Accident fréquent de surdosage et intoxication parmi les plus graves, observable à tout âge, accidentelle ou suicidaire, chez le diabétique traité par insuline, mais pas seulement, y compris en contexte d’homicide par empoisonnement.
L’action toxique de l’insuline est lié à la puissance du produit même au-delà de son effet thérapeutique sans autre effet surajouté. L’hypoglycémie engendré par utilisation de doses massives peut à elle seule tuer le patient ou le plonger dans un état végétatif par encéphalopathie.
L’intoxication sévère est rare bien que les accidents hypoglycémiques chez le diabétique de type 1 ou 2 soient fréquents. La réelle fréquence des intoxications est probablement sous estimée.
Les insulines disponibles en médecine humaine le sont uniquement par voie injectable sous-cutanée (voie orale inactive) et sont sous forme rapide, intermédiaire, semi-lente et lente. Ces dernières exposent à un risque d’hypoglycémie retardée et prolongée :
La coprescription de différentes insulines chez un même malade, ainsi que d’autres antidiabétiques oraux rend l’intoxication dans un but suicidaire ou criminel plus préoccupante bien que le conditionnement en stylos injectables rend difficile l’intoxication à dose massive. Elle peut alors être un facteur aggravant dans une polyintoxication médicamenteuse avec des psychotropes (anxiolytiques, hypnotiques, neuroleptiques …), des analgésiques (morphine, tramadol, paracétamol), des médicaments cardiovasculaires (aspirine, bétabloquants). Les bétabloquants masquent la réaction adrénergique à l’hypoglycémie. Les IEC inhibiteurs de l’enzyme de conversion augmentent la sensibilité à l’insuline en favorisant les hypoglycémies sévères.
Les accidents hypoglycémiques involontaires, provoqués par le patient lui-même, sont liés à un mauvais usage thérapeutique, des difficultés de compliance et d’observance, l’utilisation du traitement en période de jeûne ou d’intoxication alcoolique.
Les surdosages accidentels, provoqués par les soignants se voient dans l’utilisation thérapeutique de l’insuline intraveineuse avec erreur d’administration en traitement de l’hyperkaliémie ou de l’intoxication aux inhibiteurs calciques sans apport glucosé suffisant.
Les surdosages peuvent être volontaires, entrant dans le cadre des pathologies auto-induites et du syndrome de Münchhausen (éventuellement par procuration).
Au niveau criminel, l’insuline est un classique des empoisonnements, autrefois indétectable, comme dans la célèbre affaire Von Bülow.
Voici une infographie trouvée via Pinterest, comme quoi ce site est merveilleux, clin d’oeil pour toi, Maman. Non ma mère n’est pas diabétique … n’essayez pas de comprendre …
Et 2 liens sur le sujet :
Histoire de la découverte de l’insuline, BIU santé Paris Descartes
Les 90 ans de la découverte de l’insuline , AFD
C’est le diagnostic d’hypoglycémie associée à un contexte observé ou suspecté d’intoxication. Il s’agit souvent d’une hypoglycémie profonde, sévère et qui se corrige difficilement sous traitement.
L’hypoglycémie est définie par une glycémie inférieure à 0,7 g/l soit 3,9 mmol/l mais les premiers symptômes n’apparaissent qu’en dessous de 2,5 mmol/l (0,44 g/l).
Dans une intoxication ou surdosage d’insuline, les valeurs de glycémie inférieures à 0,3 g/l ou 1,65 mmol/l voient l’apparition de symptômes subjectifs puis neurosensoriels et enfin végétatifs : confusion, agitation, nervosité, anxiété, vertiges, sensation de faim, sueurs, tremblements, palpitations et tachycardies. Si l’intoxication est massive, cette phase prodromique n’existe quasiment pas. De toutes façons le délai entre injection et découverte de l’intoxication est souvent long.
Les patients diabétiques de longue date peuvent ne pas présenter ces symptômes inauguraux d’hyperréactivité sympathique, lié à leur neuropathie végétative.
En dessous de 0,1 g/l ou 0,55 mmol/l, l’état général se dégrade vers un coma profond hypotonique, avec dilatation et faible réactivité pupillaire, pâleur, respiration ample. S’ensuit facilement des convulsions partielles ou généralisées et l’évolution vers un état de mal épileptique et un oedème cérébral. Les déficits pseudo-vasculaires sont possibles avant la phase de coma bien que beaucoup plus rares. L’atteinte du tronc cérébral avec hyperventilation neurogène contraste avec des réflexes oculo-vestibulaires préservés, témoignant d’une souffrance métabolique diffuse. L’évolution terminale se fait vers un collapsus et des troubles du rythme cardiaque.
Comme pour les hypoglycémies organiques, des formes atypiques trompeuses ont été décrites : pseudo psychiatriques, oedème aigu du poumon par myocardite de stress, syndrome coronarien aigu, …
Le diagnostic d’intoxication pourra être appuyé d’un dosage de l’insuline (augmentée) et du peptide C (élévation plus modérée) qui témoigne de l’origine exogène de l’insuline. Ces 2 hormones sont normalement sécrétées dans un rapport 1/1, la bascule du rapport insuline/peptide C > 1 signe l’intoxication, sans préjuger de l’origine.
Diverses perturbations biologiques ont été décrites : hypokaliémie de transfert, hypophosphatémie, hypomagnésémie.
C’est celui des coma par assistance ventilatoire après intubation trachéale soit dès la phase préhospitalière quand la correction de l’hypoglycémie ne permet pas la reprise de conscience, soit en réanimation lors de l’évolution vers une défaillance circulatoire ou neurologique persistante, et traitement des complications.
L’apport de potassium dans les perfusions est recommandé pour prévenir l’hypokaliémie de transfert.
Il se base sur l’apport de sucres sous forme de solutés hypertonique en G 30% voire 50%, de manière prolongée. La voie intraveineuse périphérique est utilisée pour les bolus, mais une voie veineuse centrale est préférable pour l’administration prolongée de glucosés à 10 ou 20%. Il n’y a pas réellement de protocole d’administration. L’apport exigé peut être massif pendant 24 à 96 heures. La surveillance des dextro et de la glycosurie est impérative pour guider les perfusions, le resucrage excessif pouvant être hépatotoxique. Quand la glycémie est corrigée avant la phase de coma, la récupération est en général rapide et totale. Dans une hypoglycémie persistante, la récupération peut être longue et incomplète.
Il n’y a pas de place pour la décontamination digestive, d’une part parce que l’insuline est apportée par voie injectable et de toutes façons parce que les troubles de conscience rendraient périlleuses ces techniques. Utilisables uniquement en cas de co-intoxications présumées et sans altération de la vigilance.
Le glucagon est un traitement classique de l’hypoglycémie spontanée ou par surdosage chez le diabétique insulinodépendant, à dose de 1 mg renouvelable une fois par voie intramusculaire ou sous-cutanée. Il peut être utile en l’absence de voie veineuse et en cas d’agitation mais n’est actif que si la réserve hépatique en glycogène est suffisante or elle est souvent mobilisée en cas de surdosage à l’insuline.
Le diazoxide (forme orale utilisée dans les hypoglycémies secondaires aux tumeurs pancréatiques) a une forme intraveineuse, normalement utilisée dans la crise hypertensive Hyperstat®, a pu être employé dans des hypoglycémies réfractaires.
Dans les injections en grande quantité sur le même site, l’excision chirurgicale localisée du tissu sous-cutané a été proposée.
Il manque des facteurs pronostiques clairs de l’intoxication sévère. La relation toxicocinétique/toxicodynamique a certainement un intérêt pour guider le rythme de perfusion du glucosé hypertonique.
Des complications cutanées étaient courantes chez les diabétiques qui utilisent l’insuline sous-cutanée : prurit, érythème local, lipodystrophies (atrophie et hypertrophie), réactions allergiques. Peu d’infections cutanées type érysipèle , abcès au point d’injections. Ces complications infectieuses se rencontrent de moins en moins même sans désinfection préalable à l’injection.
Les nécroses du tissu graisseux sous-cutané sont extrêmement rares mais peuvent être très douloureuses et durables, organisées en nodules localisés. Le diagnostic peut être compliqué à faire, utilisant l’IRM et la chirurgie d’excision du tissu nécrosé la seule option thérapeutique.
Intoxication grave par l’insuline , SLRF
Les toxiques les plus courants et les plus dangereux , SFMU
Search results for Insulin, The Poison Review
Intentional overdose with insulin: prognostic factors and toxicokinetic/toxicodynamic profiles , Critical Care
A case of acute insulin poisoning , Hong Kong journal of emergency medicine (pdf)
Intentional Insulin Overdose Associated with Minimal Hypoglycemic Symptoms in a Non-Diabetic Patient
Severe suicidal digoxin and propranolol toxicity with insulin overdose
Massive Levemir (Long-Acting) Insulin Overdose: Case Report
Insulin poisoning with suicidal intent
Insulin overdose among patients with diabetes: a readily available means of suicide
Insulin overdose with recurrent severe hypoglycemia and preserved level of consciousness
Acute pulmonary edema caused by hypoglycemia due to insulin overdose
Electrolyte disorders following massive insulin overdose in a patient with type 2 diabetes
Prediction of recovery time from hypoglycemia in patients with insulin overdose
Attempted suicide by insulin injection treated with artificial pancreas 1983
Managing suicidal insulin overdose 1982
Suicidal insulin overdose managed by excision of insulin injection site 1982
Unusual Sequel of Large Overdose of Insulin 1946
Painful fat necrosis resulting from insulin injections
Skin-related complications of insulin therapy: epidemiology and emerging management strategies (abstract)
Association of insulinoma with subcutaneous nodular fat necrosis
Complications cutanées de l’insulinothérapie : un problème iatrogène sur le déclin (pdf)
L’affaire von Bülow est une affaire criminelle concernant l’héritage potentiel d’une riche famille après le coma brutal de Martha « Sunny » Von Bülow en 1980. Cette riche héritière avait présenté 1 an auparavant un coma diagnostiqué comme hypoglycémie profonde liée à une alimentation chaotique. Hospitalisée elle avait récupéré en quelques jours. Le second évènement 1 an plus tard donc, la plonge dans un coma dont elle ne se réveillera jamais. Une fiole d’insuline et des seringues sont retrouvées à ses côtés alors qu’elle n’était pas diabétique. Son mari Claus est le premier suspect car bénéficiant en cas de décès de l’immense fortune de sa femme. Accusé d’avoir empoisonné sa femme à l’insuline et condamné, il fait appel de la décision et sera libéré en payant une caution d’1 million de dollars. Avec un nouvel avocat il fera réviser le procès et finalement sera acquitté, mais au bout de plusieurs années il renoncera à la fortune de Martha. Martha décèdera 28 ans plus tard. Un roman sera tiré de cette affaire, en 1986 par Alan Dershowitz, qui défendit Claus Von Bülow. Et un film « Le mystère von Bülow » (Reversal of fortune) sera réalisé en 1990 par Barbet Schroeder, avec Jeremy Irons et Glenn Close.
Le mystère von Bülow, bande annonce originale