Louis XIV, fils de Louis XIII, arrière grand-père de Louis XV, (1638-1715), vécut donc 77 ans, un âge respectable compte-tenu des conditions d’hygiène de l’époque. Il eut donc tout le temps de souffrir d’affections diverses et variées et de côtoyer le corps médical.
De Louis XIV le grand, l’histoire aura retenu les fastes de Versailles, la symbolique omniprésente du soleil, des ministres brillants, un mécénat culturel riche, et le règne le plus long de l’histoire de la monarchie française et même européenne.
On garde cependant des souvenirs moins plaisants comme des guerres d’expansion territoriale coûteuses économiquement et humainement, et la révocation de l’édit de Nantes, pas spécialement synonyme d’ouverture d’esprit.
Contrairement au surnom du monarque, elle n’est pas brillante. Molière l’aura suffisamment parodié pour que le témoignage d’un docte médical arrogant et erroné, parvienne jusqu’à nous.
Concrètement à l’époque on traite médicalement par lavement ou saignée, et c’est tout. Ce qui dans les deux cas n’est pas pas vraiment plaisant.
Il n’est pas de notre propos de faire le procès de ces deux solutions thérapeutiques qui conservent encore de nos jours des indications indiscutables mais limitées. Imaginez à l’époque la proposition de l’une ou l’autre méthode voire les deux pour un simple rhume …
La médecine est encore sous l’héritage laborieux du Moyen Âge, et même si la Renaissance avait développé un certain savoir-faire chirurgical important avec Paré, il n’y a pas encore de reconnaissance officielle ni d’organisation pour la transmission de ce savoir. Les médecins par contre ont une notoriété, peu justifiée eu égard aux incohérences de leurs connaissances et traitements.
Enfin, alors qu’au temps de l’Antiquité, les notions d’hygiène sont fondamentales pour le traitement des maladies (vu la pauvreté des moyens pharmacologiques), il semblerait que cette idée soit occultée, et les témoignages d’insalubrité de Versailles et de saleté de ses occupants sont légion : depuis le masquage d’odeur sous des parfums et des poudres jusqu’aux lavages «à sec» en se frottant énergiquement avec des linges.
Tout n’est pas si négatif à cette époque en Europe. Le XVIIe siècle voit la découverte de la circulation du sang par Harvey en 1628, la création des hôpitaux généraux en France en 1662 et de l’Académie des sciences en 1666. Leeuwenhoek invente le microscope et observera pour la première fois les bactéries en 1683, entre temps Malpighi décrira les globules rouges en 1665.
Mais c’est un siècle encore hésitant sur le plan de la santé. Et la peste ne l’épargne pas.
De par une naissance difficile et quantité de maladies infantiles, qui à l’époque étaient facilement létales, le petit roi est considéré comme un miraculé. En particulier il sera atteint de la variole, et de la fièvre typhoïde. Sa future calvitie semble liée à une de ces maladies contractées dans l’enfance.
En 77 ans, le Roi-Soleil a eu le temps de développer quelques pathologies. On en rapport une quantité assez impressionnante. On notera surtout :
A l’époque la plupart de ces affections auront un traitement « médical » (saignées/lavements) qui auraient plus vite fait d’affaiblir le roi qu’autre chose.
La pathologie qui restera dans les … , est celle qui donnera ses lettres de noblesse aux barbiers-chirurgiens : une cure de fistule anale.
En 1686, à 48 ans, le roi souffre d’un abcès de l’anus assez volumineux. Les premiers remèdes sous forme de pommades, cataplasmes et autres applications cutanées ne sont évidemment d’aucun secours. Les abcès se reconstituent sur une fistule anale.
Le roi est tellement incommodé qu’il ne peut plus se déplacer à cheval, et que les festivités de Versailles s’en trouvent fortement réduites.
A cette époque le roi, de son lit, s’attellera à un travail légiféraire important, rédigeant de nombreux ordres. On peut se demander si avec une douleur mal placée, le monarque prenait ses décisions avec attention et bienveillance.
Le 18 novembre 1686, après de multiples traitements médicaux et des incisions qui ne traitent que ponctuellement les abcès, on tente enfin une opération radicale pour soulager le roi. C’est son barbier-chirurgien officiel, Charles-François Tassy dit Félix de Tassy (1635-1703) qui s’en charge. Félix s’entraînera auparavant sur les pauvres souffrant de la maladie à l’hôpital de Versailles, avec des succès mettant du temps à venir, et beaucoup de décès.
La fistule, à l’origine des abcès récidivants, est une sorte de petit tunnel sous la muqueuse, communication anormale entre l’anus et le canal anal ou le rectum. Il est en permanence colonisé par les germes et peut donc s’infecter.
Félix va donc disséquer ce canal pathologique pour le mettre à plat et qu’il cicatrise sans se réinfecter. Il modifiera même un scalpel recourbé pour réaliser au mieux l’opération.
L’intervention très redoutée à l’époque est assez mutilante, et surtout pratiquée … sans anesthésie.
Elle est cependant un succès (relatif car il y aura deux petites récidives d’abcès qui nécessiteront des incisions en décembre 1686), Louis est guéri et ne souffrira plus de récidives jusqu’à sa mort.
On raconte que la duchesse de Brinon composa une chanson pour soutenir le roi dans l’épreuve qu’il traversait. Elle s’appelait «Grand Dieu sauve le Roi».
Haendel quelques années plus tard l’aurait retranscrit pour l’Angleterre, en en faisant le « God save the Queen ».
Louis XIV développe par la suite d’autres maladies dont la plus funeste est bien sûr une gangrène de sa jambe gauche, prise en charge tardivement, diagnostiquée au mois d’août comme une sciatique par ses médecins, pour laquelle George Mareschal, successeur de Félix auprès du Roi, proposera une amputation, à laquelle le roi finit par consentir mais les autres médecins s’y opposent. Cette gangrène emportera le Roi Soleil en 1 semaine, le 1er septembre 1715.
Histoire de la médecine, B. Halioua, Abrégés Masson
Louis XIV , Félix , Biographies sur Wikipedia
Une fistule anale aux conséquences inattendues , EmConsult (accès libre sous login)
Les Bourbons , 1686 l’année de la fistule du Roi Soleil , A la découverte de l’histoire de France
Grandeurs et servitudes de la maladie : la fistule anale du Roi-Soleil , Cour de France.fr
Georges Mareschal, chirurgien du roi , Le roi est mort
Medecine at the court of Louis XIV , 1962
Au plan technique sur les fistules : Fistule anale
le scalpel modifié par le chirurgien du roi Félix, pour l’intervention de la fistule anale du Roi Soleil
Une cure chirurgicale de fistule anale en vidéo
J’adore cette histoire. Je me « plonge » dans les détails techniques de l’abcès du cul, c’est passionnant et un peu dégoutant aussi.
Je retiens de cette histoire que le barbier après avoir bien attendu, s’est résolu à tenter une opération incertaine. Mais de fait et après probablement pas mal de souffrances, il a réglé le problème. Une sorte de précurseur du Dr Benton quoi. You got a problem, I fix it!
Audacieux. Big up pour le barbier!
je ne sais pas si les opérations de proctologie (de base) existaient déjà, les barbiers chirurgiens après tout oeuvraient déjà depuis Ambroise Paré, même avant certainement
ce qui devait être complexe c’est d’intervenir sur des multiples abcès ayant laissé une fistule. gros challenge pour l’époque