thoracotomie

petite encyclopédie de l'urgence

Hémorragie sous-conjonctivale

hemorragie conjonctivale

hémorragie conjonctivale en voie de résorption

L’hémorragie sous-conjonctivale est une image toujours un peu impressionnante mais quasiment jamais synonyme d’urgence.
C’est néanmoins une question fréquente de la part des patients inquiets, à juste titre de découvrir (souvent par le biais de l’entourage), un oeil injecté de sang.

La conjonctive tapisse la face interne des paupières, formant un cul de sac supérieur et inférieur et recouvre l’oeil à sa face antérieure en s’arrêtant au limbe de la cornée. Dans ce qui est visible de l’oeil, la cornée n’est donc pas recouverte par la conjonctive.
Ceci pour dire qu’un épanchement de sang sur le «blanc de l’oeil» a la même valeur qu’un hématome sous la conjonctive palpébrale, c’est à dire quasiment aucune.

Diagnostic et prise en charge

L’hémorragie conjonctivale HC peut être spontanée ou après un traumatisme sur l’oeil. Dans le premier cas il faut la considérer comme témoignant d’une fragilité des vaisseaux sous la conjonctive (or à l’état normal ce sont des capillaires très fins qui peuvent se rompre sans que ce soit anormal), ou d’un état transitoire de trop grande fluidité du sang.
Comme pour l’epistaxis, bien que classiquement décrite, la relation avec une hypertension artérielle n’est pas claire, une poussée hypertensive sévère peut en occasionner une, d’autant plus que les hypertendus ayant un autre antécédent ou facteur de risque vasculaire sont souvent sous antioagulants.
Après un traumatisme, l’examen cherche à vérifier l’absence de lésions d’éléments nobles du système de vision, or la conjonctive n’est qu’une petite muqueuse locale et n’a qu’un rôle accessoire. Une hémorragie conjonctivale peut être présente si une ecchymose périorbitaire est importante dans les fractures  de la pyramide nasale (HC interne), du cadre orbitaire et disjonction fronto-malaire (HC externe). Ce n’est pas seulement la pression positive liée au choc direct au voisinage de l’oeil, qui peut occasionner une HC, mais aussi une pression positive indirecte (blast, strangulation, asphyxie traumatique) ou négative (masque de plongée).
Une HC est aussi possible après injection locale anesthésique ou chirurgie ophtalmologique.
On peut voir aussi des hémorragies conjonctivales associées à d’autres saignements mineurs ou majeurs dans les troubles de l’hémostase, les accidents des anticoagulants (cf hématome sous anticoagulant), les thrombopénies, les CIVD et infections (fièvres hémorragiques , dengue , leptospirose). On peut en voir également en cas d’augmentation de pression thoracique, manoeuvre de Vasalva, vomissements, crise d’asthme sévère …

Hormis des cas explosifs, chez des patients sous anticoagulants (aspirine, clopidogrel, antivitamines K, héparine à dose curative) surtout en association ou en surdosage, qui pourraient se retrouver avec une tuméfaction importante en boule de sang près de l’oeil et qui gênerait à la fermeture de la paupière, ces hématomes sont souvent petits et on peut donc les respecter sans avoir à les drainer.
Des circonstances particulières avec variations de pression comme l’application d’un masque de plongée peuvent entraîner des ecchymoses au niveau de la face associées à des hémorragies sous conjonctivales.

D’ailleurs on parle plus volontiers d’hémorragie que d’hématome, parce que le sang diffuse en petites nappes sous la conjonctive bulbaire, plutôt que de s’organiser en une masse compacte.

Cet oeil rouge est indolore, se porte et surtout voit bien. S’il y a une douleur ou un prurit (démangeaison), dans une contexte de traumatisme, c’est qu’il y a déjà une plaie de la cornée, un corps étranger conjonctival, qui donnera une conjonctivite. S’il n’y a pas de traumatisme, il faut envisager un diagnostic différentiel d’oeil rouge douloureux (kératoconjonctivite, épisclérite, glaucome, uvéïte).
Généralement l’épanchement sanguin est plan, dès qu’il y a un relief important, c’est qu’il s’associe un oedème de la paupière (chémosis), dont l’origine n’est pas forcément bénigne : rechercher une fièvre, des signes inflammatoires locaux ou régionaux.
L’association d’une baisse d’acuité visuelle et d’une hémoragie sous-conjonctivale traduit la présence d’une autre pathologie en plus de l’hémorragie (glaucome, décollement de rétine, …). Ne pas confondre non plus avec oeil rouge et/ou douloureux d’une atteinte infectieuse : conjonctivite dont certaines formes peuvent être hémorragiques (enterovirus, coxsackie ?), kératite, uvéïte, dacryocystite, cellulite orbitaire …
Certaines maladies générales (diabète, goutte), terrains cardiovasculaires, l’âge avancé, vont occasionner des vaisseaux plus fins, plus tortueux avec un risque plus grand de petites hémorragies localisées.

Dans le cadre d’un traumatisme, il faudra rechercher une autre lésion du globe oculaire, parfois évidente car il y a une autre anomalie de la chambre antérieure de l’oeil. Parfois, cette anomalie n’est pas évidente et touche la chambre postérieure et la rétine. Naturellement dans un contexte de traumatisme oculaire pénétrant, on peut voir une plaie de la sclère (l’enveloppe qui fait les 3/4 de l’oeil, et qui s’arrête à la cornée) qui s’accompagnera au passage d’une hémorragie sous-conjonctivale.

Si la présence de sang est centrale, c’est à dire au niveau de la cornée, c’est une autre pathologie et à ce moment là, la gravité est toute autre.
On ne voit pas d’hémorragie cornéenne, la cornée n’étant pas vascularisée, mais on peut voir des hémorragies de la chambre antérieure (entre la cornée et le cristallin) sous forme d’un niveau liquide très net, c’est un hyphéma (pour mémoire, la présence de pus et non de sang à ce niveau se nomme hypopion).

Le diagnostic différentiel peut se poser pour des atteintes localisées et plus en relief, chroniques : tumeurs bénignes ou malignes de la conjonctive, fistule artério-veineuse. Les saignements depuis la conjonctive sont assez rares et répondent en général à une inflammation importante de la conjonctive. L’épisclérite donne un tableau de rougeur localisée, par inflammation des vaisseaux entre la conjonctive et la sclère, sans épanchement sanguin entre ces vaisseaux, douloureuse, avec sensibilité à la palpation et guérissant spontanément. La sclérite est l’inflammation de la sclère elle-même (maladies systémiques), focale ou diffuse hyperhémiée et peut être grave avec un risque pour la vision.

Encore une fois, spontanément et à plus forte raison au cours d’un traitement anticoagulant (pas forcément surdosé), on peut voir apparaître des hémorragies sous la conjonctive et il n’y a aucun traitement à entreprendre (sauf correction du surdosage).
Si ces hémorragies sont vraiment très fréquentes ou associées à d’autres signes, chez un patient sans antécédent particulier, on pourra discuter la réalisation d’une numération formule sanguine et des plaquettes à la recherche d’une éventuelle thrombopénie ou hémopathie (leucémie), et ce surtout si d’autres petites hémorragies spontanées apparaissent : epistaxis, gingivorragies, saignement des muqueuses inexpliqué, plaies cutanées saignant longtemps, …). Les bilans d’hémostases peuvent être plus complexes en fonction du contexte suspecté (troubles de la crase sanguine, hémophilie, autres déficits des facteurs de coagulation.
De même chez le patient sous antivitamines K (fluindione, coumadine, …) ce sera l’occasion de contrôler le bilan de coagulation, de dépister une insuffisance rénale à risque d’accumulation de certains anticoagulants et de risque hémorragique en cas d’insuffisance rénale chronique décompensée.

On vérifiera aussi la pression artérielle pour dépister une éventuelle hypertension artérielle mal contrôlée.

Références

Oeil rouge Université St Etienne

Item 81, item 212, Oeil rouge et/ou douloureux, Université de Nantes

Oeil rouge, avec schémas simplifiés pour le diagnostic différentiel

Garder l’oeil ouvert

Ocular bleeding due to anticoagulation , NEJM

Mask squeeze – red eyes and bruised cheeks after scuba diving

Pubmed :

Analysis of subconjunctival hemorrhage

Tick-borne relapsing fever: conjunctival haemorrhages

Characteristics of ocular abnormalities in gout patients

Unexpected finding in ocular surface trauma: a large intraorbital foreign body (bullet

Leptospirosis after typhoon

Uremic bleeding with pericardial and subconjunctival hemorrhage

Orofacial manifestations of hematological disorders: anemia and hemostatic disorders

Purtscher-like retinopathy following valsalva maneuver effect: case report

Periorbital cellulits–a mistaken diagnosis!

Management of complications in glaucoma surgery

Bilateral subconjunctival haemorrhage in childhood enteric fever

Red eyes after a gang-fight

Neonatal haemorrhagic conjunctivitis: a specific sign of chlamydial infection

Acute presentation of vascular disease within the orbit—a descriptive synopsis of mechanisms

Ocular complications associated with bungee jumping

Subconjunctival haemorrhage: a feature of acute severe asthma

Spontaneous subconjunctival haemorrhage–a sign of hypertension?

Fractures of the zygomatic complex

Bleeding from the conjunctiva

Massive bilateral subconjunctival hemorrhage revealing acute lymphoblastic leukemia (abstract)

Publicité

4 commentaires sur “Hémorragie sous-conjonctivale

  1. zigmundoph
    25 septembre 2011

    bien vu ! tout y est ! il manque une photo je vais en chercher une dans mes archives

    • thoracotomie
      25 septembre 2011

      merci mais jamais de photos sur ce site ! que des illustrations faites à la main (c’est le gros challenge), faites d’après de vraies photos quand même

  2. Camille Froehlicher
    25 septembre 2011

    Et n’oublie pas les fous de l’ordi qui se bousillent les yeux avec leur écran trop près et qui se font griller le lendemain par leurs proches (je ne parle évidemment pas de moi tralalala)

    Ayant eu quelques conjonctivites et quelques hémorragies spontanées, cet article me parle tout à fait !

    _____________
    « t’as de beaux yeux, tu sais? »

  3. zigmund
    28 septembre 2011

    pour les photos je ne savais pas
    c’est encore mieux en tout cas c’est un super défi

Quelque chose à ajouter ?

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Information

Cette entrée a été publiée le 25 septembre 2011 par dans Ophtalmologie, Traumatismes de la face et du cou, Traumatologie, et est taguée , , , , , , , , .

YouTube