C’est la présence anormale d’un objet ou plutôt d’un fragment de matériel contre la conjonctive, se coinçant sous la paupière supérieure ou inférieure.
Le cul-de-sac conjonctivo-palpébral supérieur étant plus important que l’inférieur, c’est donc dans ce premier que les corps étrangers se logent de façon préférentielle.
D’origine accidentelle par projection, il n’y a jamais contrairement à l’insertion de corps étrangers dans les cavités naturelles, d’origine intentionnelle (ou alors il faudrait vraiment être délirant, tordu, etc). On va donc retrouver beaucoup d’accidents de bricolage et d’accidents du travail.
La projection de liquide dans l’oeil se base sur le même principe, mais la nature du liquide créera une lésion à type de brûlure chimique (éventuellement une contamination infectieuse). Certains corps étrangers très durs et «travaillés» comme des copeaux de métal peuvent aussi entraîner une brûlure thermique sur la conjonctive et la cornée.
La nature solide du corps étranger même de très petite taille (grain de sable) dans un espace de glissement qui ne peut le tolérer entraine toujours une irritation soit de la conjonctive palpébrale ou bulbaire, douloureuse mais en soi peu dangereuse, soit de la cornée en créant une kératite beaucoup plus dangereuse puisqu’elle risque d’altérer la première interface des moyens de vision de l’oeil.
Le corps étranger est rarement à l’origine d’une perforation traumatique de la cornée ou de la conjonctive et de la sclère. Il faut pour ça un matériel très dur, métallique par exemple, de taille imposante et projeté avec une cinétique importante.
Le tableau clinique est donc celui d’une conjonctivite post-traumatique sauf qu’il faut s’attendre à la possibilité d’une kératite associée en kératoconjonctivite. La notion de réception brutale d’un fragment de matériel est ressentie clairement par le patient (souvent au décours d’une activité à risque : menuiserie, métallurgie, …) et la perception du corps étranger permanente à chaque clignement de l’oeil. L’oeil est rouge, douloureux unilatéralement (mais si pas de chance, les projections peuvent être bilatérales), larmoiement et un blépharospasme. Il n’entraine pas généralement d’hémorragie conjonctivale. Il y a toujours la notion de projection dans l’oeil, donc le différentiel avec un glaucome par exemple ne se pose généralement pas.
La plupart des patients consultent rapidement dans les heures qui suivent le traumatisme, parfois quelques jours avec une conjonctivite bien installée voire des ulcères de cornée.
Le premier geste à réaliser est l’extraction du corps étranger. Elle est souvent facile à mettre en oeuvre, les corps étrangers se logeant dans le cul de sac supérieur, il faut retourner la paupière en tirant dessus et en appuyant sur sa face cutanée, en s’aidant d’un petit bâtonnet (coton tige), pour que le cartilage tarse se «luxe» devant l’oeil. Ceci révèle généralement le débris qui peut être simplement enlevé à la lançette ou avec une petite pince.
En l’absence de tout moyen médical, la simple éversion de paupière suffit dans la plupart des cas, et elle n’est pas dangereuse.
Si l’extraction s’avère laborieuse à réaliser, une goutte de collyre anesthésiant peut être instillée avant pour faciliter le geste. Mais un corps étranger déjà enclâvé, surtout au niveau cornéen ne doit pas faire réaliser des manipulations intempestives. Il vaut mieux confier le patient à l’ophtalmologiste de garde qui pourra extraire le CE avec un matériel approprié sous loupe et régulariser une érosion cornéenne à la fraise.
Si on ne retrouve aucun débris, il faut vérifier qu’il ne soit pas dans le cul-de-sac inférieur ou aux angles de l’oeil. Il se peut que le corps étranger ait déjà été évacué spontanément ou par manipulation par le patient lui-même et que les symptômes soient dûs à l’irritation engendrée par le CE. Si les symptômes persistent plusieurs jours, il faut recontrôler
Après l’ablation du corps étranger, la fluorescéïne permet de visualiser une érosion cornéenne, toujours utile à dépister, elle est évidemment mieux vue en lumière violette et donc par l’examen de l’ophtalmologiste. Pour certains corps étrangers il reste parfois des traces de rouille incrustés qu’il faudra nettoyer.
Le traitement secondaire est un traitement de conjonctivite visant à aider la conjonctive et la cornée à cicatriser et se base sur des collyres antiseptiques et de la vitamine A en pommade ophtalmique, éventuellement une pommade antibiotique surtout en cas d’érosion cornéenne +/- pansement oculaire.
Il n’est pas possible d’éviter toutes les projections accidentelles, faisant partie des accidents de la vie, mais il est souvent possible d’en éviter certaines. Que ce soit pour la pratique domestique ou dans le cadre professionnel, l’utilisation de machines à haut potentiel de projection de fragment doit être associée au port de lunettes de protection.
Un cas particulier de corps étranger conjonctival concerne les porteurs de lentilles correctrices ou lentilles de contact. C’est assez exceptionnel avec les lentilles souples jetables, mais l’évènement est possible avec des lentilles plus rigides. Il peut se produire aussi pour les lentilles mensuelles qui sont à retirer pour la nuit. Tout porteur de lentilles qui s’est déjà endormi avec des lentilles comprendra de quoi il s’agit, et le retrait des lentilles après une nuit peut être difficile et est assez douloureux, au risque même d’entraîner une conjonctivite ou une kératite par tentatives répétées. Le plus souvent la lentille est trop adhérente à la cornée mais finira par pouvoir être ôtée en la réhumidifiant. Parfois elle se plie sur elle-même, voire se rompt et glisse sous le tarse, se comportant comme un corps étranger classique.
Atlas de poche en couleurs d’Ophtalmologie, sous la direction de G.K. Lang, éditions Thieme Maloine
Traumatologie et ophtalmologie, Université de Saint Etienne (ATTENTION aux 2 illustrations en haut de page sur ce lien, un peu gore)
Trick of the trade : fluorescein for lost contact lens
Corneal abrasions and foreign bodies. Drs Potts and Winn
concernant le coton tige : bonne idée pour retourner la paupière
mais à bannir pour tenter d’enlever un corps étranger cornéen parce qu’on l’enfonce à tous les coups