Le terme érysipèle décrit classiquement une infection de la peau et des parties molles dûe au streptocoque du groupe A. Elle appartient au groupes des dermo-hypodermites aigûes bactériennes (non nécrosantes, cellulitis en anglais). Les autres affections sont des dermo-hypodermites bactériennes nécrosantes (necrotizing cellulitis), des fasciites nécrosantes (necrotizing fasciitis) et des myosites.
Toutes ces affections peuvent être provoquées par plusieurs germes différents (dont certains très flagrants comme la gangrène gazeuse dûe au Clostridium perfringens) ou des associations polymicrobiennes.
Pour parler d’érysipèle, l’infection doit être située en superficie, non nécrosante mais dans un certain nombre de cas, c’est du staphylocoque ou d’autres germes qui sont en cause, voire une association streptocoque-staphylocoque. C’est une infection plus profonde malgré tout que des infections cutanées très superficielles comme l’impétigo (dû au streptocoque). Mais ce dernier peut engendrer un érysipèle s’il est négligé.
L’aspect d’érysipèle typique est un placard cutané très inflammatoire, rouge vif, tendant la peau qui devient luisante, chaud, oedématié mais ne prenant pas le godet particulièrement. Cette recherche ne serait pas utile et surtout douloureuse car la zone cutanée est très sensible lors de l’infection. Les limites sont nettes et précises, et sans traitement l’infection n’a pas spécialement tendance à s’étendre de façon exagérée (elle ne recouvre pas tout un membre).
Elle s’accompagne d’une fièvre assez élevée, d’adénopathies en amont, il peut y avoir des signes d’altération de l’état général, d’autant plus que les terrains fragiles comme les sujets âgés ou les diabétiques y sont assez exposés.
Il n’y a pas à ce stade théoriquement d’autres signes plus marqués comme des défaillances d’organes, ce qui se voit dans des infections d’évolution plus rapides comme les fasciites nécrosantes.
Les localisations fréquentes sont aux membres inférieurs, et au visage, même si théoriquement cette infection peut se développer partout. Mais dans la région abdomino-périnéale il faut songer à un autre diagnostic septique avant d’envisager celui d’érysipèle.
Ce qui fait la fréquence c’est l’origine de l’infection : aux membres inférieurs les microtraumatismes du pied jusqu’aux intertigos mycosiques sont d’excellentes portes d’entrées pour la bactérie. Au visage ce sera plus souvent un furoncle un peu trop manipulé.
L’infection vient de l’extérieur et se développe « horizontalement » après pénétration dans la peau jusqu’au niveau du derme et de l’hypoderme. Le mécanisme est donc complètement différent de gangrènes des territoires cutanés jouxtant des régions viscérales à fort contenu septique (gangrène périnéale de Fournier, …).
Ce qui n’est pas un érysipèle : les tableaux d’infection cutanée rapidement évolutifs et destructeurs pour les tissus mous (fasciite nécrosante, gangrène gazeuse, staphylococcie maligne de la face, …). Les plaies traumatiques qui s’infectent et morsures sont plus à même de donner des gangrènes que des érysipèles, c’est à dire un développement en profondeur et pas en superficie. Sauf pour des infections post-opératoires limitées à la région de la cicatrice. Mais la hantise des chirurgiens est de voir se développer une fasciite ou une gangrène, plutôt qu’un erysipèle.
Non traité, l’érysipèle évoluera à terme vers une septicémie. Il n’y a pas d’enkystement en abcès.
Les associations morbides sont fréquentes quand le syndrome septique est important, une infection de membre inférieur réduisant sévèrement la mobilité peut entrainer une phlébite et une embolie pulmonaire, une décompensation cardiaque, un choc septique.
A contrario on pose parfois à tort le diagnostic de suspicion de phlébite sur une dermo-hypodermite débutante, or les études ont montré qu’il n’y avait pas de thrombose veineuse profonde associée à l’infection cutanée, qui entraine au contraire un état hypervasculaire.
Des formes atypiques avec limites moins nettes, tableau moins bruyant, évolution assez lente ou au contraire bulleuses, pseudo-purpuriques sont possibles. On parle de dermo-hypodermite aigüe au sens large dans ce cas ou de forme érysipéloïde mais qui s’appuie plus sur des données d’examen qu’épidémiologiques.
Le différentiel se pose rarement avec d’autres oedèmes localisés : allergique, angioedèmes …
Le traitement de référence vise le streptocoque et doit agir rapidement, c’est une perfusion intraveineuse de pénicilline G à raison de plusieurs millions d’unités par jour.
Concrètement et parce que la pénicilline G n’est pas très pratique à utiliser (traitement IV plusieurs fois par jour), on utilise assez facilement la pénicilline A voire une association amoxicilline acide clavulanique qui élargit le spectre. Ceci d’autant plus dans les cas douteux où on pense pouvoir avoir affaire à un staphylocoque ou un autre germe.
Les dermo-hypodermites plus insidieuses peuvent être traitées par voie orale dès le début, par exemple par la pristinamycine qui reste active sur les deux types de germes. Cet antibiotique est aussi celui utilisé en cas d’allergie aux pénicillines.
Le traitement d’un intertrigo mycosique sera entrepris pour éviter les récidives précoces. L’évolution est en général favorable mais la possibilité de germes résistants peut rendre la pénicilline G inefficace.
La prévention de thrombose veineuse est assez facilement employée sous forme d’héparine par injection sous-cutanée. Elle est à appliquer logiquement chez un patient à mobilité réduite, l’infection n’entrainant pas par elle-même un risque accru de thrombose.
L’insuffisance veineuse qui favorise par ses complications (dermite ocre, ulcères veineux) doit être détectée et traitée par contention veineuse.
Les récidives d’érysipèles peuvent être prévenues par des cures d’antibiothérapie à base de pénicilline V orale ou intramusculaire.
S. Kernbaum, Elements de pathologie infectieuse
Erysipelas , erysipelas in emergency medicine , erysipeloid , Medscape
Pharmacology and the Treatment of Complicated Skin and Skin-Structure Infections
Sinon une petite anecdote en stage on a eu un gentil papy avec un érysipèle à Pasteurella multocida sur plaie au niveau d’un orteil.
Il se faisait lécher les pieds par son chien tout les soirs.
🙂
Il y a une croyance comme quoi la bave de chien aurait des vertus antiseptiques.
Après je ne sais pas si dans la situation que tu décris c’était la seule motivation du patient, et je ne veux pas savoir ! 🙂