Mary Mallon (23 septembre 1869 – 11 novembre 1938) n’était ni médecin, ni chirurgien, ni biologiste, même pas chimiste comme Pasteur. Pourtant à l’instar de ce dernier pour la rage, sa vie est liée à l’histoire de la microbiologie, mais beaucoup moins glorieusement. Mary Mallon a été un vecteur de la fièvre typhoïde aux Etats-Unis au début du XXème siècle, dont elle ne souffrait pas mais était porteuse saine, ce qui lui valut le surnom de «Typhoid Mary».
Pour mémoire la fièvre typhoïde est une infection à Salmonella typhi donnant une atteinte souvent multisystémique pouvant être fatale. La présentation classique associe fièvre, malaise, douleur abdominale diffuse, constipation au début de la maladie et diarrhée tardivement au cours de la 3ème semaine mais les manifestations peuvent être atypiques. Elle peut évoluer vers un syndrome confusionnel parfois avec séquelles neuropsychiques, des perforations et hémorragies intestinales et la mort.
La transmission est principalement orale via l’alimentation souillée ou l’eau qui a été en contact avec un patient infecté (évacuant généralement les microbes dans les selles et les urines). Il n’y a pas de vecteur animal de cette infection. L’infection se déclenche entre 7 et 15 jours après le contage.
Les principales mesures d’hygiène pour endiguer la fièvre typhoïde consistèrent en l’assainissement des réservoirs d’eau. Différents vaccins furent créés à partir de 1896 par Wright puis 1909 par Russell et amenèrent une chute spectaculaire du nombre de cas de typhoïdes. Le traitement curatif de la maladie active via les antibiotiques n’a pu être possible que tardivement, puisque le chloramphenicol, 1er antibiotique utilisé pour traiter la fièvre typhoïde ne sera utilisé qu’en 1948 …
C’est en Irlande du Nord, plus précisèment à … Cookstown (ça ne s’invente pas) qu’est née Mary Mallon. Elle émigre aux Etats-Unis en 1884, et commence à travailler à partir de 1900. Elle trouve ses premiers emplois en tant que cuisinière à New York. L’histoire ne dit pas si c’était une cuisinière talentueuse qui en d’autres temps aurait remporté haut la main des concours télévisuels gastronomiques ou juste une préparatrice de brouets immondes.
Ce qui est certain, c’est que c’est aussi à partir de cette date qu’on observe des cas de fièvre typhoïde dans son entourage, les touts premiers concerneront ses premiers patrons, puis sa famille, et la famille de ses différents patrons.
Entre 1901, à Manhattan, et 1906 à Long Island, des séries d’infections à Salmonella typhi (l’agent de la fièvre typhoïde) vont se déclarer entrainant des fièvres, des diarrhées et des complications aboutissant parfois aux décès.
A partir de cette date, la suspicion est forte envers Mary, mais deux problèmes dans les enquêtes se posent : 1/ Mary déclare toujours être en parfaite santé et n’avoir jamais contracté la fièvre typhoïde 2/ Elle refuse catégoriquement de se soumettre à des prélèvements biologiques pour la tester. C’est grâce au travail d’un chercheur, George Soper, que la confirmation de sa responsabilité sera établie. Celui-ci qui l’avait contacté pour recueillir les prélèvements, établit un rapport de 5 ans d’activité de Mary et de cas groupés de fièvre typhoïde dans son entourage professionnel.
Les autorités de New York dépêchent alors le Dr Josephine Baker pour tirer cette affaire au clair. Si au départ cette dernière pense à l’innocence de Mary, elle finit par établir clairement sa responsabilité et la fait interner. La «capture» de Mary est d’ailleurs assez musclée. A cette époque on ne sait pas vraiment comme agir au mieux pour endiguer ces petites épidémies et la seule solution est de placer ces personnes en isolement. Mary sera donc placée dans une clinique de North Brother Island pendant 3 ans. On lui propose d’abandonner son travail de cuisinière ou de subir une ablation de la vésicule biliaire (suspectée d’être un réservoir de germes) mais elle refuse.
En 1910, on décide de ne plus garder en isolement les porteurs de maladie. Mary Mallon est autorisée à sortir mais à condition qu’elle s’engage à exercer un autre métier que la cuisine. Elle travaille comme lingère, mais elle gagne beaucoup moins bien sa vie. Elle retravaille alors comme cuisinière en se faiseant engager sous le pseudonyme de Mary Brown.
En 1915, on soupçonne Mary Brown, cuisinière au Sloane Hospital for Women de New York, devant de nombreux cas de contamination. Mary est alors remise en quarantaine sur l’île de North Brother pour y rester définitivement. Elle finira même par y travailler comme technicienne. Devenue célèbre malgré elle, elle y accordera quelques entretiens pour la presse, qui avait pour consigne de ne même pas accepter un verre d’eau de sa part.
En 1932, elle fait une attaque cérébrale et reste paralysée. Elle meurt en 1938, à 69 ans d’une infection certes … mais d’une pneumonie ! Une autopsie sera réalisée et montrera de nombreux bacilles de la fièvre typhoïde encore vivants notamment dans sa vésicule biliaire.
Mary Mallon n’est pas la seule patiente ayant véhiculé la fièvre typhoïde alors qu’elle n’en souffrait pas elle-même, mais c’est le 1er cas authentifié comme tel aux Etats-Unis au début du XXème siècle. Au début de 1900 les premiers porteurs sains ont été évoqués en Angleterre. A l’époque de Mary Mallon, près de 400 porteurs sains ont été identifiés aux Etats-Unis mais aucun ne furent confinés à l’isolement comme elle.
Au total au moins 51 cas dont 3 décès ont été liés directement à son histoire. La gestion de ces crises sanitaires était délicate compte tenu du manque d’expérience de ces situations et du fait que Mary Mallon ait toujours protesté souffrir de cette maladie et se soit fortement opposée.
L’expression «Typhoid Mary» reste parfois employée aux Etats-Unis pour dénigrer une personne qui répand quelque chose d’indésirable, volontairement ou non. C’est aussi le surnom d’un personnage de bande-dessinées Marvel comics, ennemie de Daredevil.
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Sources :
Mary Mallon (Typhoid Mary)
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1529062/
The curious career of Typhoid Mary
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1911442/?page=1
The sad and tragic life of Typhoid Mary
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1487781/
Mary Mallon sur Wikipedia
http://fr.wikipedia.org/wiki/Mary_Mallon
Tragic tale of Typhoid Mary
http://bettergreta-nocturneingflatmajor.blogspot.fr/2012/03/tragic-tale-of-typhoid-mary.html
Typoid fever sur Medscape
http://emedicine.medscape.com/article/231135
Typhoid fever sur Wikipedia
http://en.wikipedia.org/wiki/Typhoid_fever
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Extra l’article ❤ merci beaucoup
Excellent article j’ai appris plein de choses 🙂 merci
L’histoire d’une femme dans l’histoire d’une maladie. J’ai adoré ce billet, merci!
c’est quand même assez triste cette histoire, parce que ce serait facile de la stigmatiser en la considérant comme une empoisonneuse. Peut être qu’elle était convaincue de ne pas être à l’origine du problème et qu’après elle s’est enfermée dans son attitude
Oh oui! Chouette article. Je plussoie Babeth.
Excellent billet merci beaucoup !