On connait le destin tragique de César, on a parfois notion de sa maladie épileptique, on sait moins quel rapport César entretenait avec le corps médical.
Essayons d’y voir plus clair.
Biographie
Né le 13 juillet 100 av JC à Rome, mort assassiné le 15 mars 44 av JC à Rome par son fils adoptif Brutus, César est le symbole de la Rome antique.
Ayant débuté sa carrière politique comme tribun, puis questeur, puis édile, il est actif également dans le domaine judiciaire, même si ces premières affaires en tant qu’avocat ne sont pas une réussite.
Le détail de son parcours est relativement complexe et tissé de manoeuvres politiques pour arriver au stade de consul en 59.
Le premier triumvirat est formé avec Pompée et Crassus, c’est une sorte d’accord secret pour le partage du pouvoir. Mais cet accord ne sera que temporaire et se finira après la mort de Crassus, par une guerre d’abord politique puis véritablement militaire contre Pompée.
César qui a été proconsul en Gaule, ce qui lui a assuré sa notoriété et son respect, est vu comme un ennemi potentiel de la République, suspectant ses ambitions de pouvoir absolu.
César se place alors en victime et décide d’intervenir dans l’illégalité, c’est l’épisode de la traversée du Rubicon. Profitant de sa popularité auprès du peuple romain, même s’il en est éloigné, du soutien de son armée et de sa vitesse de déplacement, il avance sur Rome sans rencontrer de résistance. Plutôt que de risquer un bain de sang en pleine Italie, Pompée et les autres consuls vont déserter la ville et engager une fuite en espérant grossir leurs troupes progressivement jusqu’en Egypte. Mais c’est plutôt le contraire qui se produit.
Rome laissée à elle-même accueille finalement César comme un dirigeant légitime, et habilement, il rassure le Sénat, prend quelques mesures populaires, ne donnant pas l’allure d’un tyran.
Il sera renommé consul plusieurs fois et tout en poursuivant la guerre civile, il commence les réformes de la société romaine.
Il consolide progressivement son pouvoir ce qui sera la source de la conspiration et aboutira à son assassinat dans le Sénat.
L’état de santé de César
Il est difficile de reconstituer le carnet de santé historique à une période aussi ancienne, d’autant que les témoignages impartiaux sont rares.
César a souffert d’épisodes de malaises intenses et suffisamment brutaux pour avoir été consignés par certains auteurs. Ce qui en soit peut signifier des crises d’épilepsie, soit des syncopes suffisamment longues pour entrainer éventuellement des convulsions.
L’hypothèse d’une épilepsie primitive est peu vraisemblable car les écrits en témoignant concernent la fin de la vie de César, à presque 60 ans, ce qui est un âge incompatible pour démarrer une épilepsie essentielle, mais propice à des complications cardiovasculaires ou des convulsions après un AVC. Une hypoglycémie consécutive à un diabète tardif est possible mais il manque d’informations corroborant cette hypothèse.
Certains auteurs évoquent une atrophie corticale, ou des convulsions d’origine alcooliques mais c’est peu vraisemblable car César a mené longtemps son destin sans faiblesses physiques ni mentales.
César était il donc victime d’épilepsie secondaire ?
Seulement deux épisodes compatibles et qui ont marqué des témoins, sont signifiés, sur les champs de bataille de Thapsus et peut être de Munda.
A cette époque, l’épilepsie est considérée par le peuple comme une fatalité, une malédiction, parfois comme un mal nécessaire pour un être quasi divin.
Néanmoins, il semblerait logique de penser que vu les responsabilités qu’occupait un consul, une maladie occasionnant des pertes de connaissance aurait vite été perçue comme un handicap majeur dans la vie politique.
Pour frappante qu’elle soit, les connaissances médicales de l’époque ne conçoivent pas la maladie comme exceptionnelle. Hippocrate considère qu’ «elle n’a rien de plus divin, ni de plus sacré que les autres maladies».
L’évolution de cette supposée épilepsie a pu laisser penser certains que César s’en était rendu compte tôt et avait constaté des changements de caractère avec une orientation vers la démesure.
L’évolution de l’épilepsie vers des troubles psychiatriques est une notion ancienne qu’on retrouve dans de vieux manuels médicaux, en sachant qu’il n’y avait pas de traitement de fond disponible. Tout au plus on peut considérer des troubles de l’humeur.
L’existence d’une maladie névrotique ou psychotique est plutôt une co-affection.
Si César est devenu délirant vers la fin de sa vie, puisqu’il s’est autoproclamé dictateur à vie, et se pensait fils des dieux, c’est plutôt l’évolution mégalomaniaque d’un pouvoir qui paraissait sans limites.
Il n’a pas probablement pas eu conscience réellement de cette dérive, faisant une évolution psychotique classique dans l’ivresse du pouvoir.
S’il avait perçu qu’il dérapait, en habile despote, il aurait tout fait pour calmer le jeu et conserver son pouvoir quitte à se freiner.
Son assassinat est un complot politique qui aurait pu être fomenté même s’il avait été un monarque paisible mais sa folie des grandeurs a certainement précipité les choses.
César et les médecins
L’Antiquité a vu naître la médecine mais surtout en Grèce, et de ce fait la plupart des médecins de la Rome antique étaient grecs aussi.
Les médecins dans la société romaine mal considérés voire des esclaves. Leur sort s’améliora progressivement mais sur de très longues années.
Les notions médicales dans Rome sont fortement basées sur les superstitions, puis avec l’organisation de sectes médicales, la médecine s’améliore mais modestement.
César adoptera quelques mesures qui faciliteront la vie des médecins de l’époque, tout d’abord en autorisant le séjour des médecins étrangers dans Rome alors que les étrangers étaient expulsés à cette époque.
Il établit également le droit de Cité pour les médecins leur donnant un exercice légitime. Il ouvre ainsi la voie à la création d’écoles médicales.
On ne sait pas si le fait de sa maladie a modifié les mesures qu’il a pu prendre, ou si dans l’optique de s’accorder les faveurs du peuple romain, il avait tout intérêt à se préoccuper des questions de santé.
N’oublions pas qu’indirectement avec des travaux d’assainissement, les romains ont beaucoup contribué à l’hygiène.
Témoignages
Suétone raconte dans La vie des douze césars, le destin des premiers empereurs romains, mais il décrit peu la pensée politique et l’application des grandes mesures pour s’attacher aux personnalités et leurs travers. Il a même été assez critiqué comme étant surtout un colporteur de ragots. Il fait état de la maladie épileptique de Jules César, mais du coup était il parfaitement objectif ?
Appianus au 2ème siècle évoque des convulsions de César lors de la période de la République.
Plutarque en parle au moment de la bataille de Thapsus, il évoque aussi des céphalées importantes.
Beaucoup de témoignages sont contradictoires, peignant un état de santé fragile, associant plusieurs symptômes fonctionnels neurologiques. Mais le pouvoir de César n’aurait pu se construire sur un état de santé défaillant, et une épilepsie à crises fréquentes l’aurait empêché de l’établir.
Certains documents ont pu être censurés par Auguste pour entretenir une propagande positive autour de César, récupérant l’assassinat à son profit.
William Shakespeare évoque aussi sa maladie dans sa pièce de théatre «Jules César».
La série télévisuelle de HBO «Rome» montre une convulsion du consul que son esclave-assistant et médecin cache pour qu’il n’y ait pas de témoin. Un jeune homme le sera malgré tout mais acceptera de garder le secret, ce jeune homme n’est autre qu’Octave, futur empereur Auguste.
Un autre témoignage historique de grande valeur, n’évoquant malheureusement pas l’épilepsie, mais de façon surprenante une certaine addiction sexuelle de l’empeur romain figure dans le «Deux heures moins le quart avant Jesus Christ» de Jean Yanne, avec une grande performance de Michel Serrault.
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Sources et références à consulter :
Histoire de la médecine, B. Halioua, Abrégés Masson
Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Cesar
http://www.epilepsiemuseum.de/alt/caesarfr.html
Encyclopédie de l’Agora – Jules César – http://agora.qc.ca/dossiers/Jules_Cesar
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Voir aussi sur le site :
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Sympa cet article historique ! La médecine, c’est vraiment une affaire d’enquêtes ! 🙂