Une thoracotomie pour la gale, ok ça paraît un peu violent comme traitement (c’était juste pour augmenter le pagerank du site). On pourrait argumenter le fait que la gale n’est pas une urgence médicale. Ce n’est pas faux. Ce n’est pas vrai non plus. Il n’y a pas de risque vital ni lésionnel majeur irréversible, mais elle est redevenue une pathologie fréquente, qu’on voit occasionnellement aux urgences, parmi les populations défavorisées mais pas seulement. D’autre part, la psychose que peut induire le doute sur une ectoparasitose dans un établissement, fait qu’il est important de savoir la reconnaître et la traiter. Et puis j’aime bien la parasitologie. Et je fais ce que je veux.
La gale est due à un ectoparasite Sarcoptes scabiei variété hominis, proche des acariens faisant partie des arachnides (araignées et tiques) différent des insectes mais appartenant aussi au super groupe des arthropodes. Le cycle parasitaire se fait sur la peau avec accouplement des sarcoptes et ponte des oeufs, les adultes se nourrissent des kératinocytes et creusent des galeries dans la couche cornée. Les sarcoptes survivent en dehors du corps humain, de 1-2 jours en condition ordinaire, jusqu’à 7 jours si des conditions de chaleur et d’humidité sont présentes. Les oeufs et larves sont plus résistants. La forte chaleur n’est pas bien supportée par le parasite et les solutions antiseptiques, en particulier hydro-alcoolique n’ont pas d’effets sur les parasites.
L’incubation est extrêmement variable : 5 jours à 1 mois, en moyenne 3 semaines, mais seulement de quelques jours s’il existe un contact antérieur. C’est une pathologie de l’hygiène défaillante. Le contage se fait de manière directe interhumaine, par contact prolongé dans une gale commune, par contact direct prolongé ou indirect ce qui est plus rare via les vêtements, draps, couvertures et serviettes lors d’une gale profuse.
L’aspect clinique habituel est un prurit associé à des lésions élémentaires typiques (vous me direz, c’est un peu le lot de la dermatologie).
Le prurit est intense, à recrudescence vespérale et nocturne. Il est évocateur car touche plus d’une personne, la famille, la collectivité. Il touche les espaces interdigitaux, les poignets, la face antérieure des avant-bras, les plis des coudes, les aisselles, les seins, l’ombilic, la ceinture, les organes génitaux et la face interne des cuisses et plis sous fessiers. Toute la gale est occupée. Toute ? Non car un petit village galeux résiste … elle épargne donc le dos et le visage.
Les lésions typiques sont les sillons scabieux, fins, grisâtres dans les zones de prurit, les vésicules perlées qui contiennent des parasites, des papulo-nodules et les nodules scabieux au niveau génital. S’y associent évidemment des lésions de grattage. Ces lésions sont parfois difficiles à voir à l’oeil nu, et les dermatologues utilisent la dermoscopie ou la microscopie confocale pour être plus précis.
L’évolution naturelle va vers un parasitisme permanent, il n’y a pas de guérison spontanée.
Le prurit, 8 à 15 jours après traitement peut traduire une réinfestation, une résistance parasitaire, une irritation due au traitement, un eczéma de contact, un prurit psychogène par peur de recontamination ou une autre cause (ça va là je vous aide bien hein ?).
Deux méthodes : directe par visualisation en dermatoscopie (vous en avez un exemple en fin d’article), assez sensible car on peut regarder quasiment toutes les lésions ; indirecte par grattage des lésions et examen au microscope, très spécifique mais moins sensible car il faut tomber sur une lésion riche. D’autres méthodes biologiques sont à l’étude, notamment la recherche d’antigène par PCR. Place ?
Non ça c’est pour rigoler, parce que je mets de l’écho dans tous les sujets en ce moment. Enfin vous pouvez le faire, mais globalement il faudra bien nettoyer la sonde après …
Dermatite atopique, prurigo strophulus, dermite de contact, acarophobie, prurit médical
Benzoate de benzyle Ascabiol® 2 applications à un jour d’intervalle. Contre-indiqué chez le nourrisson car neurotoxique. Pyréthrinoïdes de synthèse en aérosols : 1 seule pulvérisation ou application avec un tampon sur le visage chez l’enfant. Efficacité plus discutable.
Ivermectine Stromectol® qui est un antihelminthique à la base, traitement de la microfilarémie et anguillulose. Pour adultes et enfants > 15 kg. Une première prise par voie orale de 200 µg/kg, et une seconde souvent à 7-10 jours d’intervalle. La forme disponible est sous forme de comprimés à 3 mg. Le traitement d’épreuve dans une suspicion moyenne ou faible de gale n’est pas recommandé, mais il faut reconnaître qu’il est souvent proposé.
POIDS CORPOREL (kg) |
DOSE (en nombre de comprimés à 3 mg) |
15 à 24 |
un |
25 à 35 |
deux |
36 à 50 |
trois |
51 à 65 |
quatre |
66 à 79 |
cinq |
≥ 80 |
six |
Y associer un traitement local dans les gales profuses. Antiseptiques et/ou antibiotiques en cas de surinfection (macrolide, synergistine).
Les mesures d’hygiène sont indispensables pour éviter les recontamination et la diffusion en micro-épidémies. Traiter toute la famille en même temps. Lavage du linge à 60° en machine (cycle long). La décontamination des lieux de vie par acaricide est parfois décidée dans les gales profuses (voir avec le médecin de la DDASS).
L’éviction est obligatoire jusqu’à 3 jours après le traitement, et même jusqu’à contrôle parasitologique négatif en cas de gale profuse. Il faut informer les membres de la collectivité de l’existence de cas de gale. Les sujets contact doivent consulter un médecin.
La phtiriase ou phtiriasis pubienne (phthiriasis en anglais) est l’affection due aux … morpions (crabs, pubic lices) ! Liée au pou du pubis, Phtirus pubis. Comme les pous du corps ce sont des arthropodes, et même des insectes hexapodes (ce qui les différencie du sarcopte de la gale).
Prurit pubien, lésions de grattage éventuellement surinfectées, adénopathies inguinales, tâches bleues ardoisées. Visualisation à la loupe des lentes grisâtres de petite taille et des morpions à la base des poils. Les régions périanale, axillaire et pectorale peuvent être touchées, et même les cils peuvent être colonisés. Les poux de pubis sont généralement peu mobiles et restent accrochés aux poils de la région touchée.
Une seule pulvérisation de pyréthrinoïde de synthèse suivie 30 minutes après d’un savonnage. Second traitement 7 à 10 jours plus tard. Il faut éventuellement raser les poils. Traiter les partenaires sexuels. Réaliser un dépistage des IST.
Il existe aussi une phtiriasis palpébrale (phthiriasis palpebrarum) responsable d’un faux tableau de blépharite ou blépharoconjonctivite primitive, lié en fait à l’infestation conjonctivale par ce parasite.
La pédiculose corporelle est due au pou de corps, Pediculus humanus variété corporis.
Prurit féroce, excoriations jusqu’aux lésions hémorragiques, surinfections, éruption maculopapuleuse du dos et du thorax, prédominant aux épaules. Leucomélanodermie quand l’infestation est chronique. Visualisations des lentes sur les fils, coutures et plis des vêtements, col, ceinture, et des poux, parfois visibles sur la peau. Elle touche particulièrement les sujets en état de précarité. Le pou de corps est responsable en plus de transmission de maladies infectieuses : fièvre récurrente cosmopolite, typhys exanthématique, fièvre des tranchées (Bartonella quintana) qui donne des septicémies et des endocardites.
Douche avec savon. Pédiculicides (pyréthrinoïdes) surtout sur les zones pileuses.
Elle est due au pou de tête, Pediculus humanus variété capitis.
Prurit diurne et nocturne localisé au cuir chevelu. Lésions de grattage, impétiginisation du cou, adénopathies occipitales. Lentes visibles à la base des cheveux. Poux adultes bruns allongés mobiles et parfois visibles sur le cuir chevelu.
Malathion plutôt que pyréthrines en première intention, préférable au shampoing. Après le temps de contact éliminer le produit par shampoing doux puis peigner avec un peigne fin pour éliminer les lentes. 2ème traitement 7 à 10 jours plus tard. Décontamination de la literie, poupées, peluches, accessoires de coiffure avec une poudre pédiculicide, décontamination du linge par un lavage à 60°.
Pour les pédiculoses, l’éviction scolaire n’est obligatoire qu’en cas de surinfection, impétigo et pyodermite.
Ces ectoparasitoses sont loin d’être des raretés ou du folklore médical. La pédiculose du cuir chevelu est très classique chez les enfants mais pose assez peu de problèmes. La gale est en pleine recrudescence, les recontaminations fréquentes, de même que les prurits post traitement qui font faire et refaire des traitements d’éradication pas toujours souhaitables. Les associations à d’autres infections sexuellement transmissibles sont possibles. Les regroupements humains dans des conditions de grande précarité n’engendrent certes pas d’épidémies comme aux siècles précédents, mais on réobserve des maladies de temps de guerre, comme la fièvre des tranchées. On observe enfin des résistances aux insecticides.
ECN item 79 Ectoparasitoses cutanées, gale et pédiculose , Université Nantes, et sur infectiologie.com
Survenue d’un cas de gale , Haut Conseil de Santé Publique
Conseils sur la conduite à tenir en cas de gale commune , ARS Poitou-Charentes
La gale , dermato info
Gale , sante.gouv.fr
Gale , Atlas de dermatologie professionnelle
Gale , Atlas de dermatologie tunisienne
Gayet S, La gale ou scabiose , Univadis
Scabies , Search results , Medscape
Sarcoptes scabei infestation , Norwegian Scabies in a Patient with AIDS , Pachyderma , Dermoscopy of phthiriasis , NEJM Images in clinical medicine
Diagnostic Microscopic Images: Condyloma Acuminatum and Scabies , Phthiriasis Palpebrarum: An Unusual Presentation Of Blepharitis , ISPUB
Pediculosis and scabies : a treatment update , AAFP
Search results for scabies , Pubmed images
Merci pour cet article et pour avoir repris mes photos…
La gale a pour moi encore quelques zones d’ombres, notamment:
– pourquoi le sarcopte mâle ne survit pas à l’accouplement de sa chère et tendre ? (Je sais, je me pose parfois de drôles de questions…)
– pourquoi les sarcoptes n’aiment-ils pas le visage (nature de l’épiderme ?)
Par ailleurs, sur le plan du diagnostic positif, dans certains Hôpitaux il existe la microscopie confocale utile dans la visualisation des galeries et du sarcopte. Appareil hors de prix actuellement qu’il faut peut être arriver à rentabiliser ? (mais la je m’égare…)
Enfin, je vais en remettre une couche, si tu me permets : j’incite nos amis médecins à investir dans un dermoscope qui permet de faire le diagnostic de certitude très rapidement et a un prix très raisonnable.
Merci d’avoir pris le temps de me lire.
Excellente journée .
C’est assez similaire à l’homme (et à la femme) avec la petite mort …
Et pourquoi les morpions aiment ils tellement … l’endroit qu’ils affectionnent ?
La science a encore des progrès à faire.
Bonjour, je me permet de vous poser un petit message car partout dans le monde la gale sévit, et dans des pays souvent extrêmement pauvres ou il n’y a pas d’outils diagnostique accessible comme la PCR qui est couteuse au regard du traitement. Il y a donc des astuces gratuites pour déceler la petite bête, en voici une : localiser un emplacement qui démange fortement ( souvent pli du coude car facile à réaliser) bien laver la zone au savon. étaler sur cette zone un bon paquet de cendres ( cendres de cigarette par exemple) couvrir d’une compresse ou d’un chiffon propre et laisser poser toute la nuit. Le lendemain, laver la zone à l’eau claire et vous pourrez voir les sillons tous gris à l’œil nu, les petites bêtes auront ramené la cendre à l’intérieur du sillon par les aller-retours nocturnes. pour les peaux noires très foncées, utiliser les poudres qui se réfléchissent aux UV . détection garantie !
On ne fait pas de PCR en pratique courante pour le diagnostic de gale qui reste clinique. Pour les situations où le diagnostic est difficile, on fait faire un prélèvement au laboratoire pour recherche directe de parasites.
Concernant votre technique, après tout pourquoi pas il n’y a pas de risques, encore faut il que la cendre ne soit pas brûlante (ça paraît idiot de le préciser mais vu ce que l’on peut voir parfois aux urgences …). Par contre n’induisez pas l’idée que ça ou une quelconque autre poudre traiterait la gale.