Les panaris (en anglais « felon »)sont des infections localisées des doigts.
L’origine des panaris étant des microtraumatismes créant une porte d’entrée pour certains germes, la manipulation augmentant considérablement les risques. Par similitude on pourrait avoir de telles infections aux orteils mais elles sont beaucoup plus rares, la lésion de l’ongle incarné en est proche d’une certaine façon.
L’origine microbienne peut être variée, mais les staphylocoques dorés sont généralement les germes les plus souvent responsables, simplement par le fait qu’ils séjournent à l’état naturel sur la peau (on dit dans ce cas d’une bactérie qu’elle est commensale).Ils sont parfois classés en fonction de la profondeur d’atteinte de la peau en panaris superficiels, panaris sous-cutanés et panaris profonds.
Il est malaisé cependant pour la pratique clinique de les grader ainsi, car on trouve beaucoup de panaris superficiels au pourtour de l’ongle, très peu à la pulpe ou aux faces palmaires et latérales des doigts. Les panaris sous-cutanés sont les véritables abcès, qu’on entend par le mot panaris, et les profonds sont en fait déjà des phlegmons ou des ostéo-arthrites.
D’ailleurs plutôt qu’abcès, qui sont bien circonscrits avec une coque externe qui empêche généralement la diffusion de l’infection ailleurs, ce sont des cellulites qui peuvent s’étendre à toutes les structures de voisinage. On parle bien évidemment de cellulite infectieuse, terme voisin de gangrène et fasciite et pas de lésion inesthétique.
Ensuite on trouve du streptocoque beta-hémolytique du groupe A, puis des bacilles à Gram négatif.
Les germes plus spécifiques comme Pasteurella sont souvent le fait de contaminations accidentelles, et morsures. Néanmoins on peut envisager n’importe quel type de germes notamment dans certains corps de métier suivant le contact avec des animaux, des eaux stagnantes, etc.
On exclue les panaris superficiels au dépends de l’ongle, déjà évoqués ici.
Le diagnostic est en général facile, c’est un doigt douloureux, la douleur est généralement le premier signe avant toute modification physique extérieure. Elle est décrite comme sourde puis croissante, pulsatile (un petit coeur qui bat dans le doigt), avec des retentissements sur les activités (impotence fonctionnelle relative du doigt concerné), insomniante.
Les signes d’inflammation vont se manifester avec un un oedème dur, une augmentation de la chaleur locale, une rougeur. Je dis «dur», ce n’est pas un doigt en bois bien sûr, mais il ne faut pas attendre un oedème «mou» comme les oedèmes qui prennent le godet des troubles de l’hydratation, ni espérer une fluctuation, signe des abcès mûrs, bons à inciser.
Le siège des panaris sous-cutanés est généralement à la pulpe, mais ils peuvent toucher n’importe quelle hauteur de phalange.
Dorsaux, on peut espérer qu’ils soient très superficiels, une sorte de furoncle pas plus. C’est le cas du panaris anthracoïde, au dépends d’un follicule pilo-sébacée de la peau du dos de la première phalange.
Palmaires ou des faces latérales, ils sont généralement plus profonds qu’on ne le soupçonne.
Il y a des communications avec un schéma particulier, c’est la description en bouton de chemise où une poche de pus juste sous-cutanée communique par un pertuis étroit avec une autre poche plus profonde. Le risque dans une telle lésion c’est de nettoyer que la première poche.
Il faut toujours rechercher des signes de diffusion aux structures avoisinantes, pour les panaris pulpaires : l’atteinte de l’articulation interphalangienne distale; pour les panaris des faces palmaires ou latérales, une diffusion à la gaine synoviales des fléchisseurs; pour les panaris en zone périarticulaire, une atteinte articulaire. En cas de panaris de la face dorsale, l’atteinte du système du tendon extenseur est possible mais ne sera visible qu’en peropératoire.
Une lymphangite peut être présente dans un petit nombre de cas témoignant de l’état d’avancement de l’infection. Il n’y a pas de fièvre, sa présence témoigne d’un processus plus invasif.
Il faut toujours évaluer le terrain, des maladies prédisposantes : diabète, immunodépression, traitement corticoïde ou anti-inflammatoire au long cours.
Le diagnostic différentiel se pose peu pour les panaris pulpaires et des faces palmaires. Les lésions de face dorsale peuvent simuler un botriomycome qui est une exacerbation du bourgeon charnu, coexistant parfois avec un corps étranger persistant qui l’auto-entretient. Le traitement inital est à l’inverse des panaris puisqu’il est à base de pansement aux corticoïdes. Un curetage dermatologique sous congélation et en dernier recours un traitement chirurgical d’excision peuvent s’avérer nécessaires. Les autres atteintes septiques de la main comprennent le panaris unguéal , le phlegmon des gaines synoviales et l’ostéïte ou ostéo-arthrite septique.
Il n’y a pas besoin d’examens complémentaires (en dehors d’un bilan pré-opératoire, notamment de coagulation). Une radiographie du doigt est intéressante si on suspecte un corps étranger radio-opaque, mais même pour dépister une ostéo-arthrite, les lésions radiologiques sont souvent très tardives.
Le traitement du panaris est chirurgical, c’est une excision et non une simple incision, ce qui est assez vulnérant pour un doigt. C’est d’ailleurs ce qui gène souvent et fait différer à tort le traitement chirurgical.
Il est à noter que la cure chirurgicale des panaris est un geste de chirurgie générale, réalisable par tout chirurgien même s’il semble logique qu’il soit réalisé par des orthopédistes. Elle devrait se faire en salle d’opération, sous anesthésie locorégionale voire générale et sous garrot. Dans la pratique, il est parfois délicat de motiver un chirurgien pour le réaliser, qui voit ce geste comme de la petite chirurgie. Ce n’est pas une urgence vitale certes mais ce n’est pas une raison pour le négliger. Essayer de le programmer en urgence différée de 24 heures peut devenir impossible dans certaines situations.
Techniquement, l’incision doit être large sur le côté d’un doigt en cas d’atteinte de la pulpe pour éviter la cicatrice résiduelle pulpaire, parfois même en bi-valve, c’est à dire sur les 2 côtés.
La poche de pus est évacuée, les tissus nécrosés sont grattés. Il n’est généralement pas nécessaire de laisser un système de drainage, par contre l’incision n’est pas suturée («Mieux vaut un trou propre qu’un couvercle sale»
Un pansement avec un tulle gras ou équivalent est fait pour que la plaie ne colle pas aux compresses.
Ce traitement est idéal pour les panaris arrivés à maturation, pour ceux débutant (stade phlegmasique) il faut savoir attendre et réévaluer le patient en proposant un traitement antalgique, un repos relatif du doigt, et des bains antiseptiques le temps de la maturation.
L’utilisation d’antibiotiques est discutable, à eux seuls ils ne peuvent soigner la situation et risquent de laisser une forme abâtardie, trainante et donc destructrice sans qu’on s’en aperçoive. Elle peut guérir à elle seule des panaris superficiels, mais pas les formes sous-cutanées.
La prescription d’antibiotique doit être à spectre étroit, anti-staphylococcique à base de pénicilline M et à grosse dose (cloxacilline 50 mg/kg/jour en 3 prises). La réévaluation avant 48 heures est nécessaire pour décider du traitement chirurgical.
Suivant les variétés de localisation, on s’expose à des difficultés de traitement.
Les panaris périarticulaires, l’excision de la porte d’entrée amène vite sur l’articulation. En cas de doute, il faudra réaliser une arthrotomie interphalangienne. Si la perte de substance cutanée est importante, la couverture par un lambeau de voisinage peut se justifier.
L’atteinte du tendon extenseur est assez exceptionnelle, il faut faire attention à ne pas exciser trop de tissu et ne pas abîmer l’enveloppe externe du tendon.
Les panaris anthracoïdes sont souvent impresionnants mais ne diffusent pas, il restera juste une perte de substance cutanée importante post-traitement, mais on peut faire seulement appel à une cicatrisation dirigée.
Les panaris des faces palmaires peuvent justifier un accès plus large pour vérifier la gaine synoviale des tendons fléchisseurs.
Le traitement des phlegmons des gaines synoviales a ses particularités propres.
La récidive d’un panaris est possible surtout en cas d’incision trop limitée, de traitement antibiotique préexistant, en cas de panaris à streptocoque, ou déjà d’évolution en ostéo-arthrite ou phlegmon.
En conclusion :
Traitement des infections spécifiques de la main, C. Sokolow, traité de chirurgie de la main sous la direction de R. Tubiana, éditions Masson
Panaris, P. Leps, M. Schoofs, S. Houze, Infections de la main, sous la direction de M. Ebelin, Monographie de la société française de chirurgie de la main
incision d’un panaris pulpaire en salle d’urgence