thoracotomie

petite encyclopédie de l'urgence

Hypokaliémie

hypokaliemie banane

banane en coupe longitudinale, classiquement décrite comme riche en potassium

L’hypokaliémie fait partie des découvertes déplaisantes des bilans sanguins (un peu plus suspectées quand même que les hyponatrémies). Le potassium étant principalement un cation intra-cellulaire, son taux sanguin est relativement bas comparé au sodium, et se situe entre 3,5 et 4,5 ou 5 mmol/l.

Diagnostic

Les signes cliniques associés aux hypokaliémies sont très peu spécifiques et ils sont souvent sous-évalués ou mis dans un vocable d’altération de l’état général inexpliquée. Les signes cliniques se positionnent  sur un versant de faiblesse et de ralentissement :

  • signes musculaires : faiblesse musculaire diffuse, hypotonie, myalgies, parésie des racines des membres, abolition des réflexes ostéo-tendineux
  • signes digestifs : constipation, météorisme et iléus paralytique, dilatation gastrique

Le contexte peut être très évocateur : situations à risque de fuite potassique : vomissements, diarrhée, traitement diurétique surtout sans supplémentation potassique.

Confirmation biologique

L’hypokaliémie existe pour une kaliémie < 3,5 mmol/l. Les signes cliniques n’apparaissent en général que pour des hypokaliémies profondes < 2 mmol/l. Le dosage biologique se fait dans le ionogramme plasmatique. Idéalement ce dosage devrait être fait sans garrot et sans manoeuvre de pompage au niveau de la main, de même que le transport devrait être rapide au laboratoire sans séjour prolongé sur la paillasse. Ces précautions qui sont parfois prescrites plutôt pour la confirmation des hyperkaliémies, sont là pour ne pas sous-estimer la profondeur d’une hypokaliémie avec un résultat limite bas voire normal.

ECG

L’ECG a une certaine valeur, puisqu’il montre des perturbations pour des kaliémies entre 2,3 et 3 mmol/l. Classiquement plus l’hypokaliémie est profonde et plus les anomalies sont stéréotypées dans cet ordre :

  • aplatissement de l’onde T
  • réapparition de l’onde U qui suit l’onde T
  • déformation et dépression du segment ST
  • fusion du ST déformé avec l’onde U faisant croire à un pseudo allongement du QT (attention il peut exister des causes de QT long quand même dans ce contexte)

Les perturbations non spécifiques mais souvent observées sont liées aux cardiopathies sous-jacentes ou aux traitements en cours (de manière croissante avec la sévérité de l’hypokaliémie) : extrasystoles auriculaires ou ventriculaires, tachycardie supraventriculaire et fibrillation auriculaire, tachycardie ventriculaire bidirectionnelle, fibrillation ventriculaire. La présence d’une bradycardie expose au risque de tachycardie ventriculaire polymorphe à QT long autrement appelée torsade de pointe.

Etiologies

Les situations évidentes de pertes liquidiennes digestives, ou de prise de diurétiques surtout dans les états de surcharge oedémateuse chronique peuvent être corrigées sans recherche d’autre étiologie.

En cas de difficulté, le diagnostic étiologique fait appel au dosage du potassium urinaire sur échantillon. Hors cause très évidente et hypokaliémie peu profonde, il est très souvent utile pour déterminer l’origine rénale ou extra-rénale des pertes (les 2 origines pouvant être associées). En dehors de ces origines il existe aussi des hypokaliémies de transfert, souvent iatrogènes (insuline, béta 2 mimétiques dans l’asthme et les décompensations de BPCO, chloroquine), au cours des alcaloses respiratoire ou métabolique, de certaines pathologies à libération de catécholamines (infarctus, traumatisme crânien), au cours de la paralysie familiale hypokaliémique (origine génétique : accès brefs de faiblesse musculaire de quelques heures se corrigeant rapidement sous potassium oral).

< 10 mmol/l l’origine est extra-rénale, et bien souvent digestive

  • anorexie et carence d’apport
  • vomissements, aspiration digestive classiquement décrits comme causes digestives directes mais souvent liés à une perte rénale dans un contexte d’alcalose hypochlorémique et hyperaldostéronisme dûe à l’hypovolémie
  • diarrhée, laxatifs, tumeur villeuse rectosigmoïdienne, fistules digestives, dérivations urétérales
  • pertes sudorales (exercice prolongé et coup de chaleur, delirium tremens)

> 20 mmol/l l’origine est rénale

  • diurétiques de l’anse, thiazidiques
  • autres médicaments : amphotéricine B, fosofmycine, cisplatine, …
  • polyurie de l’acidocétose diabétique, de l’hyperosmolarité, syndrome de levée d’obstacle
  • hyperaldostéronisme primaire : glicyrrhizine, syndrome de Conn
  • hyperaldostéronisme secondaire : insuffisance cardiaque, cirrhose, syndrome néphrotique, syndrome de Bartter, HTA sévère et sténose de l’artère rénale
  • hypercorticisme maladie de Cushing et corticothérapie
  • alcalose, hypomagnésémie, néphropathie tubulo-interstitielle, …

Traitement

La correction se fait oralement pour des hypokaliémies peu sévères et en l’absence de vomissements (ou de nécessité de garder le patient à jeûn). Les carences alimentaires doivent être corrigées avec encouragement pour certains aliments classiquement riche en K+ (les fruits en sont riches mais plus secs que frais, de même que les noix et céréales) mais une alimentation normale et variée avec viande, légume et laitages doit pouvoir apporter les ressources nécessaires en potassium pour l’organisme.

1g de chlorure de potassium apporte 13 mmol de K+. La supplémentation en KCl se fait aux alentours de 3 à 6 gelules à 600 mg de KCl par jour en 3 prises. Par sonde gastrique, on peut utiliser du sirop de potassium.

En cas d’hypokaliémie sévère, de troubles du rythme, d’intolérance digestive, la supplémentation se fera par voie intraveineuse. Classiquement sur une voie veineuse centrale car le produit est veinotoxique mais pour des kaliémies limite il est peut être exagéré de faire poser un KT central juste pour cette raison. Il est plus simple d’augmenter la dilution (1 g dans 60 à 100 ml de NaCl 9‰ pour la SE). L’administration se fait généralement par seringue électrique pour éviter une surcharge brutale risquant une hyperkaliémie. En cas d’administration dans une poche de perfusion il ne faut dépasser 4g de KCl par litre de soluté. Il y a un risque d’hyperinsulinisme et d’hypokaliémie réactionnelle avec l’utilisation de soluté glucosé comme vecteur. Dans tous les cas le débit doit être surveillé et sans dépasser 1 g KCl par heure (même s’il est rare de passer en hyperkaliémie). Il est prudent de commencer par une dose de 2 à 4 g et de contrôler après la recharge.La dose totale est variable en fonction de chaque situation (6 à 12 g/24h) et sera adaptée en fonction des ionogrammes de contrôle. L’hypomagnésémie est un facteur aggravant de l’hypokaliémie et la recharge du pool de magnésium potentialise la recharge potassique (dose initiale comme pour la torsade de pointe et éventuellement qqs g sur 24h).

Il faut bien évidemment arrêter les médicaments responsables de  l’hypokaliémie quand c’est possible. Toujours vérifier le traitement de base : la présence d’antiarythmiques et surtout de digitaliques rend les hypokaliémies même peu profondes dangereuses par risque de trouble du rythme ventriculaire. Il faut donc arrêter les digitaliques.

Le Soludactone 200 mg 2 à 3 fois par 24h accélère la recharge potassique en cas de fuite rénale et en l’absence di’nsuffisance rénale.

Les troubles du rythme cardiaque sont traités en fonction de l’aspect ECG : ESV : pas de traitement spécifique, FA : ralentissement de la FA rapide,  anticoagulation si elle se prolonge, FV et TV mal supportée : choc électrique externe. La torsade de pointe, le magnésium intraveineux est indiqué : 2 à 3 g de MgCl ou MgSO4 en 30 min et dose d’entretien 1g/h sur 12 à 24h (si échec : lidocaïne, ne pas utiliser l’amiodarone).

Les diurétiques utilisés en urgence dans les états oedémateux doivent bénéficier d’une supplémentation potassique en prévention de l’hypokaliémie.

Enfin les patients sous inhibiteurs de l’enzyme de conversion ne doivent pas ou peu recevoir de supplémentation potassique car la kaliémie se corrige généralement sous traitement IEC.

Références

Urgences médicales, A.Ellrodt, Editions Estem

ECG d’hypokaliémie sur e-cardiogram

urgences serveur : hypokaliémie

l’hypokaliémie au quotidien : est ce qu’une banane par jour peut prévenir tous les maux ? hypokaliémie : diagnostic et prise en charge

Dyskaliémies, SFAR

hypokalemia Medscape

hypokalaemia, Life in the fast lane

hypokalemia Merck Manual

hypokaliémie avec bloc de branche droit sur le blog de Dr Smith

un cas d’hypokaliémie sur hypothermie sévère

“T-U-P” Syndrome, or Pseudoatrial Flutter, NEJM Images in clinical medicine

Médias

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5 commentaires sur “Hypokaliémie

  1. Reverie (@DitesmoiVous)
    6 novembre 2013

    bravo – je n’ai pas fini encore
    mais j’ai peur d’oublier :
    juste une petite coquille  » hors cause « – hop je reprends ma lecture

  2. ferdinand
    9 novembre 2013

    merci votre site est cool je prepare l ecn je suis en D4 et ca m aide. c est une bonne presentation. merci a vous

    • thoracotomie
      10 novembre 2013

      merci pour votre commentaire
      juste une remarque : j’aime bien faire partager ce que j’ai appris et que j’apprends encore aujourd’hui aux étudiants parce que je considère que tout ceci peut leur servir dans leur pratique future. Malheureusement cette vision des choses ne rentrer pas toujours dans les cordes stéréotypées de l’ECN, et c’est assez triste de voir que les étudiants, années après années, ayant « la tête dans le guidon » réapprennent les mêmes idées reçues et ne se rendent parfois que tard que tout ce qu’on nous a appris n’est pas forcément vrai ou en tous cas ne l’est plus.
      Ironiquement, ce sera aussi le cas pour le contenu de ce site dans l’avenir 🙂

  3. Jax (@jaxsail)
    28 mai 2014

    Très bien ton billet !

    Dommage que tu n’abordes pas la recharge du pool de magnésium afin de potentialiser la recharge potassique. Le sulfate de magnésium peut également aider en cas de FA associée.

    • Tom O'Graphy
      29 mai 2014

      Pas abordé, parce que pas l’habitude en fait. De même que ça fait finalement peu de temps que j’utilise le magnésium en cas de bronchospasme sévère. Je rajoute

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