Ce sont des infections de la sphère ORL avec pour point de départ une infection microbienne de la loge amygdalienne, responsable d’un syndrome infectieux local souvent intense avec un risque de diffusion septique vers les espaces de voisinage ou vers le thorax.
Les amygdales (ou tonsilles) sont situées au fond de la gorge, dans l’oropharynx et représentent des structures lymphoïdes dont le rôle est la défense immunitaire. Elles sont en contact sur leur versant interne avec le contenu microbien de la bouche, et sur leur versant externe, limitées par une capsule, avec les muscles constricteurs du pharynx.
L’infection des amygdales est extrêmement fréquente et même banale, c’est l’angine, dont il existe plusieurs formes et qui généralement se traitent sans trop de problèmes. Les 2 classiques inquiétudes qui font traiter les angines supposées bactériennes (Strepto-test et/ou score de Mac Isaac) par antibiotiques étaient le développement tardif de complications immunologiques comme le rhumatisme articulaire aigu qui a quasi-complètement disparu en métropole mais qu’on rencontre encore outre-mer (coucou @Taothee), et l’enkystement de l’infection en un abcès, voire un phlegmon amygdalien.
Les termes abcès et phlegmon amygdalien ou péri-amygdalien sont souvent employés avec une certaine confusion (aux États-Unis on emploie une expression globale de « peritonsillar abscess »). L’abcès étant en général une collection bien limitée, accessible à la ponction et au drainage, parfois multiples, alors que le phlegmon décrit un tissu infecté non organisé avec un syndrome général et un risque d’extension plus important. C’est une affection assez fréquente chez l’adulte jeune et l’adolescent, qui complique une angine (complication dans 1% des angines) ou une amygdalite chronique, rarement une pharyngite sans signes amygdaliens francs. D’autres origines, dentaires ou parotidienne sont possibles. Une infection sévère à ce niveau peut ensuite se diffuser assez facilement vers les autres espaces celluleux du cou comme les espaces rétropharyngés, l’espace rétrostylien et le médiastin supérieur.
Le contexte est une angine non traitée, ou insuffisamment traitée, la prise d’anti-inflammatoires, d’un antibiotique qui paraît inadapté. Les facteurs favorisant sont les foyers infectieux de voisinage : infection dentaire, parotidite.
Douleur intense spontanée et odynophagie avec irradiation vers l’oreille, dysphagie empêchant l’alimentation et la boisson. Il peut y avoir l’impression d’une hypersalivation, mais ce signe en particulier chez l’enfant était surtout l’apanage de l’épiglottite.
Le trismus est une contracture invincible, permanente et douloureuse des muscles masséters. Le phlegmon partage avec la dent de sagesse la quasi totalité des trismus fébriles.
La voix est nasonnée, du au volume de la masse.
Il existe des signes infectieux loco-régionaux (adénopathies cervicales) et généraux, avec altération modérée de l’état général, céphalées, anorexie, fièvre, sueurs.
À l’examen on observe un bombement du pilier antérieur du voile, infiltré et oedématié, souvent avec luette oedémateuse et refoulement de l’amygdale du côté opposé; plus rarement un phlegmon en arrière de l’amygdale qui est refoulée vers l’avant. L’examen n’est pas très évident de par la présence du trismus.
Le diagnostic différentiel se pose avec une angine intense, en particulier si elle prend un aspect pseudophlegmoneux, les angines ulcéro-nécrotiques, un stade préphlegmoneux, les phlegmons rétropharyngés et rétrostyliens mais aussi les atteintes non infectieuses : cancer de l’amygdale, anévrisme carotidien.
Les complications des phlegmons sont représentées par la diffusion à l’espace préstylien ou parapharyngé, la cellulite cervicale profonde, la dyspnée aiguë obstructive en cas de forme bilatérale rarissime ou sur hypertrophie amygdalienne, le sepsis grave. Ces complications d’extension peuvent être suspectées en cas de tuméfaction cervicale (plus importante que des adénopathies d’accompagnement), de limitation de la mobilisation du cou, de signes cutanés inflammatoires, de majoration du trismus et de l’altération de l’état général.
Au premier abord, cela ne paraît ni possible ni utile, parce que l’échographie cervicale ne peut aller explorer très profondément, mais une sonde linéaire superficielle, placée sur la peau à l’angle de la mâchoire et bien dirigée peut éventuellement repérer une collection. L’utilisation de la sonde endocavitaire endovaginale par voie orale (poke @CDonneuse) paraît plus folklorique que réellement utile, et son utilisation pour guider le drainage est en théorie intéressante. L’idée principale est surtout de ne pas réaliser de ponction blanche, en visualisant la présence ou l’absence d’une collection anéchogène au sein de la masse amygdalienne. Cette utilisation a été proposée aux États-Unis par les partisans de l’échographie pour tout.
Lors d’une forme typique d’abcès, il n’y a pas réellement besoin d’explorations complémentaires mais la suspicion d’un abcès rétropharyngé impose un TDM injecté. L’enjeu est de vérifier l’absence d’atteinte au niveau prévertébral (déformation avec refoulement vers l’avant des muscles prévertébraux). Les indications peuvent comporter le jeune âge, l’examen rendu particulièrement difficile du fait du trismus et les échecs d’un premier traitement.
Le scanner permet une localisation des phlegmons en hauteur à l’oro et l’hypopharynx et en profondeur : espace para pharyngé, pré-stylien et rétro-pharyngé. Les abcès de l’espace amygdalien diffusent très vite à l’espace parotidien et réciproquement car il n’existe pas de séparation aponévrotique entre ces deux espaces
L’imagerie différencie la présentation en :
La description en scanner d’un phlegmon :
Elle vérifie l’absence de diffusion au niveau cervical et au médiastin en explorant au moins jusqu’à T3
La ponction de l’abcès peut être utilisée à des fins diagnostiques quand le tableau clinique est assez évident et permet de récupérer un échantillon de pus à analyser au laboratoire, avant d’envisager un drainage complet chirurgical. La flore analysée est en général polymicrobienne avec fréquence des streptocoques, parfois des anaérobies. Cette ponction même en présence d’une collection purulente peut ne pas ramener de liquide purulent franc (ponction blanche). Pour optimiser sa réalisation on peut la coupler à un repérage échographique et même la réaliser écho-guidée. Différents stratagèmes existent pour la rendre la moins dangereuse possible, en utilisant des aiguilles à ponction lombaire 18 G et en mettant un système de butée afin de ne pas enfoncer l’aiguille trop profondément (par exemple en laissant le capuchon de l’aiguille en place, qui aura été raccourci à son extrémité côté pointe).
Le traitement des petits abcès peut se faire chez un patient vigile : petite incision après anesthésie locale et agrandissement-dissection à la la pince ou par des ponctions évacuatrices itératives avec un gros trocart. Celles-ci semblent mieux tolérées que l’incision-drainage classique.
Le traitement radical est une mise à plat chirurgicale de l’abcès, sous anesthésie générale, avec incision au niveau du voile du palais au bistouri, prélèvement du pus pour analyse bactériologique, ouverture de la brèche par pince de Lubet Barbon et lavage antiseptique. Il n’y a pas de suture, la cicatrisation se fera spontanément sur quelques jours. Son indication est fonction des spécialistes, souvent indiquée en cas de ponction préalable blanche.
Les résultats bactériologiques permettront d’adapter l’antibiothérapie, initialement à large spectre par voie parentérale au besoin, en l’absence d’allergie association amoxicilline-acide clavulanique. Les autres schémas possibles sont céphalosporine de 3ème génération + métronidazole, ou clindamycine. Le relai oral peut se faire avec la pristinamycine. Le total de l’antibiothérapie se situe aux alentours de 10 jours.
Une désinfection locale par bains de bouche est systématique.
L’emploi d’un traitement adjuvant anti-inflammatoire est intellectuellement délicate, puisque dans certaines circonstances l’emploi d’un anti-inflammatoire (AINS ou corticoïde) a sans doute précipité les choses vers un phlegmon. Néanmoins, il semblerait que les angines de la mononucléose infectieuse, souvent traitées par corticoïdes ne se compliquent pas de phlegmon. Leur utilisation peut se concevoir en post-opératoire, au moins 24 à 48h après évacuation du pus, en cure courte, notamment pour son efficacité antalgique et sur le trismus. J’ai lu des choses contradictoires, conseillant des AINS ou un corticoïde en dose unique (dexamethasone).
L’amygdalectomie à distance de l’épisode aigu, 6 à 8 semaines, était la règle mais elle n’est plus systématique. Elle reste indiquée lors d’angines à répétition ou en cas de récidive d’un phlegmon. Sa réalisation à chaud ne parait pas plus risquée, en particulier au niveau du risque hémorragique, qu’après ce délai.
Le traitement de l’affection causale est important pour éviter les récidives ou d’autres complications comme des cellulites infectieuses, notamment concernant les foyers dentaires. La recherche d’une immunodépression est associée quand il n’y a pas d’explication claire sur le mécanisme initial.
Cellulite du cou avec thrombose de la veine jugulaire externe gauche et obstruction de la filière aérienne au niveau amygdalien
C’est une complication rare mais gravissime des infections amygdaliennes. La description classique associe une pharyngite, une thrombose septique de la veine jugulaire interne et une infection pulmonaire. Il se voit chez l’adulte jeune immunodéprimé ou ayant reçu un traitement anti-inflammatoire préalable. C’est une infection à Fusobacterium necrophorum, commensal de la bouche, à l’origine d’abcès avec formation de gaz, associé rarement à d’autres germes comme Eikenella corrodens.
Cliniquement, en plus du syndrome infectieux et des signes pharyngo-amygdaliens, on observe un trismus et un empâtement cervical. Une antibiothérapie préalable diminue les signes cliniques francs et peut faire retarder le diagnostic. La thrombose peut toucher différentes veines cervicales, la veine faciale et également la jugulaire externe.
Le diagnostic sera confirmé par écho Doppler cervical (mais qui peut être pris en défaut) et surtout TDM cervico-thoracique injecté.
Les risques sont la dissémination d’emboles septiques au niveau pulmonaire, cérébral, osseux et viscéral, le développement d’une fasciite nécrosante et des complications septiques majeures comme une CIVD.
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