Ricardo Darin et Martina Gusman
Pour le lecteur pressé :
scenario Santiago Mitre, Pablo Trapero, Martin Mauregui, Alejandro Fadel
Si l’on inaugure une nouvelle rubrique sur le site cela ne sera pas vous vous en doutez pour parler point de croix, mais plutôt Blair-Donati. Même si c’est au cinéma.
Carancho tombe au bon moment pour deux raisons.
Premièrement, un film avec une trame médicale est toujours intéressant à étudier, critiquer, chercher mesquinement les petits défauts, les incohérences …
Secondement parce que les films qui ne sont pas nés sous nos latitudes ne laissent jamais indifférents, provoquant soit un rejet massif soit un enthousiasme irraisonné.
L’histoire du film est très simple : c’est la rencontre de deux paumés, qui vont s’attirer-se repousser mais que l’amour réunira malgré tout. Le contexte est plus intéressant.
Elle est une jeune médecin (droguée pour tenir le coup) travaillant aux urgences d’une grande ville d’Argentine, s’atreignant (par nécessité de carrière sans doute) à faire beaucoup de gardes type SMUR, en ayant le manque d’équipement et de sécurité qu’on peut voir chez les paramedics des Etats-Unis.
Lui est un avocat radié du barreau (on ne saura jamais vraiment bien pourquoi) qui utilise son savoir et son habileté verbale pour escroquer les familles des victimes d’accidents de la route, mais qui culpabilise et veut tourner la page.
Carancho informe dès le générique de cette situation inquiétante en Argentine (mais extensible certainement à toute l’Amérique du sud voire au delà). Face à des « épidémies » de polytraumatismes routiers, la question d’indemnisation des victimes se pose. Des intermédiaires sont nécessaires entre les compagnies d’assurance (certainement pas pauvres) et les blessés ou leurs proches (souvent de milieu très modestes).
C’est là qu’interviennent les Carancho (qu’on pourrait traduire par rapaces), qui utilisant un habit de sérieux et de droit, négocient âprement avec les assurances et finissent par détourner les sommes qui devraient revenir normalement aux familles.
Mais ce n’est pas un documentaire sur l’escroquerie, c’est un véritable long métrage de cinéma, un thriller sombre et glauque, entre mafia, corruption, drogues et meurtres faciles. C’est un film dur, qui ne laisse que très peu de place à l’espoir.
Et c’est là qu’il est une fois de plus surprenant. Oui ce film vient d’Amérique du sud (d’accord il a certainement eu des moyens et ce n’est pas un film totalement amateur), mais il est bluffant. Dans la mise en scène stylisé mais terriblement efficace, dans le jeu des acteurs tout en nuances, dans la construction crescendo et suffocante de l’intrigue dramatique.
C’est une très belle réussite que l’on avait pas vu depuis longtemps au cinéma, et qui laisse à penser que le cinéma hexagonal et même d’outre atlantique devraient s’inspirer au lieu de ronronner péniblement.
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Je suis désolée mais je ne partage pas ton avis. Le film est relativement bon, d’accord, mais je l’ai trouvé décevant, trop de clichés, le scénario cède trop à la facilité, j’en suis sortie en restant sur ma faim.
C’est sans doute le 1er film argentin que je vois et je trouve qu’il n’a rien à envier au cinéma américain ou européen.
La trame de fonds m’a beaucoup intéressé, c’est pour ça que j’en parle ici même si c’est a priori hors sujet. Sur un autre thème, ça m’aurait sûrement moins plu.
Depuis le début des années 2000, l’Argentine est revenue très fort sur la carte du cinéma mondial (après l’âge d’or du studio Argentina Sono dans les années 50/60). Des cinéastes comme Lucrecia Martel, Lissandro Alonso, Fabian Bielinsky, Adrian Caetano ont, chacun à sa manière, fait bouger quelques unes de nos lignes esthétiques. Pablo Trapero a apporté un réalisme issu du documentaire qui fait merveille dans les puissants « El Bonaerense » et « Leonora ». « Carancho » y ajoute les artifices du cinéma de genre, au risque de perdre parfois son équilibre. En l’état, ça reste une pure série noire, comme nous en voyons trop peu.