thoracotomie

petite encyclopédie de l'urgence

Tuberculose pulmonaire, diagnostic et traitement

tuberculose pulmonaire bacides de Koch

bacilles acido-alcoolo résistants à l’examen direct bactériologique en cas de tuberculose

Pour le lecteur pressé :

  • La tuberculose n’est pas éradiquée à l’heure actuelle mais elle touche des populations défavorisées ou les immunodéprimés
  • Le diagnostic se fait sur des signes généraux, des signes respiratoires +/- discrets, une intradermo-réaction positive, une radiographie montrant une caverne
  • La découverte de bacilles acido-alcoolo résistants à l’examen direct d’un prélèvement respiratoire ou tubage gastrique témoigne d’une tuberculose contagieuse
  • Seule la culture bactériologique lente (> 3 semaines) élimine totalement le diagnostic

Sommaire

La tuberculose pulmonaire n’est que très rarement une urgence absolue, mais son évolution est torpide et peut créer des lésions séquellaires chez des malades affaiblis ayant peu de ressources respiratoires. Sa contagiosité en fait un problème majeur de santé publique.

Cette maladie qui était un fléau au XIXème siècle, a connu une baisse d’évènements, du moins de ses formes les plus bruyantes, avec l’apparition des premiers antituberculeux spécifiques. Elle n’a cependant jamais été éradiquée et connait depuis plus de 10 ans maintenant une recrudescence dans deux contextes : l’immunodépression et les populations défavorisées, marginaux ou migrants qui n’ont pas accès ou très tardivement aux soins.

Clinique

tuberculose pulmonaire cachexie

patient cachectique souffrant de tuberculose avancée

La bactérie Mycobacterium tuberculosis ou bacille de Koch offre un polymorphisme clinique important. Historiquement elle a marqué par deux affections particulière : la phtisie (tuberculose pulmonaire) et le mal de Pott (tuberculose osseuse).
Ceci témoigne de deux grands groupes d’affection : des formes respiratoires à forte contagiosité et extra-respiratoires chroniques mais délabrantes.

La transmission est respiratoire au contact d’un malade infecté.
La maladie débute par une phase de primo-infection, souvent peu parlante, avant d’évoluer vers une tuberculose-maladie.
La primo-infection présente au maximum un tableau de signes généraux et amaigrissement, parfois des signes plus surprenants comme un erythème noueux, une kérato-conjonctivite, un ganglion cervical, rarement sous une forme infectieuse sévère (pléurésie, méningite, miliaire).
Le diagnostic à ce moment comporte des examens de recherche tuberculeuse spécifique dans un bilan diagnostic assez vaste.
La radiographie pulmonaire à ce stade est normale ou montre juste un ganglion médiastinal, rarement le chancre d’inoculation ganglio-pulmonaire.

La phase d’état de la maladie lui succède après un temps variable, l’évolution est relativement lente pour la plupart des formes pulmonaires de tuberculose.
La lésion spécifique histologique est une organisation particulière qui s’appelle la nécrose caséeuse, sorte d’abcès rempli de matériel rempli de bacilles.
Il n’existe pas de syndrome tuberculeux typique. C’est l’association d’une altération de l’état général, perte de poids, sueurs nocturnes, fièvre peu élevée vespérale à des signes
respiratoires qui est evocatrice. Les patients avec une toux au premier plan sont les plus contagieux.
L’aspect cachectique d’un malade toussant depuis longtemps doit faire envisager le diagnostic d’autant plus qu’il a séjourné dans un pays étranger ou qu’il vit dans des
conditions défavorisées. Les associations polypathologiques sont possibles, notamment au cours de l’infection à VIH.

Le suspicion diagnostique va se renforcer devant certaines complications. La nécroses des nodules tuberculeux peut créer ce qu’on appelle des cavernes. Elles ont
aspect typique radiologique d’abcès « vides » c’est à dire sans niveau hydro-aérique, à paroi externe épaisse et témoignent d’une grande concentration de bacilles.

L’hémoptysie, c’est à dire l’évacuation de sang au cours d’un effort de toux, peut se voir quand elle est très modeste pour des ulcérations de la muqueuse bronchique. Quand elle devient abondante, elle peut témoigner de l’érosion de vaisseaux bronchiques par des processus avancés fibreux.

Les atteintes tuberculeuses de la plèvre sont diverses. La pleurésie tuberculeuse peut être une infection limitée, produisant peu de liquides, facilement douloureuse comme toutes les pleurésies sèches. Quand une lésion caséeuse s’ouvre dans la plèvre, on peut voir un tableau de pleurésie purulente abondante, voire un pyopneumothorax.
On peut voir enfin des pleurésies séro-fibrineuses, liées à la réaction inflammatoire après pénétration d’un peu de caséum dans la plèvre, qui ne contiennent quasiment pas de bacilles (donnant un aspect de pleurésie lymphocytaire riches en protéines et en sucres). Cette pleurésie est rapidement suivie par une tuberculose évolutive.

La pneumonie tuberculeuse avec image radiologique systématisée est exceptionnelle et se voit sur terrain fragilisé.
L’atteinte des grosses bronches, de la trachée et du larynx est possible mais tardive. De façon distale, le remaniement inflammatoire risque de laisser une dilatation des bronches, de façon proximale, il peut simuler un cancer ORL. Les 2 situations peuvent donner des saignements respiratoires bas ou haut selon la prédominance de l’atteinte.

La miliaire tuberculeuse est une sorte de septicémie tuberculeuse, qui entraine une détresse respiratoire secondaire, avec une évolution foudroyante, fatale sans traitement.

Les autres atteintes tuberculeuses possibles sont nombreuses, pouvant toucher tous les organes quasiment (urogénitales, osseuses, méningite, …). Elles sont en général chroniques et isolées. La coexistence de deux atteintes d’organes ne se voit quasiment pas. On a donc très peu de chance de voir une tuberculose pulmonaire et extra-pulmonaire en même temps. De toutes façons le traitement serait identique.

Imagerie

Radiographie de Thorax

La radiographie pulmonaire montre des inflitrat hétérogènes, mal limités avec des nodules voire une image arrondie pseudo-tumorale, souvent de façon bilatérale, au maximum les cavernes tuberculeuses. Le siège des lésions est souvent les lobes supérieures ou les segments supérieurs des lobes inférieurs. Ces lésions ne disparaissent jamais totalement même sous traitement. La miliaire a un aspect plus diffus fait de petites opacités en « grains de mil ».

opacités multiples dans le lobe supérieur droit : tuberculose pulmonaire

adénopathie hilaire droite dans une tuberculose pulmonaire

miliaire tuberculeuse

Echographie

A ma connaissance il n’y a pas d’image spécifique échographique de la tuberculose. Sur le même principe que l’échographie pulmonaire peut visualiser précocément un foyer de pneumopathie sous forme de zone de consolidation parenchymateuse, il est certainement possible de visualiser une tuberculose débutante (et encore plus si elle est déjà bien installée) à condition que l’atteinte parenchymateuse soit là (donc pas les formes ganglionnaires).
Reste à savoir si l’image est celle d’une condensation avec (poumon « tissulaire », « hépatisé » avec artefacts aériques) ou un syndrome interstitiel sous forme de lignes B.
Une caverne va donner une image similaire à un abcès sous forme de barrière aérique avec condensation pulmonaire périphérique à la lésion.

Scanner

caverne tuberculeuse

Diagnostic biologique

Le diagnostic biologique de référence repose sur l’identification de mycobactéries sur des prélèvements respiratoires et un test cutané à la tuberculine positif.
L’intradermo-réaction à la tuberculine indique qu’il y a eu un contact immunitaire spécifique. Il n’y a pas de faux positifs. On mesure le diamètre de l’induration 72 h après
l’injection non pas sous-cutanée mais intra-dermique stricte. La vaccination préalable par le BCG entraine en cas d’immunité acquise une positivité mais modeste, souvent autour de 10 mm. Une réaction positive alors que les tests précédents étaient négatifs signe une primoinfection.
Une induration > 15 mm ou de > de 5 mm par rapport aux réactions antérieures traduit un passage à une tuberculose-maladie.
Les réactions peuvent être négatives et même se négativer traduisant une perte de l’immunité. Ceci peut être de façon transitoire (infections anergisantes : grippe, rougeole,
coqueluche ; début de pleurésie séro-fibrineuse et de miliaire ; malnutrition ; traitement immunosuppresseur) ou définitive (extincition naturelle de l’allergie post-vaccinale à partir de la 5e année qui suit le BCG ; hémopathies malignes, Hodgkin, sarcoïdose).

L’examen bactériologique des crachats est souvent improductif surtout dans les formes débutantes où le patient évacue peu de bacilles. On pratique plus facilement des tubages gastriques (dans l’espoir de récupérer les bacilles qui ont été déglutis le matin).
L’examen direct est important, par recherche de bacides acido-alcoolo-resistants, leur présence confirme une tuberculose clinique. Leur absence ne l’élimine pas, mais permet d’indiquer un degré de contagiosité plus faible permettant de limiter les mesures d’isolement.
Le diagnostic de confirmation repose sur la culture souvent très longue (3 à 6 semaines) sur milieu spécialisé.

Les examens sanguins traditionnels ne sont que de peu d’utilité, et sont pratiqués plutôt à visée diagnostique différentielle. A la phase d’état il y a une élévation de la vitesse de sédimentation, qui n’a rien de spécifique bien sûr. Des techniques récentes comme la PCR réalisée sur des prélèvements locaux (crachat, liquide pleural, …) sont assez spécifiques mais peu sensibles. Elles peuvent cependant distinguer rapidement une tuberculose de mycobactéries atypiques et déceler des souches résistantes. Des sondes génétiques utilisant des séquences spécifiques d’ADN pourrait permettre d’identifier le BK en quelques heures.

Traitement

  • Le seul traitement efficace est une prescription longue de 3 voire 4 antibiotiques spécifiquement actifs pendant 2 mois puis 2 pendant 4 mois
  • L’isolement est la rêgle tant que le bacille est présent dans les crachats. Il devient nécessaire pour protéger également le malade d’une infection surajouté en cas d’immunodépression
  • La vaccination par le BCG dans l’enfance ne semble pas assez efficace pour réduire le risque de tuberculose chez l’adulte. Il est de moins en moins utilisé ce qui pose un gros problème de santé public puisqu’il réduit les possibilités de prévention de la maladie

La déclaration d’un cas de tuberculose est obligatoire.

Traitement symptômatique

Les formes cliniques présentant des tableaux urgents (détresse respiratoire, forme septicémique, hémoptysie) n’offrent pas de spécifité dans leur traitement. C’est le même
protocole de prise en charge qu’une défaillance d’organe. Il faudra cependant si l’idée d’une tuberculose est plausible, ajouter des mesures de protection immédiate du
personnel soignant, et des mesures d’isolement du malade afin de limiter la contagiosité.
L’assistance respiratoire par oxygène ou ventilation n’a pas d’effet propre sur le bacille, sa prescription ne se fera qu’en cas de dyspnée avec hypoxie.

Le patient tuberculeux est la plupart du temps porteur de la maladie depuis longtemps, potentiellement très contagieux et surtout très affaibli. Il peut être porteur d’autres pathologies déjà avancées, même en cas d’immunocompétence. Son installation convenable, isolée (afin qu’en cas d’immunodépression il ne soit pas contaminé par d’autres germes), avec perfusion de support (déshydratation associée), en attendant un apport nutritionnel adéquat, est primordiale car le traitement antituberculeux spécifique ne peut s’improviser et n’est pas forcément disponible partout.

Antibiothérapie antituberculeuse

Les antibiotiques actifs seront débutés dès que l’examen direct confirme la présence de BAAR (bacilles acido-alcoolo résistants), ou devant l’association lésions radiologiques pulmonaires très suspectes et signes cliniques compatibles, même discrets, après le début des premiers prélèvements biologiques (une radiographie suspecte peut être juste la séquelle d’une tuberculose ancienne).
Le schéma d’antibiothérapie antituberculeuse s’est longtemps basé sur une quadrithérapie initiale associant l’isoniazide, la rifampicine, le pyrazinamide et l’ethambutol pour 2 mois, et les 4 mois suivant seulement en bithérapie isoniazide-rifampicine. On peut réduire à une trithérapie initiale sans ethambutol quand on ne suspecte pas de résistances ou quand c’est une première tuberculose-maladie. Ce schéma lourd vise à réduire le risque d’émergence de résistances aux anti-tuberculeux.
D’autres antibiotiques ont une action antituberculeuse mais leur usage en première intention n’est pas recommandé, et seront réservés aux cas de résistance bactérienne.

Ces antibiotiques ne sont pas dénués d’effets secondaires, parfois banals (la rifampicine colore les urines en orange vif), parfois majeurs : l’isoniazide a des effets secondaires
neurologiques (on lui adjoint de la vitamine B6 afin de les contrer), peut provoquer une hépatite, le pyrazinamide peut provoquer une hyperuricémie, l’ethambutol peut perturber la vision des couleurs en jaune.

Le traitement peut être poursuivi en ambulatoire dès la négativation des expectorations (en 2 à 3 semaines) en l’absence de signes de gravité, de résistance

Prévention

La prévention de la tuberculose repose sur le traitement précoce dès le diagnostic afin de limiter les possibilités de contagion, et le dépistage des sujets contacts
On peut proposer une chimioprophylaxie dans certains cas : enfants non vaccinés et patients séropositifs pour le VIH, ayant été en contact avec un sujet bacillifère.
Et de façon secondaire chez des patients ayant déjà été infectés et se retrouvant dans une situation à risque (greffe d’organes nécessitant un traiment immunosuppresseur ; vieillard ayant des séquelles de tuberculose devant être placé en institution).
Elle repose sur l’isoniazide 3 à 6 mois selon les cas.

La prévention la plus pratiquée a été la vaccination par le BCG de façon obligatoire. Cependant la protection immunitaire assurée par ce vaccin est aléatoire. Il n’est pas rare que les réactions tuberculiniques se négativent avec le temps, ce qui obligeait à des revaccinations fréquentes. La pratique intensive du BCG n’a pas réellement prouvé son efficacité en terme de réductions de cas de tuberculose, et elle n’est donc plus, depuis peu de temps, obligatoire pour la population générale. Elle reste cependant conseillée pour les personnes à risques (enfants vivant dans des conditions défavorables, lien avec un pays de forte endémie, professions exposées).

La tuberculose au cours de l’infection à VIH est en général une réactivation de la maladie après une primo-infection passée inaperçue, et elle peut survenir à n’importe quel stade de l’immunodépression. Elle définit quel que soit le taux de lymphocytes CD 4 un passage au stade SIDA.
L’IDR peut être négative, la recherche de BAAR est moins souvent positive que chez le patient immunocompétent. Le diagnostic différentiel avec une mycobactérie atypique se pose d’ailleurs quand le nombre de lymphocytes CD 4 est très faible < 100.
L’évolution sous traitement est généralement favorable mais les effets secondaires plus fréquents.
Le BCG est contre-indiqué.
La prophylaxie médicamenteuse ne fait pas l’objet d’un consensus en Europe à l’heure actuelle.
Aux USA les germes multi-résistants semblent surtout liés à une mauvaise adhérence à la prise en charge et aux structures de soins inadaptées.

Depuis les traitements antibiotiques on ne propose plus de séjours de cure en « sanatorium » (mais on conçoit néanmoins qu’une convalescence après une tuberculose avérée soit nécessaire).
Le traitement chirurgical (thoracoplastie, pneumothorax extra-pleural, lobectomies) est devenu exceptionnel car trop mutilant sur la fonction respiratoire. Il est discuté en cas de persistances de cavernes avec doute sur une stérilisation complète de ces cavités ou de parasitisme de ces collections par d’autres germes (type aspergillose)

Références

B Housset, Pneumologie, Abrégé Masson

S. Kernbaum, Elements de pathologie infectieuse

F. Bonnaud et G. Coulibaly, Tuberculose pulmonaire, Impact Internat Pneumologie

Tuberculose : focus sur l’imagerie et le traitement , Medscape

Des précisions sur le diagnostic biologique de la tuberculose Medicalforum.ch document pdf

Tuberculosis et Pulmonary tuberculosis, Radiopaedia

Médias

3 commentaires sur “Tuberculose pulmonaire, diagnostic et traitement

  1. nuage1962
    5 juillet 2011

    Autrement dit on peut revoir des épisodes de contagions a grande échelle n’importe quand .. et surement des mutations ..

    • thoracotomie
      6 juillet 2011

      La contagiosité de la tuberculose n’est pas aussi rapide que pour la peste ou même une grippe. On ne verra sans doute pas d’épidémie tuberculeuse dans l’avenir. Le problème c’est la survenue chez les SDF, les exclus sociaux. Ou simplement dans les pays où les antituberculeux sont trop chers et qui se retrouvent dans la même situation que la France de l’époque « Dame aux camélias ».
      Les mutations qui entraineraient des résistances sont possible, mais a priori celles observées en Amérique sont liées à des problèmes de prise en charge (et pas une surconsommation antibiotique comme dans les infections classiques)

  2. nuage1962
    6 juillet 2011

    Bien merci pour cet éclaircissement

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