thoracotomie

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Peste

peste bubons

bubons axillaire et inguinal de peste

La peste est une maladie infectieuse, extrèmement contagieuse, et épidémique, originaire d’Asie. Elle est dûe à un coccobacille à Gram négatif, Yersinia pestis (du nom de son découvreur Alexandre Yersin, en 1894) faisant partie des Entérobactéries.
Actuellement perçue comme une maladie mineure, au regard de l’histoire c’est celle qui a été la plus meurtrière. Le chiffrage est difficile, de nombreuses épidémies ont été qualifiées de peste alors qu’elles ont pu être d’autre origine.

Epidemiologie, transmission

C’est une endozootie transmise par des puces (Pulex irritans, Xenopsylla cheopis). Les rongeurs sauvages (rats principalement, mais aussi écureuils) sont un réservoir naturel pour cette bactérie, étant porteurs de la puce. L’éventualité de la contamination est plus fréquente quand un réservoir de rongeurs domestique se trouve en contact avec un réservoir sauvage péridomestique. Les rongeurs du réservoir domestique sont sensibles et eux meurent de l’infection, ce qui pousse la puce à se trouver un nouvel hôte (peste sauvage vs peste urbaine).
C’est la piqûre de la puce sur l’homme qui transmet le bacille, plus rarement la morsure directe d’un rat infecté.
La transmission peut aussi être par voie respiratoire interhumaine dans les formes pulmonaires très contagieuses.
L’incubation se fait en 2 à 8 jours, moins en cas de forme respiratoire. Les périodes froides favorisent la transmission respiratoire.

La peste n’est pas une maladie éradiquée, elle existe encore sous forme de petits foyers épidémiques, en particulier en Afrique à l’heure actuelle (Mozambique, Tanzanie), en Asie, notamment en Inde.
La pauvreté et les conditions d’hygiène et de dénutrition jouent un rôle de facteur favorisant.
Elle est considérée par l’OMS comme une maladie ré-émergente.

L’agent de la peste a été utilisé comme arme bactériologique, (à l’image de l’anthrax ou charbon) par les Japonais en Chine au cours de la seconde guerre mondiale. Il est difficile de dire si on peut la considérer comme une menace de risque bactériologique de guerre à l’heure actuelle, le maniement des agents bactériologiques étant délicat et coûteux, et l’efficacité moindre que les agents chimiques ou nucléaires. Mais une forme par aérosol, source de peste pulmonaire n’est pas à exclure.

Symptomes

2 formes cliniques principales existent, une cutanée dite peste bubonique et l’autre respiratoire dite peste pulmonaire.

Un syndrome général est la première manifestation, qui n’a rien de très spécifique par rapport à bon nombre d’infections si ce n’est qu’il est assez brutal.
La température est variable, irrégulière mais souvent élevée, jusqu’à 40°C surtout dans les formes sévères, avec altération de l’état général, frissons, malaise puis apathie ou au contraire délire, tachycardie et polypnée.

La lésion au point d’inoculation est inconstante mais 3 jours après se développent des adénopathies. Elles sont le plus souvent inguinales (plus rarement axillaires ou cervicales), et deviennent volumineuses, inflammatoires, fermes et douloureuses, fixées par la périadénite. Les bubons sont donc un paquet de ganglions hypertrophiés dans le territoire de drainage de la piqûre de la puce.
Le bubon peut se ramollir et se fistuliser à la peau, laissant s’évacuer le pus.

En cas de forme pulmonaire primitive, il peut y avoir une inflammation pharyngée mais très vite les signes respiratoires sont au premier plan, avec expectoration purulente spumeuse très riche en bacilles, parfois crachats hémoptoïques et risque d’évolution vers un syndrome de détresse respiratoire aigu. L’examen clinique est souvent pauvre en signes physiques.
L’aspect radiologique n’est pas typique et ressemble à une pneumopathie infectieuse d’évolution rapide, montrant des infiltrats alvéolaires.

La peste septicémique n’est pas une variété en soi mais la traduction d’une bactériémie de Yersinia pestis compliquant une atteinte cutanée ou pulmonaire, sans nécessité de fièvre très élevée mais tableau de toxémie, et qui est souvent d’évolution foudroyante par choc septique et CIVD.

Une évolution vers une gangrène sèche par thromboses microvasculaires distale est possible avec des nécroses des extrémités (rendant véritablement l’aspect de « peste noire ». L’aspect est visible dans de nombreuses sepsis sévères comme dans la méningococcémie du purpura fulminans.
Par diffusion hématogène, on peut voir des foyers infectieux secondaires comme une pneumonie ou une méningite.

Diagnostic

L’examen direct au microscope de la ponction ganglionnaire et surtout la mise en culture vont mettre en évidence le bacille de Yersin.
En cas de forme respiratoire, l’examen cytobactériologique des crachats ou plutôt l’aspiration bronchique.
Les hémocultures peuvent être positives en cas de bactériémie mais c’est assez inconstant.
En cas de décès, des prélèvements peuvent retrouver le bacille puisqu’il est assez résistant.
La PCR est très sensible pour détecter des bacilles difficiles à cultiver (après antibiothérapie) mais elle est difficilement applicable.

La recherche d’antigènes de Yersinia ou d’anticorps anti F1 par méthode ELISA ou plus simplement par bandelettes réactives peut permettre une détection rapide, mais nécessite des laboratoires spécialisés pour confirmation.

Traitement

La guérison spontanée des formes buboniques est possible dans un nombre minoritaire de cas et ce après une période assez longue.

Aucun traitement avant les antibiotiques n’était efficace. Seules les mesures d’isolement ont permis de contenir les épidémies. C’est donc un moyen de prévention fondamental.

Yersinia pestis est naturellement résistant aux béta-lactamines (donc aux pénicillines).
Le traitement utilisé a longtemps été un aminoside notamment la streptomycine, ou les sulfamides.
D’autres antibiotiques sont actifs comme les fluoroquinolones, les tétracyclines, l’association triméthoprime-sulfamethoxazole, la rifampicine, le chloramphenicol.
Dans le cadre des plans Biotox, le traitement de 1ère intention fait appel aux fluoroquinolones (ciprofloxacine en premier lieu) ou cyclines (doxycyclines), éventuellement l’association triméthoprime-sulfamethoxazole, pour 10 jours.
Il faut traiter précocément surtout en cas de forme pulmonaire.
Des cas de multi-résistance ont été décrits.

On peut être amener à drainer chirurgicalement des bubons volumineux.

La peste est une maladie à déclaration obligatoire. Devant un cas avéré, il faut en outre démarrer une enquête épidémiologique pour identifier la source.
Les sujets contact doivent recevoir une antibioprophylaxie (quinolones, cyclines) pendant 7 jours.

Un vaccin a été utilisé chez certains personnels à risque d’être exposés mais il était très contraignant et ne protégeait pas contre la peste pulmonaire.

L’éradication des foyers d’infection par élimination des rats est d’une extrême difficulté.

Voir aussi sur le site : Histoire de la peste

Références

Traité de médecine, Pierre Godeau, éditions Flammarion

manuel d’urgence en anglais dont j’ai oublié les références

Fiche d’information sur la Peste, Institut Pasteur

Peste : diagnostic biologique, Institut Pasteur et Atlas de la peste à Madagascar

Peste, OMS

fiche de traitement d’un cas de peste, AFSSAPS

Médias

https://twitter.com/thoracotomie/status/414386454710603776

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