pièces de dissection : poumons droit et gauche vus par leur face externe (empreintes des côtes visibles avec tâches noirâtres chez un fumeur)
La contusion pulmonaire est une entité plus anatomopathologique et radiologique que clinique, ce qui a conduit certains auteurs à considérer qu’elle n’existait pas en tant que syndrome. C’est une altération du parenchyme pulmonaire dont le retentissement pathologique propre est difficile à déterminer du fait de fréquentes intrications avec d’autres lésions de l’appareil respiratoire.
C’est une lésion fréquente au cours des traumatismes du thorax, souvent d’évolution favorable, mais qui peut s’associer à un SDRA (syndrome de détresse respiratoire aigu) à la mortalité importante.
La physiopathologie est assez complexe et encore un peu obscure. La lésion de base est la rupture de la membrane alvéolo-capillaire avec la fuite de sang du secteur vasculaire dans l’alvéole et d’autre part une fuite d’air en dehors de l’alvéole (vers l’intersitium pulmonaire). De là les lésions peuvent rester circonscrites ou s’étendre en créant d’autres lésions comme un pneumothorax, un hémothorax, un emphysème interstitiel.
Quelques heures après le traumatisme apparait un oedème pulmonaire de type lésionnel dans les zones lésées. Il peut atteindre parfois des zones non lésées et être bilatéral. Au bout de 24h cette zone se densifie et des thromboses vasculaires distales apparaissent.
Les anomalies vasculaires visibles en histologie sont de différentes natures. On voit des zones de dislocation vasculaire, des zones hypovasculaires correspondant majoritairement à des alvéolites hémorragiques (images types infarctus pulmonaires) prédominant dans les régions inférieures et postérieures en paravertébral et des zones avasculaires (hématomes et cavités aériennes avec ou sans membrane pyogène).
C’est surtout le contexte de survenue qui évoque la possibilité d’une lésion à type de contusion pulmonaire : traumatisme thoracique direct important ou indirect (polytraumatisme, écrasement, blast).
Une hémoptysie est évocatrice, à condition qu’il n’y ait pas de traumatisme facial associé ni d’intubation traumatique, mais elle n’est pas courante. Les contusions peuvent donner des douleurs à la respiration, une dyspnée mais ces signes n’ont rien de spécifique.
L’examen clinique peut retrouver une diminution du murmure vésiculaire mais elle est difficile à entendre sur un territoire limité.
Biologiquement, on peut observer une thrombopénie (inconstante), et une hypoxémie se voit en cas de contusion importante ou avec une autre lésion associée.
Le risque principal chez le polytraumatisé est l’évolution vers un SDRA (syndrome de détresse respiratoire aigu). Il est d’autant plus important que le blessé a reçu un volume important de liquides de perfusion et a été sous ventilation artificielle.
Il est un peu théorique car les lésions suivantes peuvent être associées aux contusions pulmonaires :
Le syndrome d’inhalation, si le contexte initial n’a pas été reconnu, peut donner le même aspect, mais souvent concentré dans le lobe inférieur droit. La fibroscopie peut permettre de faire le diagnostic sans pour autant éliminer totalement une contusion associée.
L’embolie graisseuse donne des opacités qui apparaissent tardivement et dans un contexte évocateur de fracture des os longs.
L’oedème pulmonaire lésionnel (plus qu’hémodynamique par oedème cardiogénique) des polyperfusés, donnant des opacités confluentes en poumon blanc, il apparait précocément.
Des opacités mal systématisées dans un territoire pulmonaire peuvent aussi correspondre à une pneumopathie nosocomiale chez des patients surveillés en réanimation. D’autant plus que les contusions et hématomes pulmonaires offrent un bon milieu de culture pour les bactéries.
La radiographie montre des anomalies dans des proportions qui varient en fonction des études, entre 30 à 70 % des cas. Il s’agit d’opacités nodulaires irrégulières plus ou moins confluentes, d’opacités en plages homogènes non systématisées, d’une association de ces 2 types d’opacités ou d’opacités parenchymateuses diffuses.
Classiquement ces anomalies ne sont pas visibles immédiatement après le traumatisme mais au bout de quelques heures. Ce délai varie beaucoup en fonction du volume contus, du nombre de perfusions, de la présence de lacérations pulmonaires associées. Le siège des lésions varie, au niveau ou à distance du point d’impact et même sur le poumon controlatéral.
Ces lésions radiologiques régressent en moins de 10 jours généralement.
L’évaluation échographique n’est pas évidente et ne permet pas la distinction avec les autres causes de condensation alvéolaire (pneumopathie, atélectasie, infarctus pulmonaire) ni d’oedème interstitiel (en particulier d’origine cardiogénique). Mais dans le contexte d’un traumatisme thoracique, la visualisation rapide d’images échogènes très localisées qui tranchent avec l’aspect normal du poumon en échographie (artefacts horizontaux des lignes A) oriente le diagnostic. On peut voir des petites images hyperéchogènes blanches dans ces zones correspondant au bronchogramme aérique. Ces images sont à la périphérie du poumon, proche de la ligne pleurale et le glissement pleural peut être aboli comme dans certaines pneumopathies infectieuses. Sur une contusion à la base, cette absence de lung sliding n’est pas trop gênante car on suspectera peu un pneumothorax à cet endroit (il y a même souvent un petit épanchement pleural associé). De plus des artefacts verticaux en dessous de cette ligne pleurale immobile montre bien qu’il y a un parenchyme sous-jacent (souvent hépatisé) et non de l’air libre.
Des contusions multiples peuvent donner un aspect de lignes B multiples bilatérales comme dans les oedèmes pulmonaires témoignant de lésions interstitielles.
L’échographie pleurale permet également la détection rapide des hémothorax et des pneumothorax et plus sensible que la radiographie. Enfin elle est réalisable en salle de déchocage ou en réanimation et répétable à l’envie.
artefacts d’oedème interstistiel partant de la ligne pleurale en haute fréquence dans une contusion pulmonaire
Le scanner objective très rapidement ces lésions sous forme de condensation parenchymateuse nodulaires ou en plages. La sous-estimation par rapport à l’histologie est très faible, il permet de visualiser des contusions de 5 mm. Il permet de quantifier les lésions en % ou en index de contusion. Secondairement il détectera des épanchements mal drainés. Il fait le bilan osseux (fractures costales, volet thoracique, fracture de l’omoplate, fracture du rachis, du sternum) et des anomalies pleuroparenchymateuses (pneumothorax, hémothorax) ainsi que des lésions abdominales dans le cadre des bodyscanners.
Les autres examens (notamment vasculaires type angiographie) n’ont pas d’intérêt pratique, hormis de cartographier précisément les lésions.
L’hématome pulmonaire est rarement isolé et sa reconnaissance à la phase intiale peut être difficile. Il est souvent associé à une contusion.
L’aspect radiologique est une opacité parenchymateuse homogène en son centre mais à contours flous du fait de la contusion associée. La régression du halo de contusion permet de mieux cerner la zone d’hématome avec une opacité arrondie, ovalaire, parfois multilobée à contours réguliers sur quelques centimètres.
L’hématome au scanner n’est bien visible qu’après régression de la zone de contusion. Il prend là aussi un aspect plus arrondi à contours nets. Il y a parfois un niveau hydro-aérique si l’hématome tend à s’évacuer partiellement.
Le pneumatocèle passe souvent inaperçu sur des clichés précoces, il est masqué par les autres lésions parenchymateuses.
Son aspect radiologique est une hyperclarté aérienne et parfois hydro-aérique. La lésion est unique ou multiple, arrondie, à contours réguliers, sur quelques centimètres au maximum. La périphérie de la lésion est souvent le siège d’une contusion, quand celle-ci régresse, les parois du pneumatocèle apparaissent fines.
Proche du médiastin, le pneumatocèle donne ce même aspect aérien ou hydro-aérique mais plus ovalaire vertical limité par la région sous-hilaire et sus-diaphragmatique. Le diagnostic différentiel de cette clarté en zone médiastinale est la rupture diaphragmatique avec hernie de viscère digestif.
Le pneumatocèle est reconnu précocément au scanner avec le même aspect qu’en radiographie.
Ces 2 termes recouvrent à peu près les mêmes situations finalement, l’hématome étant une contusion organisée en masse à contenu liquidien, quand le pneumatocèle a un contenu aérique. En anglais on décrit aussi ces lésions sous un terme général de « pulmonary laceration » qui ajoute à la confusion, puisque laceration désigne généralement des plaies.
L’évolution naturelle de la contusion pulmonaire se fait vers une régression en une trentaine de jours avec cicatrisation des zones lésées sans séquelle majeure. La contusion pulmonaire «pure ne nécessite donc pas de traitement spécifique. Autrement dit un traumatisé thoracique «simple» resté sous ventilation spontanée et sans expansion volémique ne justifie que d’une surveillance clinique et radiologique. On y adjoint une oxygénothérapie et le le drainage thoracique des éventuels pneumothorax ou hémothorax. Les autres mesures visent à éviter un oedème de surcharge par trop d’expansion volémique mais l’hypoperfusion systémique est délétère car source d’un SRIS (syndrome de réponse inflammatoire sévère proche du sepsis grave). L’anticoagulation est préventive si le blessé ne peut se mobiliser, mais il n’y a pas de traitement curatif sur les thromboses vasculaires distales observées en histologie.
La contusion associée à un SDRA post-traumatique se traite en réanimation. La conservation de la ventilation spontanée en CPAP au masque ou sur intubation semble souhaitable quand elle est possible. Au masque elle n’est pas sans risque chez un patient recevant des antalgiques opiacés, notamment de distension gastrique. Chez le polytraumatisé, la ventilation mécanique après intubation trachéale est plus souvent utilisée par nécessité. Cette ventilation surtout avec un haut volume, bien que mieux tolérée sur le plan hémodynamique, peut engendrer un oedème lésionnel, de même que la ventilation à basse fréquence peut être délétère sur les zones saines. L’adjonction d’une PEEP (pression expiratoire positive ou pression télé-expiratoire) améliore la PaO2 sans augmenter la FiO2 excessivement. C’est une mesure courante dans le SDRA «classique». Elle étend peut être l’oedème périlésionnel alors même qu’elle améliore en apparence les résultats gazométriques. L’adaptation de la ventilation dans ces situations est donc difficile.
L’existence d’une contusion pulmonaire associée à un volet thoracique n’est pas pour certains chirurgiens thoraciques une indication à l’ostéosynthèse du volet. L’état antérieur du poumon et l’abstention de ventilation artificielle peuvent plaider en faveur d’une fixation. Il existe des données cependant qui montrent une dégradation de la fonction respiratoire après fixation des volets thoraciques, du fait de la mobilisation de liquides inflammatoires de l’hématome avec activation d’un processus destructeur pour le poumon. Chez des patients critiques il faut savoir attendre une semaine d’évaluation de la fonction respiratoire avant la fixation définitive (si elle est nécessaire) des lésions costales.
Les hématomes et les kystes aériens ont une résorption beaucoup plus lente que les contusions. A la phase initiale ils ne constituent pas une indication opératoire mais au-delà d’un an, en fonction du retentissement, on peut envisager une solution chirurgicale.
Motin J, Tabib A, Vedrinne JM, Contusions pulmonaires, Plaies et Traumatismes du thorax sous la direction de Carli P, Gandjbakhch I, Jancovici R, Ollivier JP, éditions Arnette
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Pulmonary contusion , Radiopaedia
Traumato Thorax , med univ Rennes
Contusions pulmonaires , SFAR
Contusion pulmonaire , MAPAR
Chest ultrasonography in lung contusion
Role of chest ultrasonography in the diagnosis of lung contusion
Thoracic trauma , Trauma.org
Traumatic pulmonary pseudocyst
Ah, ben ça change rien pour elle, mais je viens peut-être de comprendre la/une des cause(s) du décès d’une de mes patientes. Une histoire d’explosion de grenade, elle est arrivée bien amochée et avait une détresse respiratoire et hémoptysie, entre autres. Le chir lui avait posé un drain thoracique, elle avait un gros hémo-pneumothorax, pas de possibilité de bilan, de réa, elle est décédée après un œdème pulmonaire assez impressionnant le sur-lendemain. Elle a du être trop « remplie », c’était beaucoup « à l’aveugle » et chez la femme enceinte c’est pas évident.
Après, elle est peut-être aussi morte d’autre chose et on ne saura jamais.
Dis, merci d’écrire sur tout ça! Ça doit doit te prendre un temps fou, mais même moi j’ai peut-être compris un truc ou 2 en pneumo;)
La mortalité et la morbidité dans les traumatismes thoraciques sont multi-factorielles. En soi la contusion pulmonaire est plutôt une lésion focale constatée sur l’imagerie. Devant une explosion, il y a en plus des lésions traumatiques physiques, des brûlures potentielles et des lésions liées au blast. Celles-ci sont particulièrement virulentes sur l’appareil respiratoire.
Parlé un peu de victime de morsure du serpent
Je ne vois pas le rapport avec les contusions pulmonaires …