Pour le lecteur pressé :
Les méduses appartiennent à l’embranchement des cnidaires à taxonomie complexe, comprenant des formes fixes (polypes) et mobiles (méduses), certaines espèces existant sous les deux formes.
Parmi elles on note une branche, les Charybdae (parfois reclassée en ordre propre et appelé Cuboméduses) qui sont extrèmement urticariantes. La particularité physiopathologique des méduses est donc de posséder un grand nombre de capsules urticantes (cnidocystes) sur toute leur surface, ce qui constitue pour elles un moyen de défense et également d’attaque pour saisir leur nourriture.
L’espèce Chironex fleckeri (guêpe de mer, boxjelly fish) possède un venin qui peut être mortel, elle est présente en Australie et en Indonésie. La pélagie (Pelagia noctiluca), moins toxique, vit dans des eaux chaudes mais pullule vers des eaux plus tempérées avec le réchauffement climatique.
Les physalies font partie des cnidaires mais ne sont pas des méduses, et appartiennent aux organismes marins de la surface. Leur architecture est en fait composée de plusieurs colonies soutenues par un flotteur. Elles comportent des filaments avec des cellules urticariantes également. L’espèce Physalia physalis (galère portuguaise, Man-of-war) est plutôt présente dans les mers tropicales mais elle peut être déportée sur de très longues distances avec échouages massifs sur les côtes européennes.
On peut enfin rapprocher les envenimations liées aux anémones de mer de par la composition protéique complexe de leurs venins.
Le contact avec les méduses est accidentel car elles sont transparentes dans l’eau (mais il semblerait que la plupart des méduses ne cherchent pas à attaquer mais au contraire à fuir l’obstacle). Ce sont les zones immergées du corps qui sont les premières touchées et notamment les membres. A noter cependant que des tentacules coupés et échoués sur une plage restent venimeux longtemps.
La réaction cutanée de contact est rapide et extrèmement douloureuse, à tel point que cette douleur peut à elle-même entraîner la noyade par réaction de panique. Ceci d’autant plus que le premier contact tend à se débattre ce qui augmente la surface de contact en cercle vicieux.
Peu après se développe un érythème rouge violacé sous forme de lignes étendues, là où la peau a été en contact avec les filaments. Suivant le terrain, cet érythème peut devenir bulleux voire nécrotique. Les lésions cutanées donnent très souvent des séquelles sous forme de cicatrices hypertrophiques définitives.
Il existe des réactions anaphylactoïdes aux venins et surtout lors des envenimations sévères avec des signes généraux apparaissant en quelques heures. Les formes létales semblent être liées à des toxines entrainant des troubles du rythme cardiaque, mais une grande variété de réactions pathologiques lourdes peut être observée (paralysies, bronchospasme, insuffisance rénale, …).
La survenue d’une forme sévère n’est pas vraiment prévisible, même si on suspecte des syndromes d’envenimation plus graves aux âges extrèmes de la vie, sur les terrains fragilisés ou un terrain atopique.
Le premier traitement à envisager (hormis l’évacuation hors de l’eau de la victime et la réanimation d’une noyade) est d’essayer d’inactiver les capsules urticantes encore attachées à la peau afin de limiter la dose de venin reçue.
Directement sur la plage, il faut retirer prudemment les tentacules visibles à la pince ou en se protégeant, ceux invisibles seront piégés après application de sable ou de mousse à raser et les débris de méduses seront ôtés avec un carton rigide (mais il ne faut surtout pas frotter directement la plaie).
Le plus simple est de laver à l’eau de mer ou au sérum physiologique les zones affectées, l’eau chaude peut être utile, les toxines étant thermolabiles.
Dans certains cas, l’application de vinaigre est préférable ou d’alcool isopropyl à 70%, mais dans certains cas de physalies on a incriminé une décharge accrue de venin après leur application, entrainant une envenimation sévère.
D’autres solutions ont été utilisées efficacement mais sans supériorité prouvée (solutés chimiques, huile d’olive et même l’urine) et avec le même risque d’envenimation sévère secondaire.
Cette décontamination doit durer au moins 30 min jusqu’à disparition des symptômes. La plaie pourra alors être séchée et recouverte d’une crème anesthésiante à la lidocaïne.
Les lésions peuvent s’infecter secondairement notamment quand il y a eu formation de bulles de brûlures, mais l’antibiothérapie préventive n’est pas recommandée.
Les douleurs répondent correctement aux morphiniques.
En cas de réaction anaphylactique, l’utilisation d’adrénaline par titration est efficace. Les autres défaillances d’organe seront traitées de façon symptômatique.
Il existe un anti-venin contre Chironex fleckeri, administrable en intra-veineux, il équipe les trousses de secours des sauveteurs en Australie.
C’est une envenimation due à une méduse comme Carukia barnesi qui colonise les eaux tropicales d’Océanie, et quelques specimens ont été notés à Hawaï et dans les Caraïbes.
La piqûre initiale n’est pas forcément ressentie, peu de lésions locales et il y a un délai avec l’apparition des manifestations systémiques.
Ces manifestations sont une agitation, une dysphorie, des nausées et vomissements, sudation et des douleurs dans plusieurs régions (dorsales, abdominales et des membres) différentes du siège de la piqûre.
L’hypertension et la tachycardie sont fréquentes, on suspecte une toxicité hypercatécholamminergique.
L’évolution est favorable spontanément en 12 heures mais des envenimations sévères ont été décrites avec un risque de choc cardiogénique, d’oedème pulmonaire ou d’accès hypertensif sévère.
Le traitement fait recourir à une décontamination de la peau pour évacuer les cellules urticantes sans appliquer de compression.
La présence de signes systémiques ou de douleurs/nausées réfractaires imposent l’évacuation vers un centre médical.
Le traitement est souvent symptômatique mais peut utiliser de grosses doses de morphiniques voire du magnésium intraveineux (bien que cela soit controversé).
Le maintien de la pression artérielle fait recourir aux antihypertenseurs IV, intérêt des dérivés nitrés si insuffisance cardiaque (non décompensée) associée.
En cas de défaillance respiratoire, la priorité est donnée à l’oxygénothérapie et la ventilation (non invasive ou assistée)
J-F Quinot, Envenimations, intoxications et morsures graves par les animaux marins, Urgences et Réanimation en milieu militaire
P Berger, D Petitpas, L Poiron, P Chillet J-M Korach, Piqûres de méduse, http://www.urgence-pratique.com
Irukandji syndrome, Cadogan M, Life in the fast lane
https://twitter.com/JAMA_current/status/546300899170459648