésions (doigts, orteils, nez, oreilles).

Il existe des lésions dûes au froid pour une température > 0°C : ce sont par exemple ce qu’on a appelé en temps de guerre, les pieds de tranchées, pour lesquels le froid est un facteur supplémentaire lésionnel (avec l’humidité en premier lieu).

L’exposition durable à des températures basses et des facteurs aggravants est à l’origine du syndrome d’hypothermie accidentelle.

Diagnostic

La présentation clinique varie en fonction du temps passé dans le froid qui conditionne le degré de gelure et du réchauffement.

Les lésions de premier degré présentent une peau est pâle ou cyanosée de façon transitoire, puis rouge lors du réchauffement. La sensibilité est dimunuée mais récupèrera progressivement en quelques jours.

Pour les lésions de second degré, comme pour les brûlures, on peut distinguer un second degré superficiel avec apparition de phlyctènes à contenu clair, une récupération favorable mais plus lente avec une hypoesthésie plus durable. Le second degré profond présente des bulles séro-hématiques, un oedème en amont de la lésion, les troubles neurologiques sont complets.

Le troisième degré n’est pas diagnostiquable immédiatement, mais il sera suspecté quand la congélation des tissus aura été très longue, et avec une présentation de phlyctènes rouges qui évoluent très rapidement vers la nécrose et l’amputation spontanée.

Le froid n’est pas le seul paramètre qui peut influer, l’humidité, le vent, le fait que les extrémités soient serrées par des vêtements ou oedématiées suite à une fracture entrent en jeu. Le développement d’une polyglobulie d’altitude, un état d’hydratation précaire et enfin un terrain soit de maladies vasculaires, soit de facteurs de risques (tabagisme) aggravent la situation.

L’imagerie est utilisée pour préciser l’état de la vascularisation distale et guider la reperfusion : angiographie, IRM, scintigraphie, surtout quand on considère la possibilité d’une thrombolyse.

Prise en charge initiale

La première mesure c’est de mettre le patient à l’abri du froid pour éviter l’hypothermie générale. Ce qui peut être compliqué géographiquement. Les variations de température doivent être évitées, de deux maux il vaut mieux réchauffer tard une bonne fois pour toutes que de réchauffer puis relaisser à l’exposition au froid et à nouveau réchauffer des lésions. C’est à dire que si le transport vers un centre de soins nécessite du temps et n’est pas sécurisé pour le froid, il faut laisser le membre en situation d’hypothermie locale (si cette hypothermie est contrôlée, membre protégé par un vêtement, une chaussure et pas directement peau contre la neige).

Il ne faut pas rajouter un traumatisme physique au traumatisme thermique (ne pas masser, ne pas frotter et ne pas fouetter avec de la neige comme on le préconisait sur les champs de batailles au temps de la campagne de Russie de la Grande Armée).
Le déshabillage doit être entrepris tôt mais pas brutal. Les sources de chaleur directe sont à bannir.
Une analgésie sera systématiquement entreprise car le début du processus de décongélation est très douloureux.

Réchauffement et reperfusion

Ces lésions peuvent s’accompagner d’un syndrome général d’hypothermie dont le traitement prime sur les lésions locales.

Le réchauffement de gelures peut utiliser de l’eau aux alentours de 40°C, mais seulement pour des gelures superficielles. Dès qu’on suspecte une atteinte plus profonde, il vaut mieux réchauffer à température corporelle ou légèrement supérieure 37-39° maximum avec une source de chaleur sèche.
L’agitation des extrémités améliore les échanges thermiques. Il faut éviter les sources de chaleur directe, au risque de développer des zones de brûlures.
Il vaut mieux réchauffer les deux membres même si un seul semble atteint.

La congélation des tissus créant une forme d’ischémie froide, c’est à des anticoagulants qu’on fera appel. L’aspirine a une fonction antalgique, anti-inflammatoire et anti-agrégante.
Les thrombolytiques peuvent être utiles dans les premières vingt quatre heures qui suivent la décongélation des tissus. Il n’y a pas encore d’étude qui valide leur efficacité, ils semblent néanmoins logiques dans les premières heures en l’absence de signal au Doppler (et absence de contre-indications). Le tPA ou altéplase (tissue plasminogen activator, Actilyse®) peut être administré par voie veineuse ou intra-artérielle locale. Le relai est pris avec de l’héparine non fractionnée ou des héparines de bas poids moléculaire.

Les vasodilatateurs paraissent logiques à utiliser, mais leur réelle efficacité dans les ischémies thrombotiques étant déjà souvent remise en question, il n’y a pas de preuve affirmant leur efficacité. De même, il faudrait être sûr que l’action vasodilatatrice soit très locale pour éviter un vol du flux sanguin par des vaisseaux plus importants dilatés.

L’iloprost est en théorie la molécule idéale dans ces situations mais il manque encore une fois de preuves par des études.

Les traitements locaux sous forme de crèmes et pommades n’ont pas d’action bénéfique prouvée.

Les autres lésions dûes au froid, qui ne sont pas à proprement parler des gelures, ne doivent pas immergées dans l’eau chaude (le facteur humidité étant souvent déjà présent).

Soins ultérieurs

Les phlyctènes doivent être respectées et non incisées. Même intactes, elles restent fragiles et de potentielles portes d’entrées infectieuses : prévention antitétanique, gestes aseptiques, désinfection soigneuse sont de mise.
Sur les gelures avancées il faut éviter le contact direct par les draps ou les champs qui abîmeraient une peau déjà fragilisée, et donc séparer doigts/orteils par du coton.

Pour la plupart des gelures il faudra entreprendre une kinésithérapie motrice dès la disparition de l’oedème afin d’éviter des rétractions tendineuses ultérieures.

Les gelures prises à temps guérissent généralement plutôt bien, même si des cas de nécrose sont possibles. Il ne faut pas amputer en prévention mais attendre la chute spontanée de l’escarre digital par exemple. Une gangrène infectieuse secondaire reste malgré tout toujours redoutée.
La scintigraphie osseuse est une aide complémentaire pour déterminer les nécessités d’amputation précoces. Sinon c’est l’évolution naturelle sous 30 jours qui détermine les cas d’amputation chirurgicale tardive.

Comme pour les brûlures, les gelures qui englobent la circonférence d’un membre peuvent nécessiter des escarrotomies ou des fasciotomies pour traiter un syndrome des loges mais ce sont des situations exceptionnelles.

Les gelures laissent fréquemment des séquelles sous forme de troubles sensitifs, hyperhydrose, ankylose en flexion et des troubles trophiques de la peau et des phanères. A long terme l’arthrose et l’ostéoporose semblent se développer plus précocément.

Références

La chirurgie de guerre, C. Giannou, M. Baldan, CICR

Plaies et cicatrisations au quotidien, L. Teot, S. Meaume, O. Dereure, éditions Sauramps medical

NEJM digital frostbite

Two patients with frostbite

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