Voici un cas clinique exposé dans un ouvrage paru en 1930.
Je l’ai choisi pour le terrain particulier et le doute diagnostique potentiel.
Les descriptions dans ces livres étant souvent assez longues, je n’ai laissé que la partie descriptive de l’affection afin de laisser un peu de suspens pour les Dr House en herbe qui voudraient se risquer à une hypothèse diagnostique.
La discussion sur l’étiologie sera publiée ultérieurement de même que le traitement et l’évolution de la maladie chez ce patient.
«Un étudiant en médecine de 20 ans souffre d’une angine unilatérale très douloureuse, d’aspect diphtéroïde. A cause des caractères assez insolites de cette amygdalite, son médecin ne sait quel diagnostic porter […]
Il me demande de l’aider à conclure.
Je me fais d’abord raconter l’histoire de la maladie. La voici :
Le début de l’affection remonte à 48 heures. La première manifestation morbide a consisté en un léger mal de gorge éprouvé ce jour-là à l’occasion de l’absorption du premier déjeuner.
Néanmoins, ce jeune homme est allé faire son service à l’hôpital comme d’habitude. A midi il est rentré chez lui exténué. Il a déjeuné sans appétit, en souffrant à la déglutition. Il s’est couché aussitôt après le repas.
A peine au lit, il a été pris d’un grand frisson avec claquement de dents. En même temps, il s’est mis à ressentir de vives douleurs spontanées dans la gorge avec irradiations très pénibles dans l’oreille gauche, et à avoir de la peine à avaler sa salive, sécrétée en abondance, et qu’il était obligé de cracher constamment.
Le soir il n’a pas dîné; il s’est contenté de boire péniblement des liquides. Sa température atteignait 39°.
A l’examen on constatait alors de la rougeur diffuse de l’isthme du gosier avec oedème du pilier antérieur gauche du voile du palais.
La nuit suivante a été très mauvaise.
Le lendemain – veille de ma visite – on a constaté dès le réveil une exagération considérable de tous les symptômes précédents : les douleurs étaient très vives; la déglutition était presque impossible; la salivation était continuelle; la température atteignait 40°2; les urines étaient très albumineuses, alors qu’elles ne contenaient auparavant que des traces d’albumine.
L’inspection de la gorge montrait que toute la partie gauche du pharynx avait pris un aspect pseudo-phlegmoneux; le pilier antérieur gauche du voile du palais, très fortement oedématié, masquait l’amygdale de ce côté; sur ce pilier, aux confins de l’amygdale, existait un point blanchâtre, pultacé d’apparence.
La palpation de la région sous-angulo-maxillaire gauche faisait découvrir une adénite douloureuse de volume moyen.
Toute cette journée a été pénible.
La nuit suivante, l’insomnie a été complète.
Aujourd’hui la situation est la même à tous les points de vue.
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Après cet historique, je suis conduit auprès du malade, aux fins d’examen.
Il a 20 ans. Il est bien constitué. Pour le moment il a l’air très fatigué. Il est couché sur son lit, et sa dysphagie se manifeste fréquemment par les grimaces que lui fait faire la douleur éprouvée à la déglutition de sa salive; du reste, le plus souvent, il la crache pour n’avoir pas à l’avaler.
A ma demande, il ouvre la bouche sans aucune difficulté et très largement. Il n’a donc pas le moindre trismus.
Dans sa gorge j’aperçois des lésions qui sont strictement unilatérales, localisées du côté gauche.
Il s’agit principalement d’une tuméfaction oedémateuse diffuse englobant l’amygdale, le pilier antérieur du voile, et un peu la luette.
En outre, il y a sur l’amygdale gauche une ulcération de la dimension d’une pièce de cinquantes centimes, à grand diamètre vertical, et dont le bord antérieur est entouré de 5 à 6 petites ulcérations de la taille d’une tête d’épingle. Deux ou trois d’entre elles empiètent un peu sur le pilier antérieur du voile. Toutes ces ulcérations, grandes et petites, sont recouvertes d’un enduit grisâtre, sanieux, diphtéroïde.
L’exploration de la bouche ne révèle la présence d’aucune lésion buccale, gingivale ou dentaire.
Je ne juge pas de procéder au palper de l’amygdale, et je m’abstiens de cette manoeuvre pour éviter au malade des souffrances inutiles.
Pendant toute la durée de l’examen j’ai remarqué deux faits intéressants à retenir :
1° l’extrême abondance de la sécrétion salivaire; 2° l’absence totale de fétidité de l’haleine.
A l’angle gauche de la mâchoire se trouve un ganglion tuméfié, gros comme un haricot, très douloureux, mais sans périadénite.
La température est maintenant à 39°8.
Quel diagnostic convient-il de porter ici ?
Le médecin traitant me laisse le choix entre trois hypothèses […] il convient même de leur en adjoindre une quatrième […] hypothèse à laquelle mon confrère, parent du malade, s’est refusé à s’arrêter pour des raisons de sentiment très compréhensibles.»
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Issu de : Petites cliniques, Louis Ramond, éditions Masson, 1930
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La solution dans la 2ème partie
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It’s a lupus !
Plus sérieusement, j’adore cette petite excitation à la House, j’ai espéré pouvoir lever une partie du mystère avec mes maigres connaissances mais impossible.
Vivement l’article explicatif !
J’attends d’avoir toutes les hypothèses. On peut même monter jusqu’à 6 ou 7 diagnostics
Au niveau infectio :
Chancre mou
Syphilis mais ça serait pas douloureux
Diphtérie/MNI/angine de vincent ce serait bilatéral et haleine fétide
VIH bof bof en 1930
Au niveau cancéro :
Cancer de l’amygdale? Mais l’apparition aigue colle pas du tout
Au niveau hémato :
Angine ulcéronécrotique sur neutropénie
Ou gonocoque!
angine de Vincent? mais dans mon souvenir haleine fétide++
ce n’est pas unphlegmon amygdalien car pas de trismus
Chancre syphilitique?
Hum…
on peut évoquer une parotidite bactérienne, mais dans ce cas là la tuméfaction serait peut être plutôt externe et non endobuccale…
Une angine infectieuse « classique » avec abcès amydalien ? L’absence de trismus exclue le phlegmon mais l’abcès c’est possible…
Les membranes font penser à la diphtérie, mais le côté unilatéral me paraît pas en faveur
Le côté ulcéré et pseudo membraneux, l’aspect unilatéral avec une seule adénopathie ainsi que l’hypersalivation évoquent l’angine de Vincent, mais la fièvre intense et l’absence d’haleine fétide sont contre…
Par contre le 4ème diag… peut être une angine gonococcique ou syphilitique qui supposerait des pratiques sexuelles pas très conformes… 😉
j’ai pensé en premier à la rage. en 1930 je pense que c’est pas impossible. Et les raisons sentimentales qui font qu’on y pense pas sont certaines vu le pronostic.
sinon une hémopathie maligne devant l’homme jeune et l’atteinte unilatérale de l’amygdale. mais ça colle pas vraiment.
et je plussoie Mike pour le chancre mou.
et puis pour être fantaisiste une tuberculose ganglionnaire avec atteinte amygdalienne. Je sais pas si ça existe mais pourquoi pas.
vivement la réponse : )
Angine diphtérique? En vrai je ne sais pas trop à quoi ça ressemble, mais le côté membraneux fait qu’on doit l’évoquer. Cela dit si c’est ça c’est atypique, à l’époque ils devaient être au taquet sur le diagnostic, non?
L’hypothèse syphilis m’a traversé l’esprit, mais hyperalgique comme ça, je n’y crois pas.
J’avais pas pensé à la neutropénie avant de lire les commentaires mais ça pourrait.
Et sinon je mettrais bien une mononucléose atypique, ça peut ressembler à tout ce truc là!
Comme personne ne l’a dit ça doit être faux mais bon
Streptocoque béta hémolytique A
Et puis en 1930 c’était un peu tôt pour la pénicilline alors on sait jamais
J’ai pensé aussi à la syphilis, la rage ça n’y ressemble pas trop à part la salivation, angine ulcéro nécrotique il me semble aussi que l’haleine serait épouvantable. Une dent de sagesse ectopique, à 20 ans ça peut arriver que l’éruption se passe mal.
Primo infection herpétique ça colle pas mal je trouve… bon je suis pas médecin mais je joue avec vous quand même!
Angine de duguet sur typhoïde, mais je sais pas à quoi ça ressemble.
tu proposes parce que le nom est joli c’est ça ? 🙂
C’est surtout les noms propres qui m’attirent en fait ! Les grands noms de la médecine ❤
Mais sinon oui ça ressemble à muguet
hors sujet dans ce topic mais si tu aimes les noms propres, LITFL a recensé les fractures à noms propres ici :
http://lifeinthefastlane.com/education/who-was/eponymous-fractures/
Sympa ce cas clinique ! Par contre la description passe d’erythemato-pultacée à ulcéro-membraneux en passant par des pseudo-membranes…
1/ Angine streptococcique. Qu’il n’ait pas goûté le pipi pour rien.
1 bis/ diphtérie parce que non vacciné, contage d’étudiant en médecine et hypersalivation.
2/ Angine de Vincent mais ça manque de fétidité.
3/ MNI, c’est un peu ridicule mais bon il parle de pseudo-membrane, d’asthénie chez un homme jeune qui embrasse de jeunes donzelles.
4/ l’hypothèse honteuse ça doit être la syphilis. Vu que l’adenopathie est douloureuse on peut aussi penser au Nicolas-Favre à la place (et puis les noms propres font tellement plaisir à Mike !)
5/ il faut penser aux hémopathies et VIH également mais là le côté unilatéral n’est pas en faveur.
Hâte de voir la correction !
C’est vrai que la description est riche et même contradictoire parfois, mais c’est souvent le cas dans les vieux livres.
A cette époque avec très peu d’examens complémentaires, ils faisaient des subtilités sémiologiques parfois délirantes.
Bon, je me lance aussi…(j’adore ça…)
Syndrome infectieux, ou pseudo-infectieux avec AEG chez un JH étudiant en médecine, en 1930..
1/ Ulcérations infectieuses: chancre mou (mais AEG donc non), chancre syphilitique (idem et en plus classiquement non douloureux), angine de Vincent (haleine fétide manquante, signe généraux ici trop important), diphtérie (bilat non ?)
2/ Corps étranger avec surinfection bactérienne (mais trop rapide), et puis pas assez compliqué
3/ J’élimine d’emblée les ulcérations secondaires (hémopathies….), car il y aurait d’autres éléments sémiologiques, de même aphtose (trop de SG ici)
4/ Hypersialie, ulcérations, étudiant en Médecine en 1930, signes généraux +++, albumine dans les urines: intoxication mercure (peut être a-t-il pris sa température avec un thermomètre au Mercure qui s’est cassé…). Et là, pas de bol, car je ne sais pas si cela se soigne!
Bon comme diag à la Dr House, je n’ai pas mieux…
Han ouiiiii ou il a mis le thermomètre dans sa bouche et il y a eu passage systémique.
Ou il s’est automédiqué par mercure (ancien ttt de la syphilis).
Mais je m’égare je crois 🙂