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Histoire de la tétralogie de Fallot

Etienne Fallot tetralogie

Etienne-Louis Arthur Fallot (1850-1911)

C’est d’une tétralogie que nous allons parler aujourd’hui, mais pas celle de Wagner (l’anneau du Niebelung), celle de Fallot.
Cette expression connue de tout étudiant en médecine, qui souvent ne sait pas citer quels en sont les quatre éléments fondamentaux, associe une maladie malformative cardiaque au nom d’un médecin français du XIXème siècle.

On nomme souvent les maladies d’après le médecin qui les a découvert, et qui n’est pas toujours celui qui put proposer le premier un traitement. C’en est un exemple typique avec la tétralogie de Fallot.

Biographie

Fallot, Etienne Louis Arthur de son prénom, est né à Sète le 29 septembre 1850.
Il fait des études de médecine à Marseille, et soutient une thèse sur le pneumothorax an 1876.

S’orientant vers l’anatomopathologie, il s’occupera également d’hygiène et de médecine légale, mais son nom est passé à la postérité pour les travaux de la première discipline.

En 1886, il publie une description des maladies cardiaques infantiles sous le titre «Contributions à l’anatomie pathologie des maladies bleues», qu’on appelle maintenant cardiopathies cyanogènes de l’enfant.

La tétralogie de Fallot existait bien évidemment avant cette description et une étude scientifique en avait été faite déjà en 1671. Le nom de tétralogie ne sera adopté qu’en 1924.

Les malformations cardiaques

La tétralogie de Fallot, la plus fréquente des cardiopathies cyanogènes, et représentant une part non négligeable des cardiopathies congénitales au sens large, regroupe : une sténose de l’artère pulmonaire (ou de l’infundibulum pulmonaire) + une communication interventriculaire + une hypertrophie du ventricule droit + une dextroposition de l’aorte.
En réalité c’est plutôt deux affections malformatives (la sténose pulmonaire qui entraîne par répercussion l’hypertrophie ventriculaire droite et la communication interventriculaire, la position anormale de l’aorte étant dûe à un défaut d’alignement liée à la CIV).

On le sait moins mais il existe dans les vieilles descriptions une trilogie et une «pentalogie» même si pour cette dernière Fallot n’a pas donné de description.

La trilogie associe : une sténose de l’artère pulmonaire + une hypertrophie du ventricule droit + une communication interauriculaire (et non pas une CIV comme précédemment). Pour moins d’ambiguité on emploie plutôt l’expression sténose pulmonaire associée à une CIA.

La pentalogie associe les 4 malformations de la tétralogie de Fallot à une communication interauriculaire, c’est plutôt de cette façon qu’on la décrit.

Au XIXème siècle on ne sait pas soigner cette maladie, Fallot en posera une description précise sur des pièces autopsiques. Il faudra attendre la moitié du XXème siècle pour qu’on envisage un traitement.

La chirurgie cardiaque réparatrice

Pendant des siècles la chirurgie cardiaque n’a été qu’une branche marginale de la chirurgie. On ne savait guère que suturer quelques plaies cardiaques et drainer des péricardites très abondantes.
Dans la première situation, les résultats sont assez mauvais mais sans intervention le malade succombe à ses blessures. Dans la seconde, on n’intervient pas directement sur les cavités cardiaques, on peut donc opérer sur coeur battant sans trop de problèmes.
La chirurgie cardiaque est considérée jusqu’au XVIIIème siècle comme une chirurgie impossible.

Les interventions plus sophistiquées se heurtent au problème d’ouvrir des cavités remplies de sang (d’autant plus qu’on a pas de système pour transfuser rapidement de grosses quantités de sang), et de «travailler» sur une pompe éléctrique qui peut s’arrêter à la moindre stimulation.

Le pari historique de la chirurgie cardiaque sera relevé avec le contournement de ces deux problèmes : réaliser une dérivation du sang dans un circuit qui exclut le coeur-pompe et paralyser le coeur pour intervenir sur un système immobile qu’on reconnecte en fin d’intervention.

En dehors de la traumatologie, la chirurgie cardiaque réparatrice naît véritablement dans les années 1920 avec Henri Souttar qui opère une jeune fille d’un rétrécissement mitral extrème, en réalisant une commissurotomie au doigt en passant par l’auricule gauche.
L’intervention ne fût cependant pas reproduite sur des cas similaires pendant longtemps.

En 1938, Gross procède à une fermeture chirurgicale du canal artériel, la plus fréquente des maladies congénitales du coeur. En 1944, c’est une coarctation de l’aorte par Crafoord. Mais là encore les procédés sont plutôt périphériques au coeur et ne concernent pas des atteintes des cavités même.

En 1944, date de la première intervention sur une cardiopathie cyanogène, on ne propose pas encore de réparation complète de la tétralogie de Fallot. L’intervention qui est l’anastomose de Blalock-Taussig n’est pas curative mais palliative, elle réalise un shunt entre l’artère pulmonaire et une artère sous-clavière.
Mais cette intervention sauvera de nombreux «bébés bleus».
Progressivement à partir de 1950, on envisagera enfin des cures réparatrices totales de la tétralogie de Fallot.

Aujourd’hui le diagnostic est possible en anténatal par l’échographie, à partir de 22 semaines d’aménorrhée. La grossesse est surveillée normalement, on réalisera un caryotype car certaines malformations s’inscrivent dans des syndromes génétiques (trisomie 21, microdélétion 22).
L’accouchement doit se faire dans une maternité équipée d’un service de réanimation pédiatrique, même si généralement l’enfant à la naissance supporte bien l’anomalie.
Parfois le diagnostic n’est fait qu’après la naissance sur la perception d’un souffle cardiaque et des épisodes de cyanose. Celle-ci apparaît parfois tardivement plusieurs semaines après.
L’intervention curative est indiquée entre le 3e et le 12e mois de vie, car la cyanose est encore bien supportée généralement à cette période et il est plus simple d’opérer un nourrisson qu’un nouveau-né. Cette chirurgie ferme la CIV par un matériel prothétique en patch, et élargit le rétrecissement pulmonaire voire réalise un remplacement valvulaire total si la sténose est très serrée. Elle est réalisée à coeur ouvert sous circulation extra-corporelle.

En conclusion

Un anatomopathologiste français décrira le premier précisément une maladie congénitale fatale aux nouveaux-nés.
Un chirurgien américain propose la première intervention qui permettra à ses petits patients de survivre sans être totalement guéris.
La technicité de l’anesthésie et d’une chirurgie spécialisée longtemps réputée impraticable permettront enfin la guérison complète de la tétralogie.

De Fallot nous avons dit bien peu de choses dans cet article. Faudrait il rebaptiser cette maladie du nom de ceux qui amenèrent en premier un traitement ? L’appeler tétralogie de Fallot-Blalock-Taussig- et de ceux qui perfectionnèrent la technique ?
Fallot n’était pas chirurgien, et de toutes façons la chirurgie de la maladie n’était pas envisageable à la fin du XIXème. Pour comprendre cette affection, il fallait l’étudier précisément, comprendre le défaut embryologique qui entrainait le shunt vasculaire.
L’époque témoignera également du début de la spécialisation médicale qui fit qu’à partir du XXème siècle, un médecin ne pourra être célèbre par la réalisation d’une prouesse dans un domaine très précis et non plus être gynéco-ortho-neuro-endocrino-légiste.
Une maladie longtemps considérée comme inéluctable, une chirurgie réputée impraticable réussiront après 50 années d’essais difficiles à faire naître une discipline devenue une des stars des technique de pointe des soins médicaux.

Sources et références à consulter :

Etienne Fallot & Tétralogie de Fallot sur Wikipedia

Anastomose de Blalock-Taussig sur Wikipedia

Histoire illustrée de la cardiologie, Ph. Gorny, éditions R. Dacosta

Voir aussi sur le site :

Georges Gilles de la Tourette

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