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Toxicité liée aux energy drinks

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Il est assez difficile de faire un état des lieux précis concernant la toxicité spécifique liée à la prise de boissons énergisantes (energy drinks). D’une part on manque de données précises sur le sujet, d’autre part parce qu’elles sont (quand elles sont impliqués dans des problèmes médicaux) rarement prises seules mais en association avec au minimum de l’alcool.
On observe cependant une augmentation de fréquence des consultations en urgence pour un problème médical lié à leur consommation, notamment dans une tranche de population jeune, masculine et très souvent en cofacteur avec la prise d’alcool.

Qu’est ce qu’un «energy drink» ?

L’expression tient plus du phénomène que de la dénomination précise d’un produit, puisque ce sont très souvent des mélanges. La seule caractéristique commune vient de l’ambition première du produit à savoir être stimulant.
Cette «stimulation» est vendue comme un booster d’énergie pour l’individu fatigué alors qu’il doit rester performant. Mais fréquemment le produit est pris pour anticiper cette fatigue dans un contexte de travail, sportif ou récréatif. Et il semblerait que ce soit cette dernière situation qui soit la plus problématique.

Ce sont des produits commerciaux existant depuis longtemps, ils ont été créés au Japon au début des années 60 et visaient les businessmen. Elles ont ensuite été produites dans différents pays asiatiques et c’est de là qu’elles ont été importées en Europe puis aux Etats-Unis et ce n’est que dans les années 90 qu’elles ont véritablement explosé.

Quelles substances peut on trouver dans un Energy drink ?

Comme il n’existe pas des milliers de stimulants simples à produire et intégrer dans un produit à destination du grand public, le plus simple c’est la caféine. Mais comme on connait déjà son pouvoir excitant, d’autres produits moins connus ont été intégrés (et dont on suspecte moins des effets négatifs) comme la taurine, des vitamines B, la maltodextrine, l’inositol, la carnitine, la créatine, le glucuronolactone. Et parfois en gardant quand même de petites doses de caféine, ce qui pose problème quand plusieurs même à petites doses sont associés entre eux.
Des plantes comme le guarana, le ginseng sont parfois intégrées aux mélanges.

Pour être vendues librement dans tous les pays, la plupart des boissons énergisantes ne contiennent pas d’alcool mais certaines si jusqu’à 6%. De toutes façons l’intrication problématique energy drink – alcool vient d’une consommation sous forme de complément versé dans le verre d’alcool ou après une première consommation d’alcool quand les effets de fatigue se font sentir, histoire de retrouver de l’énergie pour que la fête continue.
Et que du coup la consommation d’alcool puisse recommencer de plus belle.

Risques médicaux

On connait bien les symptômes de surconsommation de caféine, mais ils surviennent généralement quand on dépasse 6 tasses de café ou 2 à 3 l de thé.
Certains cas d’overdose à 2g de caféine ont été observés. Certains médicaments comme la fluvoxamine interviennent dans le métabolisme de la caféine et entrainent une accumulation de caféine plus importante.
En général on recommande de ne pas dépasser 600 mg, et 300 chez la femme enceinte.

Dans une bouteille d’energy drink il y a la plupart du temps 80 mg de caféine, ce qui reste donc en deçà de la dose maximale préconisée, mais reste malgré tout une dose importante, avec le risque de cumuler si plusieurs canettes sont absorbées.
Le problème des energy drinks est aussi de faire consommer l’intégralité du contenu de la canette métallique alors que le sujet n’en a pas besoin ou n’en ressent pas le plaisir (après tout c’est vendu comme produit de consommation alimentaire) mais parce qu’il espère l’effet stimulant.

Les symptômes d’hyperexcitation vont donc porter au niveau somatique sur des palpitations, une tachycardie, des sueurs, des tremblements, une polyurie, une accélération du transit intestinal. L’effet psychique entraine insomnie, excitation psychomotrice, anxiété voire agitation, perturbations importantes de l’humeur.

L’intoxication massive verrait des troubles du rythme cardiaque, une hypertension artérielle, une rhabdomyolyse et sur le plan psychiatrique, une agitation délirante mais aussi des états comateux quand l’organisme a dépassé ses possibilités d’adaptation et notamment en cas de prise d’alcool.
Les traitements spécifiques sont exceptionnellement nécessaires, mais en cas de concentration sérique majeure de caféine, l’hémodialyse ou l’hémofiltration est envisageable.

En France, la distribution de ces produits a longtemps été limitée par des craintes sur les risques de santé, mais il n’y a pas eu de preuve formelle démontrée, même si on suspecte des effets secondaires neurologiques mais les conditions précises restent floues.

La taurine qui est présente naturellement dans le corps, a des fonctions comme neurotransmetteur, intervient dans les fonctions cardiaques et musculaires. On ne la recommande pas quand elle est présente dans un produit aux patients souffrant de troubles cardiaques, mais c’est tout ce que l’on sait.

Le glucuronolactone pourrait avoir une toxicité rénale.

Le guarana contient de très fortes doses de caféine, mais aussi de la théophylline et de la théobromine, ce qui lui confère un pouvoir psychotrope puissant.

Moins qu’un effet de toxicité surajouté quand la prise d’alcool est concomittante c’est plutôt une diminution de la sensation d’ivresse qui est perçue et c’est là tout le problème.
Le sujet qui se sent moins saoul, moins fatigué et peut plus facilement s’inscrire dans un comportement à risque. C’est cette perception qui est faussée via la prise de boisson énergisante et pas le temps de latence de l’ivresse qui n’est pas modifié («wide awake drunkenness»).

On a décrit des syndromes catécholaminergiques comme un Tako Tsubo inversé suite à la prise d’energy drinks.

Conclusion

Si le risque pour la santé peut paraître bien secondaire comparé à d’autres intoxications, il y a cependant un grand flou sur les dangers de ces produits. L’enjeu commercial étant important, on peut être très suspicieux quand à la réelle inocuité.

Par ailleurs et même si l’energy drink en lui même ne devient toxique pour la santé qu’en consommation massive et continue, le problème principal qui se pose à l’heure actuelle est l’intrication de la prise d’alcool avec ces boissons.

Il ne se pose pas uniquement sur le plan de la santé physique mais sur des dérives psychopathologiques sur une population jeune et fragile, avec des comportements inappropriés, des passages à l’acte hétéroagressifs ou suicidaires, des violences ou abus en tous genres dans lesquels un produit désinhibiteur et un produit excitant servent de détonateur.

Références

Wikipedia, energy drinks

Surge Reported in Energy Drink Emergency Department Visits

Energy Drinks Pose Serious Health Risks for Young People

article tiré de Clinical Pediatric Emergency Medicine

Reverse Takotsubo Cardiomyopathy Associated With the Consumption of an Energy Drink

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