Pour le lecteur pressé :
L’ascite est la surproduction du liquide présent à l’état normal en quantité infime dans le péritoine. Elle peut être causée par l’hypertension portale, complication de la cirrhose du foie, ou certaines tumeurs (cancer de l’ovaire).
En urgence, on est amené à voir des ascites volumineuses non contrôlées par le traitement médical (on parle de décompensation oedémato-ascitique), et des ascites infectées qui mettent en jeu la vie du patient.
Pour la petite histoire, Beethoven est mort d’anasarque liée à une cirrhose hépatique.
Le diagnostic clinique d’ascite est assez simple pour les épanchements de grande abondance, quand l’ascite est connue, elle réalise un « ventre de batracien ». Dans des épanchements plus modestes, on peut éventuellement la confondre (rétention aigüe d’urines, masse tumorale, grossesse, obésité). Un antécédent ou la suspicion de cirrhose hépatique aiguille vers le diagnostic. Le signe clinique le plus franc est la matité des flancs à la percussion, qui se recherche, le patient passant du décubitus dorsal au décubitus latéral, on percute et on entend une matité dans le 1er cas, un tympanisme dans le 2d, toujours dans la même région (traduisant la diffusion du liquide suivant la position déclive).
Devant toute ascite il faut rechercher des signes de gravité : fièvre, état confusionnel traduisant une encéphalopathie hépatique (mais aussi des comorbités fréquemment retrouvées chez le patient cirrhotique : pneumonie, hématome sous dural), une hémorragie digestive (varices oesophagiennes, tout ascitique pratiquement en est porteur). Un volume important peut créer une gêne à la respiration. A noter enfin que la région du nombril est fréquemment le siège d’une hernie ombilicale dont le toit cutané peut être en voie de sphacèle.
Transsudat :
Exsudat :
Aucun bilan d’imagerie n’est réellement nécessaire pour le diagnostic même de l’ascite. Elle est utile pour le diagnostic étiologique de la cause de l’ascite. L’ASP ne la visualise qu’indirectement devant une distension abdominale par un aspect opaque et l’absence d’air intestinal diffus (mais des niveaux d’occlusion peuvent coexister avec une opacité déclive surtout en cas de carcinose péritonéale).
L’échographie est simple et fiable pour le diagnostic des ascites de faible abondance et éliminer les diagnostics différentiels. Elle peut montrer une dysmorphie hépatique, une circulation collatérale porto-systémique (cirrhose), une dilatation des veines hépatiques et de la veine cave inférieure et des épanchements pleuraux d’insuffisance cardiaque droite, un épaississement de tumeur péritonéal, une tumeur de l’ovaire ou volumineuse tumeur digestive et l’obstruction des veines hépatiques du syndrome de Budd Chiari. Elle est utile au moment de la ponction surtout en cas d’ascite cloisonnée puisqu’elle repère bien les septas.
appendices ou franges épiploÏques bien visibles du fait de l’ascite, visualisation pauvre du rein et des autres structures en profondeur
Le scanner met bien en évidence le volume de l’ascite, ses localisations, l’aspect du parenchyme hépatique, des épaississements de carcinose péritonéale, une tumeur de l’ovaire, une anomalie pancréatique. Hormis ces dernières indications il est un peu excessif dans le bilan d’une ascite vraisemblablement d’origine hépatique, pas en première intention en tous cas.
scanner correspondant à l’ASP en haut de page : ascite néoplasique sur tumeur dermoïde de l’ovaire droit
Echocardiographie en cas d’ascite d’origine cardiaque avec visualisation d’une dilatation des veines hépatiques et de la veine cave inférieure.
L’infection du liquide d’ascite n’a pas de spécificité en imagerie.
Une ascite isolée dont l’étiologie n’est pas évidente même après scanner/IRM et ponction peut être bilantée par coelioscopie en vue d’éventuels prélèvements et biopsies.
NFS, électrophorèse des protéines, TP, bilirubine en cas de suspicion de cirrhose, BNP en cas d’insuffisance cardiaque. Protéinurie des 24h en cas de syndrome néphrotique. Le ionogramme et la fonction rénale sont souvent perturbés quelle que soit la cause de l’ascite et la créatinine s’élève en fin d’évolution de cirrhose avec un syndrome hépato-rénal de mauvais pronostic. On retrouve souvent une hypoprotidémie dans les formes avancées. NFS et CRP dans la suspicion d’infection du liquide d’ascite mais les valeurs ne sont pas corrélées de façon évidente.
Cytologie : hématies, polynucléaires, lymphocytes voire hématocrite (< 1% éliminant un hémopéritoine) polynucléaires < 250 = transsudat cirrhose, insuffisance cardiaque, syndrome néphrotique/ PNN > 250 = exsudat (carcinose péritonéale), infection de liquide d’ascite lymphocytes > 70 % en cas de tuberculose germes exceptionnellement mis en évidence à l’examen direct, y compris BK présence de cellules tumorales (carcinose péritonéale)
Bactériologie avec mise en culture (éventuellement recherche de mycobactéries mais la culture est souvent négative)
Chimie : Dosage des protéines totales, (de l’albumine mais plus limité), LDH, lipase (avec dosage sanguin), triglycérides (avec dosage sanguin protéines < 25 g/l dans un transsudat non infecté cirrhotique et syndrome néphrotique, > 25 : exsudat tumoral, infection du liquide d’ascite, ascite d’origine cardiaque, Budd Chiari
Une fois le diagnostic posé il faut déterminer si on a le temps d’explorer cet ascite ou s’il faut la ponctionner en urgence, il n’est pas simple sur ce terrain de se passer d’une hospitalisation. C’est la nature du liquide qui traduit la pathologie source : un liquide fluide, pauvre en cellules et en protéines est un transsudat (exemple typique : la cirrhose du foie d’origine alcoolique). Un liquide contenant des protides et des cellules est un exsudat, souvent d’origine tumoral (cancer de l’ovaire). La ponction du liquide d’ascite est exploratrice (surtout quand l’origine n’est pas connue ou qu’il y a suspicion d’infection), et évacuatrice (souvent plusieurs litres, dans ces cas on perfuse souvent de l’albumine en intra-veineux pour compenser les pertes).
Le syndrome oedemateux associé passe souvent au second plan, il faut se méfier d’un tableau d’anasarque associant un épanchement pleural parfois bilatéral, et des oedèmes sous-cutanés diffus (en général il y a un tableau d’insuffisance rénale, cardiaque associé, et un pronostic sombre). On associe à la ponction des médicaments diurétiques pour limiter la constitution de l’ascite et réduire ces oedèmes.
L’infection du liquide d’ascite est complexe à traiter, c’est un sepsis potentiellement sévère réalise une « péritonite humide » chez un sujet fragilisé, on l’appelle aussi péritonite bactérienne spontanée. Elle se traite médicalement par ponction évacuatrice (+ perfusion d’albumine) et antibiotiques en hospitalisation : céphalosporine de 3ème génération (céfotaxime), ou amoxicilline-acide clavulanique ou quinolones (ofloxacine). Prophylaxie secondaire par noroxine.
Ascites, Radiopaedia
Prise en charge d’une décompensation ictéro-oedémato-ascitique aux urgences, SFAR
Ascite , Faculté de Rennes
Infection du liquide d’ascite, Hepatoweb