(mis à jour le 1/03/2014)
Le tendon d’Achille est le tendon le plus volumineux de l’organisme formé par la réunion des muscles de la loge postérieure superficielle de la jambe, à savoir les muscles jumeaux ou gastrocnémiens et le muscle soléaire, qui sert à la flexion du pied sur la jambe (flexion plantaire). Ils constituent le muscle triceps sural.
C’est un tendon puissant mais dont la rupture est un accident relativement fréquent en traumatologie.
Les causes de rupture sont généralement une sollicitation brutale du tendon lors de sports à cinétique rapide (tennis).
Certaines facteurs favorisent la fragilisation tendineuse comme des tendinites répétées, ou la prise de médicaments comme les antibiotiques de la famille des fluoroquinolones. Il existe peut être une prédisposition génétique du fait d’anomalies du collagène.
Les signes de rupture sont une douleur très vive à l’arrière de la cheville, une impotence fonctionnelle immédiate qui peut occasionner une chute. Les patients peuvent percevoir un claquement, avoir eu l’impression d’avoir été frappés à l’arrière de la jambe.
S’ensuivront une boîterie voire un appui impossible du fait de la douleur. Secondairement une ecchymose ou un oedème apparaitront à l’endroit de la rupture.
A l’examen outre la reproduction de la douleur à la palpation, on sent un vide laissé par la rétraction des deux moignons tendineux (sous réserve que la rupture vienne de se produire, passés quelques jours, la zone est parfois trop oedémateuse pour permettre cette distinction). On remarque une asymétrie, le pied du côté atteint « tombe », c’est à dire qu’il n’est plus maintenu par le tonus actif du triceps sural. Et la pression des masses du muscle triceps, normalement doit entrainer une flexion plantaire, en cas de rupture achilléenne, le pied reste inerte. C’est le signe de Thompson (voir figure) ou Squeeze test. L’inspection du pied, genou fléchi à 90°, patient sur le ventre, permet de voir également la perte du côté atteint de la position physiologique en équin.
signe de Thompson positif sur rupture achilléenne ouverte
Les ruptures partielles existent (parfois sur des traumatismes minimes de tendons « pathologiques ») mais il est difficile de chiffrer même par imagerie le pourcentage de surface tendineuse rompue. Elles sont à considérer comme des ruptures avérées qui doivent bénéficier d’un traitement, peut être en tentant plus le traitement conservateur mais il n’y a pas de preuves pour l’instant de supériorité dans ces cas là.
L’échographie est séduisante, pourrait être réalisée rapidement, mais dépend de l’opérateur (il faut maîtriser l’échographie musculo-tendineuse et avoir des images par appareil haut de gamme). Elle sous-estime parfois les ruptures en montrant encore quelques fibres en continuité mais qui n’ont pas assez de force.
échographie du tendon d’Achille lors d’une rupture, avec défect bien visible, zone anéchogène à la place du tendon correspondant à un hématome, le calcanéum est à droite au niveau de la ligne hyperéchogène avec cône d’ombre
rupture complète du tendon d’Achille, 8 cm au dessus de l’insertion sur le calcanéum, la présence de sang est à peine visible au niveau du défect, juste liseré anéchogène, donnant un aspect de modification d’aspect de l’échogénicité normale du tendon
L’IRM n’est pas un examen d’urgence mais visualise bien les cicatrisations de rupture opérées ou non. Elle a tendance à surestimer les lésions à cause des hématomes locaux. La radiographie est bien évidemment normale et ne montre jamais d’arrachement osseux, la rupture se faisant plus haut que l’insertion calcanéenne, la lecture des « parties molles » est difficile et en pratique inutile face à l’examen clinique.
Les données récentes de la littérature sur les possibilités thérapeutiques dans les ruptures du tendon d’Achille ne permettent pas clairement de se positionner en faveur d’un traitement conservateur ou interventionnel (1). Le risque de récidive de rupture semble un peu plus important après traitement conservateur, mais les interventions se compliquent parfois d’infections (1 à 2 % des patients) ou de retards de cicatrisations, de perte de sensibilité, d’adhésion de la cicatrice tendineuse et autres complications mineures (15 à 20 %). Le risque de thromboses veineuses profondes semble être similaire dans les deux options thérapeutiques. Devant une rupture récente, la décision entre intervention et traitement conservateur doit se baser sur plusieurs facteurs pour décider au mieux.
Le traitement orthopédique à base de botte pédieuse plâtrée (pour 6 à 8 semaines) avec positionnement initial du pied en flexion plantaire forcée pour 4 semaines, puis au moins 2 semaines à 90°. Il n’est à utiliser qu’en cas de contre-indications à la chirurgie. C’est une immobilisation longue, peu pratique, à réserver aux sujets âgés, ou quand la chirurgie rapide n’est pas possible. L’immobilisation longue, en position forcée, est source de raideur, entraine une amyotrophie rapide, il y a un gros travail de kinésithérapie derrière pour récupérer.
Un traitement fonctionnel s’est développé à l’instar de nombre de traumatismes (entorses de cheville notamment). Il associe un plâtre rigide pour une période brève puis le changement pour une attelle semi-rigide et enfin une botte de marche. La durée totale d’immobilisation varie selon les auteurs, de 8 à 12 semaines, et considérant une reprise des activités sportives possible qu’au 6ème mois L’intérêt est d’autoriser rapidement les mouvements pour éviter les raideurs et ankyloses vues dans les immobilisations orthopédiques. Il semble avoir des résultats intéressants (2).
Le traitement chirurgical reste le traitement paraissant le plus adapté pour les sujets jeunes et sportifs. Dans ce cas, la chirurgie doit être réalisée tôt comme toute chirurgie tendineuse à cause du risque de rétraction des deux extrémités du tendon. Il peut s’agir d’une chirurgie à ciel ouvert avec longue incision et suture renforcée du tendon en cadre ou en laçage, ou de chirurgie percutanée. Cette dernière compote deux incisions à distance de la rupture, ancrage et serrage sur billes de plomb qui a l’avantage de ne pas exposer le foyer de rupture, et réduit ainsi le risque infectieux, mais il y a souvent des zones de souffrance cutanée aux extrémités.
Avant une semaine on peut espérer une bonne récupération avec une suture des deux morceaux bout à bout. Ceci est généralement suivi d’une période d’immobilisation par botte plâtrée pour ne pas solliciter la suture tendineuse, éventuellement secondairement une attelle plus souple.
Dans un certain nombre de cas, la cicatrisation ne sera pas acquise et il faudra réopérer, quitte à réaliser un un allongement du tendon (technique ancienne en réalisant plusieurs incisions de la partie haute du tendon) ou une plastie tendineuse (prélèvement d’un morceau de tendon ailleurs sur le corps qui servira de « pont »).
Dans tous les cas la rééducation joue une place prépondérante dans les chances de récupération notamment pour la pratique sportive.
Greenberg M, Achilles tendon rupture, Greenberg’s text atlas of emergency medicine, Lippincott Williams & Wilkins editions
The ruptured Achilles tendon: operative and non-operative treatment options
(2) Combined conservative and orthotic management of acute ruptures of the Achilles tendon
Radiopaedia : Achilles tendon tear et Achille tendon tear classification
Medscape : Achilles tendon rupture
Achilles Tendon: Nonsurgical Approach Can Match Surgery
Achilles Tendon Rupture: Rehab vs Surgery
Technique percutanée
Vidéo courte mais avec gros plan montrant bien le type de suture utilisé
Chirurgie avec renforcement du tendon suturé par une sorte de feuillet