La ponction lombaire PL, lumbar puncture en VO ou spinal tap (attention c c’est surtout un film de Rob Reiner de 1984 sur les aventures d’un groupe fictif de heavy metal) est l’analyse du liquide cérébro spinal LCS (ex-céphalo-rachidien LCR) par ponction de l’espace sous arachnoïdien au niveau lombaire.
Sommaire
C’est un geste assez simple, qui a globalement peu de risques, le principal étant de ne pas réussir à obtenir le LCR. C’est un geste qui n’est pas très populaire aux urgences, par ses connotations. L’envisager c’est affirmer qu’il y a une suspicion de méningite infectieuse et ça devient un peu stressant pour tout le monde (patient, entourage mais aussi soignant). Le bénéfice d’information apportée (positif guide la thérapeutique anti-infectieuse, négative permet de s’en passer) dépasse largement ses inconvénients, en particulier les céphalées post ponction.
On l’appelait aussi, Quincke’s puncture, chez les anglo-saxons puisque c’est Heinrich Quincke (qui comme son nom l’indique n’était pas très anglo-saxon) qui a répandu l’emploi de la ponction lombaire en médecine. Bien qu’il n’en soit pas le 1er utilisateur, qui devait être Walter Essex Wynter.
Les indications d’une PL en urgence diffèrent sensiblement des indications diagnostiques des PL de service de neurologie, médecine interne, la technique reste la même.
L’adage qui veut que le fait de penser à faire une PL impose de la réaliser reste valable la plupart du temps. La reporter, la différer l’est le plus souvent pour de mauvaises raisons : pas le temps, pas le personnel (au – 2 voire 3 personnes), signes incomplets, … Au final le geste ne « consomme » ni trop de temps ni trop d’énergie de l’équipe, et les tableaux atypiques peuvent exister.
La ponction lombaire même négative donne plus de renseignements au final que des hémocultures systématiquement pratiquées dans toute infection.
La PL est beaucoup plus répandue aux urgences pédiatriques qu’aux urgences adultes et elle est communément admise dans l’arsenal diagnostique du bilan des fièvres de l’enfant d’autant plus que le diagnostic est plus difficile, moins stéréotypé.
Les contre-indications absolues sont assez rares :
Une parenthèse : situation médicale avec tableau neurologique nécessitant un bilan en hospitalisation, sans signes méningés : à mon sens il n’est pas logique d’exiger la ponction lombaire aux urgences, elle peut très bien être réalisée dans le service, ce qui permet de désengorger les urgences. A condition que l’admission se fasse rapidement ce qui n’est pas toujours simple … au pire la ponction peut être réalisée aux urgences avec prélèvement d’un tube à part pour une n-ième analyse spécialisée et on attend pas les résultats..
Expliquer la procédure au patient/ l’entourage : le rattachement de la technique à la méningite fait souvent peur. Les américains feraient signer un recueil de consentement … ce n’est pas encore dans notre culture. Il faut tenir informé son patient, surtout dédramatiser et lui dire que le geste lui permettra d’être fixé rapidement plutôt que de laisser un doute. Bien évidemment personne n’a envie de se retrouver avec une aiguille plantée dans le dos et un mal de crâne après, mais si ça peut permettre de diagnostiquer/traiter ou éliminer une affection toujours mortelle ou invalidante aujourd’hui, il faut imposer sa décision (pour une noble cause).
Installation du patient : s’il tient assis, penché en avant, dos rond, contre une tablette, un oreiller ou un soignant qui le maintient, pieds relevés sur un tabouret ; sinon decubitus latéral, replié sur lui même. Le dos rond permet d’ouvrir l’espace intervertébral et facilite la ponction. Il n’est pas douloureux puisque c’est l’extension qui est difficile/douloureuse. C’est bien la jonction dorso-lombaire qui doit être courbée et pas réaliser une flexion forcée de la nuque qui est douloureuse et inutile. Vérifier que le rachis lombaire est perpendiculaire au plan du lit en position assise et parallèle en decubitus latéral pour éviter les ponctions latéralisées. L’aide surveille les réactions du patient : douleur, malaise le plus souvent vagal assez fréquent et sans gravité.
Désinfection soigneuse de la partie basse du dos jusqu’aux repères des crêtes iliaques, par exemple en 4 temps à la polyvidone iodée et gants stériles. Masque, charlotte, tenue stérile peut être un peu exagéré pour les 2 derniers mais pourquoi pas mais le fait de ne pas les utiliser permet peut être de désacraliser le geste qui est toujours un peu stressant chez le sujet conscient. Champ stérile troué ou pas selon les habitudes.
Aiguilles spécifiques longues à embase noire, jaune, rose (se méfier selon les fabricants le codage couleur n’est pas toujours équivalent au même diamètre) 25 G, 24 G, 22 G (semble le meilleur compromis), 20 G, 18 G et au-delà non conseillées : plus l’aiguille est fine et moins traumatique sera la ponction, mais plus le risque d’échouer en tordant l’aiguille est grand. Il en existe différentes sortes selon la forme de la pointe : les classiques en biseau de Quincke, pointue à oeillet latéral de Whitacre, encore plus arrondie mousse atraumatique de Sprotte, … Pour les aiguilles les plus fines, il existe des introducteurs courts larges pour le franchissement de la peau type 20 G pour une aiguille atraumatique de 22 G.
Tubes de prélèvement en général type tubes à essais courts et fins, mais n’importe quel pot stérile suffit et le laboratoire se débrouille (le prévenir qu’il y a un liquide cérébro-spinal à analyser en fonction de leurs protocoles locaux).
Le repérage du point de ponction et son marquage au crayon est bien … quand le crayon est stérile, sinon de toutes façons il risque d’être effacé au cours de la désinfection. Mieux vaut peut être marquer les reliefs des épines iliaques pour garder le repère de la ligne virtuelle horizontale les rejoignant.
Anesthésie locale si on a le temps avec patch lidocaïne/prilocaïne Emla® 5% ou crème sous Opsite®, sinon courte anesthésie locale par infiltration cutanée à la lidocaïne 1% voire sans.
Repérage des crêtes iliaques à hauteur de L4, le point de ponction se situe autour de la ligne de jonction sur la ligne médiane, dans l’espace L4-L5 ou dans l’espace L3-L4. La moelle épinière s’arrête en L2, à cette hauteur on ne risque donc pas de piquer dans la moelle (au maximum de stimuler une racine nerveuse, les patients décrivent parfois le ressenti d’une décharge électrique dans un membre inférieur) : il suffit de bouger un peu l’aiguille.
Insertion de l’aiguille avec son trocart au point de ponction choisi, sur la ligne médiane, avec une direction légèrement inclinée vers le haut et l’avant de 15° en position assise (latéralement vers la nuque du patient en decubitus latéral). L’aiguille doit être insérée avec la direction du biseau sur le côté en position assise (et vers le haut ou le bas en decubitus latéral) : les fibres de la dure mère étant verticales, l’insertion de l’aiguille avec le biseau latéralisé permet d’écarter les fibres plutôt que de les couper et ceci réduit vraisemblablement le risque de syndrome post PL.
L’aiguille traverse la peau, le tissu sous-cutané, et différents ligaments plus ou moins épais jusqu’au ligament jaune qui ferme le canal vertébral en postérieur. On sent ainsi différentes résistances au fur et à mesure de l’avancée (ce n’est pas toujours le cas). Si l’aiguille bute sur l’os, soit elle s’est fichée dans la partie arrière d’une vertèbre soit elle a traversé le canal vertébral jusqu’au corps vertébral (rare). Il faut en général la retirer jusqu’en sous cutané et réavancer en changeant l’inclinaison.
A partir du moment où on pense avoir atteint le ligament jaune (et même dès la pénétration de la peau pour certains), on retire le guide de l’aiguille pour visualiser le reflux de LCR. S’il n’y en a pas, on replace le guide et on recule/réavance l’aiguille jusqu’à obtenir (c’est là le risque de tordre son aiguille et de ne plus pouvoir rien faire). S’il apparait, on retire complètement le guide et on collecte le LCR dans les tubes en analysant l’aspect du liquide trouble ou clair. Si le débit est faible on peut tourner l’aiguille de 90°.
Au moment de la ponction et avant les prélèvements, si nécessaire, on peut connecter un dispositif de mesure de la pression du liquide cérébro spinal (patient en décubitus latéral). Le recueil de liquide se fera alors sur le système de la tubulure à 3 voies et surtout sans aspiration à la seringue.
En général 10 gouttes dans chaque tube, on trouve différentes recommandations qui conseillent 3, 4, 6 tubes ! Il faut collecter en fonction de ce que l’on recherche. Plus on soustrait de liquide plus les complications peuvent apparaître. Généralement le laboratoire n’a pas besoin d’énormément de liquide pour permettre de trancher entre méningite bactérienne et virale, il faut garder un tube de sécurité pour des analyses ultérieures. Ce n’est pas consensuel mais au pire des cas une cytologie et un examen direct en urgence (et mise en culture) suffisent, la chimie n’est qu’une aide diagnostique mais ne signe pas le diagnostic.
En fin de ponction, on replace le guide métallique dans l’aiguille pour stopper l’écoulement du LCR, et on prévient qu’on retire l’aiguille. On comprime gentiment à la compresse et on appliquer un pansement stérile.
Si le patient n’est pas admis, il faut lui expliquer quelques consignes simples, prescrire repos et analgésiques (pas d’aspirine ni d’anti-inflammatoires) et anti-émétiques
Petite mode à l’heure actuelle dans les pays anglo-saxons, de tout faire sous écho (je ne vais pas en dire du mal, je trouve ça particulièrement stimulant ce boom de l’échographie aux urgences). L’intérêt réel est cependant à mon avis plus mince pour la PL que pour les ponctions de séreuses. Le problème comme toujours c’est de disposer d’un bon matériel d’échographie immédiatement (compliqué d’emprunter le matétriel d’un autre service, pas souhaitable de réaliser la technique en salle de radiologie). L’avantage supposé est la mesure de la distance à franchir pour arriver au sac dural et l’angulation à fournir.
Le syndrome post PL est assez fréquent, touche plus facilement les suites de rachi-anesthésie que de ponctions lombaires diagnostiques, se voit chez l’adulte jeune, la femme et pendant la grossesse. Provoque des céphalées, des nausées entre 12 à 72 heures après la ponction, majorées par la position assise ou debout, s’atténuant en décubitus dorsal. Bénin, guérit spontanément en 3 à 5 jours. Les cas les plus résistants (> 1 semaine ou céphalée sévère > 48h) peuvent bénéficier de l’injection du sang du patient dans l’espace épidural en blood-patch par un anesthésiste. Prévention : ni le repos immédiat strict allongé, ni l’hydratation, ni quoi que ce soit n’a réellement prouvé qu’il permettait de réduire le risque de survenue de ce syndrome..
Une petite étude tend à montrer une certaine efficacité de la théophylline injectable pour diminuer rapidement la douleur.
Le LCR normal a un aspect macroscopique transparent eau de roche, comporte moins de 5 élements/mm3 (plutôt < 10-30 chez le nouveau-né), a une protéinorachie (< 0,4 g/l) et glycorachie normales (< 60% de la glycémie). Le dosage de la chlorurorachie est moins utile. Il devient trouble pour un nombre de leucocytes > 200 et reste considéré comme purulent > 10 élements/mm3 avec protéinorachie élevée et hypoglycorachie (> 40% glycémie). En dessous on a le liquide clair mais perturbé biologiquement avec LCR « lymphocytaire » > 10 élements dont > 50% lymphocytes, protéinorachie élevée et normoglycorachie (virus) ou hypoglycorachie (Listeria, Tuberculose avec hypochlorurorachie). Le LCR « panaché » > 10 éléments sans prédominance lymphocytaire/polynucléaires avec protéinorachie/glycorachie normales peuvent être des étiologies bactériennes particulières ou une méningite virale débutante, un abcès cérébral. Le LCR hémorragique se traduit parfois biologiquement par un nombre d’élements importants de globules rouges > 1000, ce qui finit par augmenter la protéinorachie aussi.
La mise en évidence par examen de Gram est positive dans 60 à 90% des cas sans antibiothérapie préalable. C’est notamment vrai pour Streptococcus pneumoniae, Hemophilus influenzae, moins pour Neisseria meningitidis, Listeria monocytogenes. Dans les cas difficiles on peut s’aider d’une recherche d’antigènes solubles dans le LCR (pneumocoque, hemophilus, meningocoque, Streptocoque galactiae, Escherichia coli K1, Cryptocoque). On peut obtenir un antibiogramme en 18h en cas de positivité du direct, confirmé secondairement par technique classique.
Les méningites non communeautaires (après intervention neurochirurgicale par exemple) sont liées au staphylocoque doré, pneumocoque, Entérobactéries et Pseudomonas. Les méningites virales comportent de très nombreux agents infectieux dont un des plus connus lié à l’herpès virus en méningoencéphalite herpétique. D’autres agents infectieux rares sont susceptibles de donner une atteinte méningée : maladie de Lyme, neurosyphilis, méningites chez l’immunodéprimé y compris primo-infection à VIH, trypanosomiase africaine « maladie du sommeil », paludisme grave …
Maintenir l’isolement infectieux tant qu’on a pas le résultat de l’examen direct. Garder le patient au calme mais sous surveillance notamment en cas d’altération de conscience ou de l’état général. Analgésiques non sédatifs.
Démarrer l’antibiothérapie si le liquide est trouble, devrait attendre le résultat de l’examen direct mais le facteur précocité d’administration prime : au plus tard dans les 3 heures, si possible dans l’heure suivant l’arrivée à l’hôpital. A moduler en fonction de la suspicion :
Corticothérapie immédiate par dexamethasone injectable sur 4 jours (bénéfice sur la mortalité et les séquelles auditives) : méningocoque, pneumocoque (adulte) ; pneumocoque, Haemophilus (enfant) ; contre-indiqué chez l’immunodéprimé.
L’antibiothérapie (+/- aciclovir dans la suspicion de méningite herpétique) est commencée dès la positivité de l’examen direct sauf en cas de purpura fulminans ou de méningite constatée en extra-hospitalier avec évacuation impossible en moins de 90 minutes auquels cas, elle est donc débutée avant ponction.
Orientation en Réanimation des formes les plus sévères, Neurologie, Infectiologie ou Médecine polyvalente des syndromes méningés sans signes de gravité.
Chimioprophylaxie des sujets contact par rifampicine (ciprofloxacine ou ceftriaxone en cas de contre-indication ou résistance àa la rifampicine) en cas de méningite confirmée à méningocoque ou Haemophilus. Vaccination si sérogroupe de méningocoque A, C, Y, W135.
Chen H, Sola JE, Lillemoe KD, Gestes médico-chirurgicaux au lit du malade, Pradel
Dallot JY, Bordelout A, Guide pratique des gestes médicaux, Maloine
Urgences 1 click, iPhone et Android, sous la direction du Pr Patrick Plaisance
Examen cytochimique et bactériologique d’un liquide céphalo-rachidien, bacterioweb
Infections du système nerveux central, infectiologie, présentation
Méningites bactériennes, le point sur les recommandations de 2008, SFMU
Place de l’échographie dans les anesthésies périmédullaires, MAPAR
Blood patch : technique, indications, résultats, SFAR
Lumbar puncture, Lumbar puncture and post dural puncture headaches : implications for the emergency physician , IV Theophylline Quickly Reduces Lumbar Puncture Headache , Medscape
Focus On: Ultrasound-Guided Lumbar Puncture
Paucis Verbis card: Skipping the CT prior to LP for meningitis
Post-dural puncture headache: pathogenesis, prevention and treatment
Un peu de Pubmed en accès libre : (des articles sur des complications post PL qui apparaissent dans la recherche par un biais, forcément ce qui est rare va faire l’objet d’une publication en case report)
Paradoxical Transtentorial Herniation Caused by Lumbar Puncture after Decompressive Craniectomy
Ovarian small cell carcinoma complicated by carcinomatous meningitis
Needle-Entry Angle for Lumbar Puncture in Children as Determined by Using Ultrasonography
Spinal coning after lumbar puncture in a patient with undiagnosed giant cervical neurofibroma
The role of lumbar puncture and pressure-lowering therapy for transverse dural sinus thrombosis
Cerebellar Herniation after Lumbar Puncture in Galactosemic Newborn
Use of ultrasound to facilitate difficult lumbar puncture in the pediatric oncology population
Multidetector CT-Guided Lumbar Puncture in Patients with Cancer
Spondylodiscitis Occurring after Diagnostic Lumbar Puncture: A Case Report
chez l’adulte
chez l’enfant
(chaîne YouTube de Larry Mellick, plusieurs vidéos de PL)
Sous échographie