luxation postérieure du coude avec fracture du processus coronoïde du cubitus (radiographie de profil sous attelle plâtrée postérieure)
C’est la seconde localisation des luxations chez l’adulte. Vingt pour cent des luxations du coude sont accompagnées d’une fracture.
Elles font suite à une chute sur la main, bras tendu, dans la plupart des cas, mais elles peuvent aussi se voir dans les traumatismes à haute énergie cinétique comme les accidents de la route. On les classe en fonction de la présence d’une fracture associée et du sens de déplacement du radius et cubitus. Les luxations simples sont des lésions des parties molles (dont les ligaments collatéral médial et latéral) et les luxations complexes sont associées à une fracture (tête radiale, apophyse coronoïde du cubitus/ulna). Les luxations simples peuvent être par ordre de fréquence : postérieure antérieure, latérale, médiale ou divergente (le radius et le cubitus se déplacent dans un sens différent). Les luxations complexes peuvent être postérieure ou antérieure. Il peut exister des luxations ouvertes.
La luxation postérieure se produit en hyperextension. C’est l’ensemble épiphyses radiales et cubitales qui se déplacent vers le haut et l’arrière, tandis que la palette humérale passe devant le coude. Un stress ajouté en varus ou valgus entrainera un déplacement du cubitus soit médial/interne (côté cubitus) ou latéral/externe (côté radius). La luxation antérieure est causée par un coup porté sur l’arrière du coude avec l’articulation en légère flexion. La luxation isolée du cubitus est possible mais très rare. La luxation isolée de la tête radiale est un accident courant chez l’enfant, c’est la pronation douloureuse (nursemaid’s elbow). Chez l’adulte elle ne se voit pas, mais associée à une fracture du 1/3 supérieur du cubitus elle réalise la fracture de Monteggia.
La douleur est vive, parfois syncopale, la déformation du coude est importante et l’impotence fonctionnelle totale. Extérieurement on peut confondre avec une fracture importante du coude. A l’état normal un triangle équilatéral à sommet inférieur est formé par le sommet de l’olécrâne et les deux épicondyles de l’humerus sur un coude fléchi à 90°. Quand le coude est luxé ce triangle est soit dysharmonieux dans les luxations latérales soit devient isocèle avec proéminence de l’olécrâne dans les luxations postérieures. Le sommet disparait dans les luxations antérieures. A distance de la luxation une volumineuse ecchymose apparaitra dépassant largement la région du coude.
Il y a un gros risque de complications nerveuses ou vasculaires du fait du déplacement des pièces osseuses (contre le nerf médian, ulnaire, radial et la bifurcation de l’artère humérale en artère radiale et ulnaire) voire d’un syndrome des loges. Le nerf ulnaire est le plus fréquemment lésé, il faut rechercher une paralysie des interosseux à la main (flexion de la première phalange sur le métacarpien et adduction/abduction des doigts) et une hypoesthésie de la partie cubitale de la paume de la main et du 5ème doigt. L’atteinte du nerf médian entraine une paralysie de flexion des dernières phalanges et du poignet, son territoire cutané comprend la majeure partie de la paume de la main et les pulpes des 2e, 3e, 4e doigts et le pouce. Les anomalies vasculaires sur l’artère humérale seront très vite parlantes alors qu’une lésion d’une des 2 artères radiale ou ulnaire peut passer inaperçu à cause de la suppléance des arcades palmaires (éventuellement réaliser un test d’Allen comme pour la ponction artérielle des gaz du sang).
D’autres lésions ostéo-articulaires et des parties molles sont possibles. l’association luxation postérieure – fracture de la tête radiale – fracture du processus coronoïde du cubitus est désignée en anglais comme « terrible triad of the elbow ».
La réduction doit se faire en urgence, idéalement sous analgésie et sédation consciente ou sous anesthésie générale brève mais elles peuvent se réaliser aux urgences. Il est illusoire de penser pouvoir la réaliser sans anesthésie ou juste anesthésie locale dans le coude et mieux vaut évacuer un blessé, notamment sportif plutôt que de tenter la réduction sur le terrain. La réduction peut aussi occasionner une blessure des nerfs médian et ulnaire voire l’incarcération de ces nerfs dans l’articulation.
La technique pour la luxation postérieure (et éventuellement postéro-interne et postéro-externe) combine une traction sur l’avant-bras, avec un petit degré de flexion du coude, pour que les condyle et trochlée huméraux se réenclenchent dans la cavité articulaire du cubitus. Un aide maintient une contre-traction sur le bras. On peut appuyer simultanément sur l’olécrâne pour l’abaisser. Les luxations antérieures, latérales et divergentes doivent se réduire au bloc opératoire car elles sont plus complexes. La luxation antérieure nécessite une phase de traction-flexion puis en maintenant une contre-traction, une poussée de l’avant-bras vers l’arrière. Les luxations divergentes font d’abord réduire le radius sous le condyle huméral puis le cubitus ou réduire le radius avec le cubitus, puis l’ensemble radius-cubitus sous le condyle-trochlée huméral.
La fracture du processus coronoïde du cubitus se réduit généralement en réduisant la luxation mais le fragment peut s’incarcérer dans l’articulation ou rester déplacé après réduction. Dans ce cas il nécessitera une ostéosynthèse chirurgicale. Les luxations irréductibles, instables, les luxations ouvertes, les lésions vasculaires et la fracture de Monteggia doivent être opérées.
Après la réduction, on immobilise le coude dans un plâtre brachio-antébrachiopalmaire BABP à 90 ou 100° de flexion, plus étendu donc que le classique BABP, avec contrôle radiographique très régulier car les déplacements sous plâtre sont fréquents. Cette immobilisation dure 3 semaines maximum, il faut débuter la rééducation à l’ablation du plâtre. Idéalement il faudrait déjà réaliser des mouvements passifs au bout d’une semaine dans les luxations simples.
La récupération complète se fait en 3 à 6 mois. De nombreux patients ont une limitation d’amplitude articulaire du coude après un épisode, mais qui n’est pas forcément invalidante. Certains coudes restent instables même après prise en charge initiale adaptée. Le déclenchement précoce d’une arthrose se voit également. Des ossifications à distance de la luxation peuvent se voir dans les parties molles.
Saragaglia D, Luxations du coude, Traumatologie à l’usage de l’urgentiste, Sauramps medical
Meyer F, Upper extremity and hand injury, Trauma by Moore Feliciano Mattox, McGraw Hill editions
Campbell C, Elbow dislocation, Greenberg’s text atlas of emergency medicine, Lippincott Williams & Wilkins editions
Radiopaedia : elbow dislocation
Complex soft tissues injuries following posterior elbow dislocation
Voir aussi sur le site : Fractures de la tête radiale et du col du radius Fractures du cubitus/ulna : olécrâne, apophyse coronoïde, épine olécrânienne Fractures de la palette humérale