C’est un dessin, enfin une peinture numérique en niveaux de gris, d’après photographie couleur (j’aime bien désaturer les photos avant de les reproduire). Elle représente un patient afro-américain d’une 50aine d’années qui a connu une histoire clinique difficile, la photo étant prise 2 mois après le dernier épisode.
Je ne vous donne pas plus d’indices.
Saurez vous deviner ce qui est arrivé à cet homme ?
(vous pouvez cliquer pour voir l’image en plus grand)
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Voici la solution de ce cas clinique :
Dans le Colorado, un patient de 50 ans aux antécédents de schizophrénie et d’alcoolisme chronique est victime d’une agression à l’arme blanche avec plusieurs coups de couteau au niveau thoracique. Ces plaies atteignent les deux ventricules cardiaques et le poumon gauche, il arrive aux urgences en état de choc avancé avec une tamponnade (épanchement péricardique massif). Le patient est transporté aux urgences du Denver Health Medical Center où une péricardiocentèse (ponction péricardique) est réalisée : elle retire 1,5 litre de sang. Une thoracotomie de sauvetage est ensuite effectuée qui permet de sauver le patient. Celle-ci est faite par une incision dans le 5ème espace intercostal gauche et se prolonge au-delà du sternum. La plaie chirurgicale est fermée, et des drains thoraciques posés.
Malheureusement cette opération réalisée dans des conditions extrêmes se complique 10 jours après d’une infection de la plaie à staphylocoque doré résistant à la méticilline. Sous traitement antibiotique, le patient est réopéré plusieurs fois pour réaliser un débridement de la plaie avec exérèse des tissus mous, des cartilages costaux et d’une partie du sternum.
Une fois la cicatrisation primaire obtenue par système type VAC (Vacuum assisted device, système utilisé pour la fermeture des plaies complexes sous aspiration), une chirurgie plastique de reconstruction est envisagée. Le choix se porte vers un lambeau musculaire pour combler la perte de substance (qui affleure le péricarde). Mais il reste à savoir quel lambeau utiliser. Les lambeaux au niveau thoracique (muscle pectoral, muscle grand dorsal) ne sont pas utilisables. Le grand droit de l’abdomen ne peut être utilisé en tant que lambeau pédiculé car l’incision lors de la thoracotomie a aussi sectionné les deux artères mammaires internes (une angiographie thoracique montre une interruption du flux vasculaire de ces vaisseaux).
Le muscle grand droit de l’abdomen, à droite, a été utilisé en tant que lambeau libre. Son pédicule vasculaire inférieur (vaisseaux épigastriques inférieurs) a été anastomosé avec l’artère mammaire interne droite au niveau du 3ème – 4ème espace intercostal, soit au-dessus du niveau de section de cette dernière. La surface du muscle a été couverte par une greffe de peau.
Ce lambeau a bien cicatrisé et le patient a été guéri sans autres complications.
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Ce qu’on voit donc sur cette illustration, ce sont la cicatrice de la plaie opératoire de thoracotomie couverte par lambeau et greffée, une cicatrice de drain (en bas à droite de la cicatrice sur l’image), une cicatrice longitudinale abdominale qui a servi à prélever le muscle droit de l’abdomen côté droit et un cathéter veineux central (sous-clavier ?). On voit également une cicatrice sur l’hémithorax droit à hauteur du mamelon, qui n’est pas décrite précisément dans l’article, il s’agit sans doute d’une incision lors de la dernière opération pour mettre en continuité le vaisseau nourricier du lambeau avec l’artère mammaire interne droite.
Vous pouvez lire le compte-rendu détaillé avec discussion (en anglais) de cet article qui a été publié en 2010 dans le World Journal of Emergency Surgery :
ou sur Pubmed Central
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Pourquoi ce sujet ?
C’est un cas clinique complexe qui témoigne d’une part de la violence urbaine aux Etats-Unis et probablement des conditions difficiles de patients marginalisés, en particulier psychotiques.
C’est aussi un cas de iatrogénie chirurgicale avec la section des vaisseaux mammaires internes qui compliqueront la reconstruction, et d’infection nosocomiale à germe multi-résistant.
Bref un cas clinique frontière entre traumatologie et infectiologie, je ne pouvais pas ne pas en parler.
Quel était l’intérêt de reproduire cette photographie ?
L’intérêt … aucun !
Ceux qui suivent le blog ont pu comprendre que j’aimais bien faire des petits dessins. Malgré le fait que l’image ne soit pas plaisante à regarder, au moins elle est saisissante. Elle traduit une histoire clinique difficile, d’autant plus que les traumatismes du thorax sont grevés d’une lourde mortalité et que les blessés opérés même précocément ont des chances de survie très faibles.
Je suis tombé sur l’article un peu par hasard, en cherchant des photos pour les articles sur les thoracotomies, et l’article était en accès libre. Il était difficile d’en faire un billet de blog dans l’ancien style article de synthèse du site, mais je me suis fixé comme défi de reproduire l’image dans le style photoréaliste.
Sur le choix de la photo en post-opératoire à 2 mois :
Il n’y a visiblement pas eu de photographies pré-opératoires ou lors de la première thoracotomie. Celles-ci intéressantes du point de vue clinique, constituent malgré tout des images de traumatismes, très violentes, difficiles à regarder pour beaucoup de gens. Techniquement c’est intéressant à dessiner mais c’est condamner ces images à ne jamais être vues quasiment.
Les photographies des opérations de débridement auraient pu aussi constituer un challenge technique mais elles me semblaient moins intéressantes car hormis montrer une vaste perte de substance, elles n’informent pas beaucoup.
La reconstruction demande souvent plusieurs clichés pour bien comprendre le processus, et aurait impliqué plusieurs dessins. De plus l’aspect «photo de bloc» fait que le «lecteur» met du temps à trouver ses repères dans l’image.
Restait la cicatrisation définitive qui, tout en étant moins choquante, permettait de retracer l’histoire de la maladie de ce patient, de montrer les prouesses de la chirurgie reconstructrice, tout en témoignant des séquelles physiques (à défaut de pouvoir faire état du traumatisme psychologique) qu’il gardera à vie.
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Voir aussi sur le site :
Plaie du thorax par arme blanche
Plaies de l’abdomen par arme blanche
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Je vois bien une histoire du genre, le chirurgien a fait une intervention en haut, mais il a oublié la clef de 10 qui a fini plus bas, donc il a fallu l’ouvrir en deux ensuite pour récupérer ce qui manquait dans la boite à outils.
Il a eu une grande lap. Une thoracotomie antérieure, à gauche, mal cicatrisée : septique ? Faite en grande urgence ? On devine un ancien orifice de drain pleural gauche, et deux autres pouvant correspondre à un vieux drain pleural et à un drain péricardique. Des pansements sur le ventre en FID : orifices de drainage ou rétablissement d’iléocolostomie en voie de cicatrisation ?
Le patient est toujours très oxygénodépendant, on devine le bas du ballon du masque.
On devine une cicatrice sous-clavière gauche : KT central ? KT de dialyse ?
Je tente :
AVP ou trauma à haute énergie,
avec arrêt sur tamponnade à la prise en charge,
thoracotomie de ressucitation à la hussarde sur la table de scanner, par exemple (FdR d’infection post-op),
avec possible lésion de la face inférieure du ventricule droit, genre punctiforme, réparée aisément (ou pas) par l’abord antérieur -> drainage péricardique et pleural.
Dans les suites :
1. ischémie mésentérique (j’avoue que c’est tiré par les cheveux) -> lap, résection digestive et stomie de protection, rétablie à 6 semaines. Possible dialyse en réa sur insuffisance rénale aiguë.
2. pleurésie purulente, avec cicatrice dégueulasse, reprise au bloc et laissée en cicatrisation dirigée. Là, le patient vient faire refaire son pansement en consult.
J’avoue ne pas comprendre à quoi correspond la cicatrice sus-mamelonnaire droite. Une médiastinotomie ? Mais c’est un peu grand et un peu bas pour ça.
J’ai bon ? ^^
Sur les cicatrices: laparotomie, thoraciques, drains, je ne peux malheureusement pas raisonner…je suis une bille en chirurgie. Sur l’aspect de la cicatrice thoracique gauche, il existe un défaut de cicatrisation. Deux hypothèses : soit un processus infectieux, soit un processus inflammatoire. Je retiens un processus inflammatoire de type pyoderma gangrenosum, qui pourrait expliquer l’aspect de ce défect cutané . Il existe classiquement des recto coliques ulcéro-hémorragiques associées à des pyoderma gangrenosum, ce qui pourrait expliquer la cicatrice de laparotomie ( intervention sur côlon). Mais je ne comprends pas l’abord thoracique : il s’est peut être fait poser des prothèses pectorales …
une histoire de gang et d’arme à feu peut-être, pour les détails aucune idée, le niveau est bien trop élevé pour moi: j’attends la réponse avec impatience, l’iconographie est magnifique.