l’association rituelle café-cigarette
A priori aucun lien direct entre le tabagisme (qui n’est pas une maladie, mais un facteur de risque) et l’urgence médicale, cela concernerait plutôt la santé publique. Mais il y a des croisement réguliers entre ce toxique et les pathologies qu’on peut rencontrer en situations urgentes.
La pathologie est une urgence vitale. Le tabac a fait le lit de la maladie
Que le patient soit fumeur connu ou suspecté car la pathologie qu’il présente est fortement liée au tabac, les questions d’addiction sont secondaires. Au rayon cardiologie, au premier plan ce sera l’infarctus, qui existe indépendamment de tout tabagisme mais mais est beaucoup plus rare. Il en va de même pour les pathologies artérielles périphériques, AVC et artérite des membres inférieurs.
La prise en charge initiale ne prendra pas compte de ce facteur de risque et ce n’est qu’une fois stabilisé qu’on devra faire le forcing pour faire arrêter de fumer le patient.
La pathologie est une urgence sans risque vital immédiat. Le tabac est un facteur aggravant la situation
Le patient est fumeur et se trouve dans une situation paradoxale d’être essoufflé et de ne pas réussir à s’arrêter de fumer. Parfois même c’est une insuffisance respiratoire chronique (indépendante du tabac comme l’asthme par exemple) qu’il aggrave de façon quasi masochiste. Or détresse respiratoire où bien évidemment, le traitement vital prime, je pense qu’il faut être insistant, quitte à être pénible pour faire prendre conscience au patient qu’il est dans une situation absurde. Sans y aller trop fort pour ne pas le braquer, mais les conseils doux, mesurés n’ont pas plus d’efficacité dans ces cas là.
Je pense notamment à des patients jeunes mais adultes (pas des adolescents qui sont encore fragiles, immatures et en opposition permanente au monde). Il y a une ambivalence à se détruire à petit feu de la sorte, et tout ceci est coûteux en temps, en énergie, en motivation et tout simplement en argent, il ne faut pas se leurrer.
Au pire, la discussion sera close, mais il aura été prévenu (une fois de plus).
La pathologie survient sur une maladie évolutive. Le tabac a été incriminé depuis longtemps. Le patient fume toujours
Le patient a toujours été fumeur, parce qu’il a eu la vie rude et que sa clope était une petite bouffée d’oxygène (d’autant plus qu’à une époque on avait pas conscience de risques nocifs majeurs). Il est difficile de faire la morale, surtout d’un soignant jeune vers un patient âgé.
Un dialogue calme n’amènera probablement pas le sevrage, il est déjà tard, mais peut être une diminution qui peut avoir une incidence sur la qualité de vie restante.
C’est surtout vrai pour les BPCO (broncho-pneumopathies chroniques obstructives : bronchite chronique et emphysème principalement), et pour atténuer l’effet asphyxique d’évolution terminale de cancers respiratoires.
C’est une situation un peu délicate qui demande de la diplomatie pour ne pas être condescendant.
On est plus tolérant (parce qu’on s’en fiche un peu, on a le « temps ») sur des jeunes fumeurs qui n’ont pas encore de lésions, que sur des vieux fumeurs polypathologiques. Le 2d cas est une urgence dépassée, le 1er une urgence préventive.
Le tabac est aussi un facteur aggravant/déclenchant dans les pneumothorax spontanés.
La pathologie n’est pas, ou n’est plus une urgence. L’interrogatoire a mis en évidence un tabagisme actif. Il est temps de faire un peu de (rapide) prévention
Les urgences ne sont pas le lieu idéal pour faire de la prévention. Trop de monde, retard à la prise en charge, équipes débordées, pathologies graves à gérer avant. Une bonne prévention c’est un dialogue, et un dialogue avec un soigant des urgences, c’est un dialogue isolé dans le temps qui a très peu de chances de pouvoir se poursuivre avec le même interlocuteur. Or la prévention c’est la répétition.
En médecine générale c’est compliqué aussi, parce qu’on a pas toujours le temps d’un dialogue personnalisé, parce qu’il y a beaucoup de monde à voir. Parce que le patient ne sait pas toujours ce qu’il veut, c’est son droit mais il faut qu’il comprenne que la grosse part du travail dans un sevrage c’est lui qui doit la faire.
La demande d’aide au sevrage n’est pas une urgence, et paradoxalement le fumeur qui veut arrêter est souvent impatient ou glisse ses questions au décours d’une consultation pour un autre motif, réduisant encore ainsi le temps spécifique qu’on peut allouer au problème.
Le tabagisme passif
Il n’est pas responsable à lui seul de lésions « scientifiquement prouvées », ce qui a même conduit certains spécialistes à faire des raccourcis très rapides sur une quasi inocuité.
Or s’il ne tue pas directement, il n’est pas bon pour la santé pour autant, et notamment sur les patients les plus fragiles, les enfants, et pendant la grossesse.
Il est surtout un facteur de désagrément de vie en société, je ne développerai pas d’avantage.
Tous égaux ?
Physiquement il est plus que probable que la fragilité ne soit pas la même pour développer telle ou telle pathologie.
Psychologiquement, sur la dépendance c’est encore plus vrai, tant est que certains arrêtent sans efforts et que d’autres souffrent et rechutent fréquemment.
C’est d’autant plus difficile de personnaliser l’aide au sevrage du fait de ces différences et du fait de la personnalité et de sa réceptivité à un discours parfois vécu comme trop brutal.
Mais malheureusement nous n’avons pas le temps de passer trop de temps justement pour faire arrêter un toxique reconnu depuis très longtemps déjà.
Je pense qu’on peut plus facilement faire entendre raison aux femmes sur ce risque, d’autant plus qu’elles jouent de malchance à cause de l’association tabac-pilule (risque majeur de caillot et d’embolie), et du risque de stérilité plus douloureusement perçu que chez l’homme.
Des avancées récentes semblent montrer une certaine inégalité au détriment des femmes, susceptibles de développer des lésions beaucoup plus tôt et pour des consommations moindres que les hommes.
Il faut d’autant plus les amener à se sevrer progressivement et précocément.
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Voir aussi sur le site :
Exacerbation et décompensation de BPCO
Insuffisance cardiaque et oedème pulmonaire cardiogénique
Syndrome coronarien aigu, infarctus du myocarde et angor instable
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