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1914-1918 : La médecine et la chirurgie pendant la Première Guerre Mondiale

premiere guerre mondiale gaz moutarde

poilu de la guerre 1914-1918 dans les tranchées portant un masque de protection contre les gaz chimiques

En commémoration de l’armistice du 11 novembre 1918, je republie l’extrait sur « le tunnel de Tavannes » et l’illustration des « 10 commandements de l’armée d’Orient » qui figuraient sur le site Hippocrate et j’y ajoute d’autres informations sur la première guerre mondiale. Plutôt que de faire un résumé incomplet, je vais collecter différentes informations et liens sur la pratique de la médecine pendant le premier conflit mondial. Cette page sera donc mise à jour au fur et à mesure avec de nouvelles ressources et liens sur 1914 1918. Pour ceux qui seraient plus intéressés par la Seconde Guerre Mondiale, un article suivra.

C’est un lieu commun de dire que la Première Guerre Mondiale a précipité la médecine, militaire mais aussi civile dans la gestion en masse de multiples blessés, avec en plus de la traumatologie « classique », balistique et des brûlures, des plaies infectées, et des pathologies médicales des tranchées, l’apparition des blessés chimiques par l’utilisation des gaz de combat. La conjonction des ces lésions et l’horreur des conditions de vie dans les tranchées développera de nombreuses séquelles physiques et mentales amenant aux premières grandes descriptions des états de stress post traumatique.

La chirurgie est sans doute la discipline qui a le plus progresé, mais par le l’obligation d’organisation et la coopération avec échange des savoirs entre les pays. Les « gueules cassées » restent un symbole de la première guerre, ils ont permis l’essor d’une chirurgie maxillo-faciale reconstructrice. En rêgle générale, la chirurgie se fait de manière très précoce et souvent au poste de secours pour éviter l’infection des plaies. Toujours dans cette optique d’importants efforts ont lieu sur la stérilisation du matériel, sur l’irrigation continue des plaies, l’utilisation des antiseptiques  dont le plus connu est la solution mise au point par Carrel et Dakin, et l’injection de sérum antitétanique. Un regroupement des connaissances de l’époque va permettre de doper l’anesthésie et la réanimation avec un meilleur suivi per et post opératoire.

Visages blessés. Moulage en plâtre peint rehaussé de cire © Musée du Service de santé des armées au Val-de-Grâce, Paris

Sur le plan de la médecine, par contre, il n’y a pas de progrès fondamental pendant la période du conflit, logiquement entièrement mobilisée sur le traitement des blessés, ne disposant plus de ressources pour la recherche fondamentale. Les grandes découvertes médicales du XXème siècle précèdent le conflit et lui feront suite. Entre 1914 et 1918 par exemple, il n’y a toujours pas d’antibiotiques. La tranfusion qui va être employée pendant le conflit se base sur la découverte des groupes sanguins qui s’est faite en 1901.

John Singer Sargent : Gassed (1918), huile sur toile, 231 x 611,1 cm, Imperial War Museum, Londres

Un peu plus sur le tableau de Sargent sur le site du Centre national de documentation pédagogique et des études préliminaires pour la réalisation du tableau.

L’utilisation d’armes non conventionnelles sur le champ de bataille se fera dès le début du conflit par emploi d’armes chimiques (les armes bactériologiques ne sont pas encore au point en termes de diffusion en tant qu’arme de guerre). Les premières attaques se font du côté français avec des grenades lacrymogènes et des gaz suffocants. Les Allemands disposant d’une industrie chimique de pointe produisent de grandes quantités d’obus contenant des dérivés du chlore, mais leur utilisation n’est pas assez efficace à cause des conditions thermiques (en particulier lors d’une attaque en Pologne en 1915). La première attaque massive se fait le 22 avril 1915 avec l’emploi de 180 obus chargés de chlore, à Ypres, en Belgique, faisant 10 000 victimes morts ou blessés. La ville donnera plus tard son nom au gaz moutarde : l’ypérite, employé en 1917 lors de la 3ème bataille d’Ypres. Cet agent est un vésicant, qui provoque des brûlures oculaires et cutanées importantes, et un syndrome de détresse respiratoire aigu. Il est appelé ainsi à cause de la fort odeur de moutard, d’ail ou de raifort qu’il exhale. Une course entre production massive d’armes chimiques (phosgène, brome, palite) et création de protections par masques va se lancer, une grande partie du stock d’armes chimiques ne sera d’ailleurs pas utilisé. Les Allemands ne sont pas les seuls à utiliser des gaz de combat, les Français en 1916 exercent une réplique massive avec du phosgène. L’acide cyanhydrique est employé à la bataille de la Somme. A la fin du conflit on estime à plus de 100 000 tonnes d’agents chimiques utilisés, 1,2 million de victimes dont 100 000 morts. Néanmoins l’efficacité de ces armes restera mauvaise, avec « seulement » 7 % des tués par agents chimiques, mais beaucoup de séquelles et surtout elles auront marqué les esprits. Le traité de Versailles de 1919 prohibera l’usage des gaz toxiques sans toutefois interdire leur production et leur stockage. Les états conduiront juste après le premier conflit des programmes organisés de production d’armes biologiques en s’orientant assez vite vers les agents bactériologiques.

Peinture faite à l’Hôpital central de vichy, représentant une brûlure d’un dos du soldat américain (J. Leifer), par le gaz moutarde (dessin aquarellé ou gouach réalisé par le Sgt. E.R. Brainard)

Documents autour de la bataille de Verdun sur le site de la BIU Santé Paris Descartes : l’évolution de la chirurgie des plaies de guerre des membres et les blessés de la face durant la Grande Guerre : les origines de la chirurgie maxillo-faciale 

Grande Guerre et Psychiatrie : Genèse de la conception complète de l’état de stress aigu

Le Service de santé de la Guerre 1914-1918 La Bataille de Verdun  Une présentation en Flash sur la reconstruction des visages (attention ne fonctionne pas sur tous les mobiles et tablettes)

Sur le site d’Histoire de la médecine de l’université Claude Bernard de Lyon La chirurgie osseuse pendant la grande guerre

J’ai eu l’occasion de voir aux escales documentaires de La Rochelle il y a 2 ans je crois, un film « Journal d’un médecin dans les tranchées » qui retraçait l’histoire de Lucien Laby. Cet homme avait pendant son service durant la guerre 14, tenu un journal fait de petits croquis. Il  a été diffusé et est maintenant commercialisé sous le nom des « Carnets de l’aspirant Laby ».
l’intégralité du documentaire sur ce site
Son histoire sur le site Témoignages de 1914 1918, Dictionnaire des guides et témoins de la grande guerre

et encore plus en détail : S Audoin-Rouzeau, Mémoire sur le Carnet de guerre d’un médecin de bataillon pendant la Grande Guerre : Les « Feuilles de route (1914-1919) » de Lucien Laby

Récit du Dr Barros dans le tunnel de Tavannes qui servait de quartier général et aussi d’hôpital lors de la bataille de Verdun en 1916 : « Nous suivons un sentier sillonné par un boyau profond, rempli d’eau et de boue ; les obus criblent le sol ; le terrain et la forêt sont de plus en plus ravagés. Nous croisons des défilés ininterrompus de blessés, paquets d’ouate et de bandages, transportés par des brancardiers divisionnaires. […] Derrière eux et dans leur sillages flottent de vagues odeurs d’antiseptiques et d’éther. […] La boue s’étale, gênante. Des millions de mouches volent en tout sens et tapissent les parois du tunnel. Dans tous les coins grouillent les asticots. […] L’air est irrespirable. […] A la lueur vacillante d’une bougie fuligineuse, je coupe des vêtements, le sang coule sur mes mains ; je découvre des plaies monstrueuses au fond desquelles nagent des plaques graisseuses de moelle osseuse et de poussière d’os, et ces malheureux blessés aux figures jaunes de cire, aux nez effilés, aux traits crispés sur lesquels perlent des gouttes de sueur, me font penser aux martyrs. […] Piqûre d’éther, de caféine, injection de café froid, pansements antiseptiques, redressement des membres, section des muscles broyés, à grand coups de ciseaux pour compléter une amputation, maintien des fractures à l’aide de tiges en bois de fusées tirées, enveloppement dans l’ouate et ouf ! en route ! vite et rapidement vers le tunnel de Tavannes ! à la grâce de Dieu ! »

les 10 commandements de l'armée d'Orient

les 10 commandements de l’armée d’Orient

Affiche de prévention d’Albert Guillaume, contre le paludisme datant de l’expédition des Dardanelles entre avril 1915 et janvier 1916. Cette opération menée par les Français et les Anglais devait permettre d’assurer une voie de communication avec la Russie après que la Turquie se soit rangée du côté de la Triple Alliance (Allemagne, Autriche Hongrie, Italie). Les conditions furent particulièrement éprouvantes avec un bilan très lourd.

German medics tend a fallen soldier lying in a field of strawberries in Belgium.

Wounded Belgian soldiers receive care in an Antwerp hospital

wagon de l’armistice du 11 novembre 1918

Références

JM Galmiche, Hygiène et Médecine – Histoire et actualité des maladies nosocomiales, éditions Louis Pariente

P Voivenel, P Martin, La guerre des gaz, Bernard Giovanageli Editeur

P Berche, Histoire secrète des guerres biologiques, éditions Robert Laffont

Histoire des armes chimiques, Wikipedia , Gaz de combat pendant la première guerre mondiale et Gaz moutarde

Histoire de la médecine aux armées,Tome 3 de 1914 à nos jours,  éditions Lavauzelle

B Halioua, Histoire de la médecine, Abrégés Masson

Un blog sur l’histoire des hôpitaux militaires pendant la guerre de 1914 1918

Le Canada et la 1ère guerre mondiale : Musée canadien de la guerre

Médecins de la grande guerre, vue du côté du service de santé des armées belge et notamment un labo à ciel ouvert

L’histoire sommaire de Nicole Mangin, femme médecin embarqué dans la grande guerre 14-18 histoire de Nicole Mangin, femme médecin dans la grand guerre

Les médecins de la grande guerre : Utopie et progrès dans le traitement du cancer (A Denax, université de Toulouse) : La vidéo sur canalutv J

acques Tournadour d’Albay, médecin et photographe militaire et photographe pendant la grande guerre galerie des photos sur le site de l’ECPAD

Article récent de ce jour sur FranceInfoTV avec beaucoup de photos dans les tranchées Cadavres, poux et rugby : la grande guerre vue par un médecin français

Chemical Warfare and Medical Response During World War I

Triage and Management of the Injured in World War I: The Diuturnity of Antoine De Page and a Belgian Colleague

Making the Revolutionary New Carrel-Dakin Wound Treatment Available to Save Soldiers’ Lives During World War I

The history place, wordl war I

https://twitter.com/ArianeNicolas/status/399921846188904448

D’autres tweets avec photographies d’époque :

une vidéo « La première guerre mondiale a t elle bénéficié à la médecine ? » consultable sur le site :

was first world war good for medicine

une émission d’Allo Docteur a été faite l’an dernier sur la médecine pendant la 1ère guerre :

5 commentaires sur “1914-1918 : La médecine et la chirurgie pendant la Première Guerre Mondiale

  1. lolatropine
    12 novembre 2013

    Un article comme je les aimes: histoire et medecine!

    Merci

  2. Plume & scalpel
    12 novembre 2013

    Passionnant ! (Et plutôt bien écrit, ça ne gâche rien). J’irai lire les liens quand j’aurais le temps 🙂

  3. Doc Flore
    12 novembre 2013

    Je découvre ton article et c’est vraiment passionnant et bien documenté ! Il me reste des liens à voir ! Bravo !

  4. Le et A
    20 novembre 2015
  5. Floreva
    12 Mai 2017

    Extraordinaire article. Merci de ces infos.

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